Critique de Justice League Unlimited Tome 1 : Mark Waid et Dan Mora frappent fort

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On a beau connaître Mark Waid et son amour immodéré pour les héros en collants, on ne s’attendait pas à ce qu’il relance la Justice League avec autant d’aplomb. Dès le premier épisode de Justice League Unlimited, il convoque l’esprit de l’ancienne série animée, celle qui a traumatisé (positivement) une génération, et lui injecte une dose massive d’ampleur cosmique sauce “Waid & Mora” (qu’on a déjà goûté dans World’s Finest). Avec ce ton à la fois léger, fun, mais qui sait se prendre au sérieux quand il faut sauver le monde. Le pitch ? Le petit nouveau Air Wave débarque dans une Ligue en pleine expansion, et découvre que bosser avec 150 super-héros, c’est un peu comme faire un stage d’intégration dans une gigantesque entreprise.

Et le résultat, c’est que ça fonctionne du tonnerre. La narration file à toute allure, l’humour s’invite entre deux punchlines héroïques, et la Tour devient un open-space intergalactique. Ce n’est pas juste une relance, c’est un manifeste : la Justice League Unlimited est là pour rester, et elle entend bien rappeler qu’elle n’a rien à envier aux Avengers de Jonathan Hickman. Le premier numéro claque fort, installe un univers riche. Et si tu ne connais pas Air Wave, t’inquiète, tu vas vite le repérer. Spoiler : il cache bien son jeu.

Air Wave, recrue modèle ou bombe à retardement ?

Dans toute bonne série de super-héros qui se respecte, il y a toujours un débutant qui en prend plein la tronche. Ici, c’est Air Wave qui s’y colle, et Mark Waid le propulse d’entrée comme notre point d’entrée dans cette Justice League Unlimited bourdonnante. Gentil, enthousiaste, un peu paumé, il fait le job. Mais voilà : très vite, les petits indices s’accumulent, et l’on comprend que le bonhomme n’est pas juste là pour distribuer les cafés. Son avenir pourrait bien être lié à une trahison de grande ampleur. On vous l’avait dit qu’il fallait se méfier des stagiaires.

Le tome 1 joue intelligemment avec cette tension. Pendant qu’on suit des combats épiques contre des armées de paradémons, ou qu’on rigole devant Mary Marvel qui papote mythologie avec Wonder Woman, Air Wave se fait doucement rattraper par un “destin”. Le twist est encore à venir, mais la graine est plantée. Et si la Ligue faisait confiance à la mauvaise personne ? Une idée toute simple, mais diablement efficace, qui donne un vrai fil rouge à ce premier arc de Justice League Unlimited.

Une menace nommée Inferno : entre mystère et chaos

Le grand méchant de ce premier tome, c’est Inferno. Et non, ce n’est pas un groupe de metal norvégien, mais une organisation mystérieuse qui, en quatre épisodes, arrive à faire galérer la Ligue plus que Darkseid un jour de gueule de bois. En surface, on est sur du classique : des entités à capuches tapies dans l’ombre (on a connu plus original, OK), des plans à tiroirs, des enfants kidnappés, des incendies dévastateurs, la Sève de Swamp Thing menacée… mais Mark Waid et Dan Mora s’amusent avec les codes pour livrer une intrigue à la fois lisible et intrigante, où l’horreur surnaturelle se frotte aux bastons super-héroïques. On regrettera tout de même l’absence d’une bonne grosse baston contre un ou des adversaires taillés pour affronter la JL.

Mais d’un autre côté, c’est là que le ton “Unlimited” prend tout son sens : chaque numéro tire sur un fil différent, tout en gardant le même patchwork de personnages et d’intrigues secondaires. Le Limier Martien y est touchant comme jamais, Red Tornado prend une part inattendue, et Mr Terrific se transforme en directeur de crise tout terrain. Ça avance doucement, mais sûrement, et les promesses faites dans les premiers numéros semblent converger vers un final de plus en plus tendu. Oui, c’est un peu dense. Oui, ça part dans tous les sens. Mais bon sang, qu’est-ce que c’est généreux !

Le charme des personnages secondaires (et du fan service)

L’une des grandes réussites de Justice League Unlimited, c’est ce sentiment permanent de “cadeau pour fans”. Pas de name-dropping inutile ni de clins d’œil lourdingues, mais une manière habile de faire exister des dizaines de héros secondaires dans un récit fluide. Un numéro et hop, voilà Plastic Man qui échange ses pouvoirs avec Phantom Girl. Trois pages plus tard, Mary Marvel, Dr Occult et Ryan Choi viennent glisser une phrase ou deux et bam, t’as envie de relire leurs anciennes séries. Le multivers DC devient un bac à sable.

Et ça fonctionne grâce à cette narration chorale ultra maîtrisée. Même les personnages les plus obscurs ont droit à leur petit moment de gloire, ce qui donne à Justice League Unlimited une texture assez unique. On n’est pas juste là pour suivre Superman et Batman casser des trucs. On est là pour voir comment une équipe protéiforme s’organise, respire, se chamaille… et parfois se plante. Une vraie leçon d’écriture pour les amateurs de séries d’équipe qui ressemblent trop souvent à des séries solo déguisées.

L’art de Dan Mora, toujours au sommet

Faut-il encore le préciser ? Dan Mora est une machine. Le gars est capable de dessiner 18 personnages par case sans jamais perdre en lisibilité ni en dynamisme. Dans Justice League Unlimited, il retrouve la patte de ses World’s Finest, en mixant narration claire à l’ancienne et grand spectacle cinématographique. Les pages débordent d’énergie, les expressions faciales claquent, et les doubles splashs sentent bon les grandes heures de la JLA de Grant Morrison.

Mais au-delà de la technique, c’est surtout le sens de la composition qui impressionne. Chaque planche est pensée pour raconter quelque chose, et même les scènes les plus bordéliques conservent une élégance folle. Mention spéciale aux séquences horrifiques qui rappellent par moments les meilleurs épisodes de Swamp Thing. Bref, c’est du caviar graphique. Et dire que c’est censé être “juste” un titre d’équipe…

DC All In Special : quand la Justice League Unlimited croise Darkseid (et Booster Gold)

Avant même de plonger dans Justice League Unlimited, Urban Comics propose un petit hors-d’œuvre costaud : le DC All In Special. Mi-prologue, mi-déclaration d’intention, ce numéro partagé entre un “Alpha” lumineux en début d’album et un “Omega” infernal en fin d’album fait office de passerelle entre Absolute Power et cette nouvelle ère “Unlimited”. Dans la première moitié, on retrouve un Justice League Unlimited rassemblé à la sauce “fan-service + espoir + uniformes qui claquent”, avec Joshua Williamson, Scott Snyder et Daniel Sampere qui déroulent une symphonie de super-héros. À lire les pages, on entend presque la musique du dessin animé. Si tu as grandi avec, tu vas avoir des frissons.

Mais attention, l’autre partie du comics qui clôt ce tome 1 n’est pas là pour rigoler. “Omega”, c’est Darkseid en mode nihiliste, qui trace sa route à travers l’enfer. C’est sombre, c’est barré, et c’est visuellement radical grâce à Wes Craig qui lâche les chevaux dans un style très “Vertigo sous acide”. Entre deux scènes de baston mythologique, le scénario glisse des clins d’œil à Final Crisis, Infinite Frontier, et même Death of Superman (Booster Gold + Superman = moment frisson garanti). Et les Absolute Batman, Absolute Wonder Woman et Absolute Superman pointent très brièvement le bout de leur nez, suggérant à terme un crossover avec les héros classiques. Un vrai bonbon pour les fans hardcore, mais aussi un teaser costaud sur ce que pourrait devenir cette Justice League Unlimited : un bras de fer entre l’espérance la plus pure… et la haine la plus massive.

Pour conclure

Avec ce premier tome, Justice League Unlimited réussit un lancement en fanfare : dense, fun, généreux, parfois un peu fouillis, mais toujours porté par une envie sincère de célébrer l’univers DC dans toute sa richesse. Mark Waid et Dan Mora prouvent qu’ils sont les chefs d’orchestre parfaits pour diriger la série, entre nostalgie, ambition cosmique et storytelling moderne. Que l’on soit vétéran de la Ligue ou simple curieux, il y a ici de quoi s’émerveiller, s’amuser, et frissonner. Et vu les promesses glissées au fil des pages, il y a fort à parier que l’aventure Unlimited ne fait que commencer.

Justice League Unlimited tome 1 est un comics publié en France par Urban Comics. Il contient : DC All-In Special #1 et Justice League Unlimited #1-4




A propos Stéphane 750 Articles
Stéphane Le Troëdec est spécialiste des comics, traducteur et conférencier. En 2015, il s'occupe de la rubrique BD du Salon Littéraire. Ses autres hobbys sont le cinéma fantastique et les jeux. Enfin, et c'est le plus important : son chiffre porte-bonheur est le cinq, sa couleur préférée le bleu, et il n’aime pas les chats.