Des versions légères de personnages devenus sombres
Les lecteurs d’aujourd’hui ont des images fortes de Batman et Hulk. Le 1er est un croquemitaine terrible, entouré d’ombres, agissant dans les ténèbres et sur une corde morale raide. Le 2nd est autant une brute féroce qu’un conquérant invincible, un être aux personnalités multiples récemment remises en avant. La situation n’est pas la même en 1981. Certes, Batman est un combattant du crime, mais il est bien plus bondissant que maintenant. Il agit souvent en pleine lumière, et n’a pas complètement cette approche sombre et macabre. Il n’est pas, non plus, le « Super-Batman », préparé à tout et invincible. Idem pour Hulk, engoncé dans cette approche de brute enfantine et ce Bruce Banner errant, comme la série TV de l’époque. Plusieurs récits préparent les évolutions bientôt apportées par Planet Hulk ou Peter David, légendaire scénariste du superhéros. Mais nous en sommes encore loin, et l’opposition Batman/Hulk surprend dans son approche dynamique et… légère.
Un récit dynamique mais surprenant
Len Wein scénarise 64 pages d’une rencontre intense, ponctuée de nombreux rebondissements. Le récit est organisé en 5 chapitres, qui rythment habilement une lecture fluide. Batman contre Hulk utilise les « tics » d’écriture de l’époque : bulles de pensée, voix-off, rappel de quelques surnoms surprenants (le fameux « man-brute » répété régulièrement pour Hulk). Mais Len Wein n’en abuse pas, ce qui rend l’ensemble agréable. Mais l’intrigue, cependant, surprend. On n’attendait sûrement pas le Façonneur de Mondes comme adversaire, en compagnie d’un Joker plus évident. Le supervilain est certes ennemi de Hulk, mais on espérait plus le Leader, voire l’Abomination. Ce choix oriente le récit vers une approche métaphysique étonnante, qui emmène les superhéros dans une voie imprévue… mais finalement un rien décevante. Le fameux Batman contre Hulk raconte ainsi une histoire tellement étrange qu’on peut être un peu sorti de la lecture. Bien que, historiquement, cela prépare la saga Empereur Joker, où le clown devient maître de la réalité et affronte notamment Lex Luthor. Une lecture qui surprend n’est jamais mauvaise, mais on peut rester interdit devant cette approche troublante.
Un crossover plaisant mais un peu daté
José Luis Garcia-Lopez livre des planches dans un style certes lié à son époque, mais d’une qualité immense. L’influence de Neal Adams paraît grande, alors que son Batman est majestueux, son Joker terrifiant, et son Hulk massif. Le dessinateur semble plus à l’aise avec les personnages DC, mais ses scènes d’action sont intenses et puissantes. Le récit de Len Wein surprend mais reste une lecture fluide, agréable. Ce crossover sur une Terre fusionnant Marvel et DC est en soi une curiosité. La rencontre intéresse pour ce qu’elle dit de son époque, pour les changements apportés aux personnages depuis, et pour l’approche étonnante voulue par les auteurs. Batman contre Hulk n’a hélas pas le privilège de la 1ère fois comme Superman contre Spider-Man, ou la force absolue de JLA/Avengers, finalement réalisé en 2003. Reste une lecture plutôt fun et inattendue, ce qu’on demande finalement à un bon comics ! ■
Batman contre Hulk est un comics publié en France par Sagédition et Semic.
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(image © Marvel Comics)
