Spawn 2025 : notre avis sur le nouveau statu quo de Spawn

Spawn 2025
Temps de lecture estimée : 7 min.

« Spawn 2025 » chez Delcourt, c’est le genre de tome qui donne envie de replonger dans l’ambiance des albums Spawn des années 90… L’album compile les numéros 351 à 362 de la série principale, soit la grande période « post-guerre du Ciel et de l’Enfer », avec Al Simmons redevenu mortel, une Terre recouverte par la zone aveugle (qui annule les pouvoirs des entités démoniaques et angéliques) et des vampires qui ont flairé le bon filon pour tirer leur épingle du jeu. Dans cette critique de « Spawn 2025 », on va voir comment Rory McConville et Todd McFarlane relancent le statu quo, si la menace de Bludd et de ses buveurs de sang tient la route, ce que vaut la galerie de seconds rôles (Lyra, Eddie, Jim Downing, Nyx, Wynn…) et surtout si ce tome 2025 vaut le coup pour les lecteurs qui ont perdu Spawn de vue depuis un moment. Spoiler : il y a de très bonnes idées, mais aussi quelques choix de narration qui risque d’en fatiguer plus d’un.

Spawn 2025 : un statu quo post-apocalyptique enfin passionnant

La grande force de « Spawn 2025 », c’est de prendre à bras-le-corps les conséquences de l’énorme numéro 350, au lieu de repartir comme si de rien n’était. Plus de pouvoirs pour les anges et les démons, une zone aveugle qui recouvre la planète, un Hellspawn redevenu simple humain avec son background de soldat traumatisé… Rory McConville et Todd McFarlane exploitent vraiment ce statu quo comme un concept, pas juste comme un gimmick marketing. Voir Al Simmons obligé de compter sur sa ruse, sa formation militaire et une poignée d’alliés pour survivre dans un monde où les vampires de Bludd contrôlent les portails du Ciel et de l’Enfer donne à « Spawn 2025 » une tension de survival horrifique qui manquait parfois aux derniers arcs trop cosmiques. On sent que le duo de scénaristes s’amuse avec cette idée de monde « débranché » du divin.

Vampires, zone aveugle et quête de remède : un thriller horrifique sous haute pression

Le cœur de « Spawn 2025 », c’est cette longue traque autour de Bludd, roi des vampires, et de la recherche d’un remède au vampirisme. Ces épisodes de Spawn cru 2025 proposent un mélange de baston gore et de soap surnaturel qui la plupart du temps fonctionne : créatures coincées dans leurs formes monstrueuses, massacres organisés de démons sans défense, armées de suceurs de sang qui nettoient la planète des restes du Ciel et de l’Enfer… La quête de remède permet d’ancrer la série dans une logique quasi médicale tout en gardant la patine crade typique de Spawn. On suit un héros qui ne cherche pas seulement à taper plus fort que les autres, mais à changer les règles du jeu, quitte à pactiser avec des monstres encore pires. L’arc vampirique donne au tome une direction claire et un antagoniste bien identifié, même si Bludd reste parfois plus fonctionnel que vraiment charismatique.

Quand Spawn 2025 mise sur ses seconds rôles

L’autre bonne surprise de « Spawn 2025 », c’est la place laissée aux seconds rôles, qui évitent au tome de n’être qu’un monologue d’Al Simmons en mode râleur professionnel. Eddie Frank, devenu Reaper, offre un vrai moteur émotionnel au récit avec ce statut de demi-ange, demi-vampire dont les freins ont sauté depuis la fin de la guerre, transformant un allié en bombe à retardement. Jim Downing, l’ancien Spawn, revient, à la fois sauveur, bluffeur et témoin d’un statu quo cosmique qui se fissure. Et puis il y a Lyra, hybride ange/démon au passé tragique, à qui Rory McConville consacre un épisode quasi parfait d’origin story : famille aux lourds secrets, révélation identitaire, traque, vengeance… Rien de révolutionnaire sur le papier, mais c’est efficace, sensible, et ça donne enfin à Spawn une partenaire qui n’est pas juste là pour servir de punching-ball scénaristique.

Nyx, Bludd, Wynn : la guerre froide des dieux et des monstres

En toile de fond de « Spawn 2025 », trois forces se tirent la bourre sans jamais jouer complètement cartes sur table : Nyx, désormais reine de l’Enfer ; Bludd, tyran vampirique opportuniste ; et Jason Wynn, patron de l’Agency et champion de la magouille gouvernementale. Nyx impose la zone aveugle pour préparer un plan de conquête du Ciel dont on ne découvre les détails que très tard, Bludd en profite pour nettoyer la planète des anciennes puissances, et Wynn bricole dans son coin un virus censé se nourrir des êtres surnaturels pour les contrôler ou les éradiquer. Cette « guerre froide » à trois donne à « Spawn 2025 » une ambiance de complot permanent où tout le monde joue contre tout le monde, et où Al n’est jamais qu’un pion un peu trop lucide qui refuse de choisir entre la peste, le choléra et la morsure de vampire. Quand la série pousse ce triangle de forces, elle atteint un vrai niveau de tension qui fait plaisir à voir dans un titre aussi longtemps associé à la simple surenchère.

Spawn 2025 et le pari de la décompression

Reste un point qui divisera clairement les lecteurs de « Spawn 2025 » : la décompression extrême de certains passages. Sur douze épisodes, on a plusieurs chapitres où l’intrigue avance à pas de fourmi, avec une seule grosse idée par numéro (une discussion, un flashback, une bagarre) étirée sur 20 pages. L’arc autour du virus de Wynn, par exemple, balance des miettes d’information pendant plusieurs épisodes sans jamais poser clairement les enjeux, au point qu’on a parfois l’impression que la série nous demande de patienter gentiment que le vrai twist arrive ailleurs, dans un autre titre du Spawnverse. Quand ça fonctionne, cette décompression permet d’installer une ambiance poisseuse, des dialogues qui respirent et des scènes d’horreur bien posées. Quand ça rate, on se retrouve avec des numéros techniquement solides mais parfaitement dispensables, ce qui n’est jamais idéal dans un album comme « Spawn 2025 » que Delcourt propose en un seul bloc.

Brett Booth en état de grâce sur Spawn 2025

Si vous accrochez encore à « Spawn 2025 » après quelques hésitations sur le rythme, ce sera sans doute grâce à Brett Booth et à la cohorte d’encreurs et de coloristes qui l’accompagnent (Adelso Corona, Daniel Henriques, Jay David Ramos, Robert Nugent). Les planches débordent de détails, de poses improbables et de créatures cauchemardesques, tout en captant cette énergie très 90s qui a fait la renommée de Todd McFarlane, mais en plus lisible et moderne. Les doubles pages de baston contre les vampires, les cyber-anges bardés de métal, les flashbacks de la guerre Ciel/Enfer, tout respire la série B de luxe qu’on adore feuilleter le soir en se rappelant nos premiers kiosques Semic. Et quand Brett Booth se calme pour raconter l’intimité brisée de Lyra ou le désespoir d’Al au chevet de Terry, il prouve qu’il sait aussi gérer le registre émotionnel sans tomber dans le surjeu. Visuellement, « Spawn 2025 » est un quasi sans-faute.

Faut-il lire Spawn 2025 si on a lâché la série ?

Question que beaucoup de lecteurs français vont se poser devant « Spawn 2025 » chez Delcourt : est-ce que je peux revenir sur la série ici sans me refaire 30 tomes de retard ? La réponse tient du « oui, mais » typique des comics. Oui, parce que Rory McConville et Todd McFarlane rappellent régulièrement le contexte (la guerre, la montée de Nyx, la zone aveugle) et parce que le fil rouge autour de Bludd, du remède et de la reconquête des pouvoirs forme une intrigue assez claire pour qu’on s’accroche. Mais aussi non, parce que certains enjeux émotionnels reposent sur des années de continuité (Jim Downing, Wanda, Terry, Jason Wynn) et que les jeux de pouvoir inter-séries avec King Spawn ou les spin-offs peuvent paraître un brin confus si vous ne suivez pas tout. Disons que « Spawn 2025 » fonctionne comme porte d’entrée pour un lecteur motivé, prêt à accepter d’être un peu perdu au début en échange d’un vrai gros reset du statu quo.

Spawn 2025 : un tome charnière pour la suite de la série

Au final, « Spawn 2025 » ressemble à ce qu’il veut être : un tome charnière où Al Simmons encaisse encore un changement majeur de statut. Où le monde se ré-enflamme après une année de mise sous cloche, et où les forces en présence redéfinissent leurs alliances. Entre la menace vampirique de Bludd, les plans mégalos de Nyx, les manipulations de Jason Wynn et la montée en puissance de personnages comme Lyra ou Eddie, la série retrouve une énergie sombre et feuilletonesque qui sied bien à Spawn. Si vous cherchez un récit fermé, auto-contenu, ce n’est clairement pas ici qu’il faut venir. Mais si vous avez envie de replonger dans l’univers du Hellspawn à un moment où tout peut basculer, « Spawn 2025 » est un album imparfait, parfois frustrant, mais globalement excitant, qui pourrait bien décider si vous restez ou non à bord pour le prochain grand cycle de la série !

Spawn 2025 est un comics publié en France par Delcourt. Il contient : Spawn 351 à 362.




A propos Stéphane 783 Articles
Stéphane Le Troëdec est spécialiste des comics, traducteur et conférencier. En 2015, il s'occupe de la rubrique BD du Salon Littéraire. Ses autres hobbys sont le cinéma fantastique et les jeux. Enfin, et c'est le plus important : son chiffre porte-bonheur est le cinq, sa couleur préférée le bleu, et il n’aime pas les chats.