Absolute Batman, tome 1 : une relecture musclée du Chevalier noir

absolute Batman
Temps de lecture estimée : 4 min.

Dans Absolute Batman, oubliez le milliardaire philanthrope et la Batcave high-tech : Bruce Wayne commence au fond du gouffre, sans argent, sans Alfred (du moins au début), et sans filet de sécurité. Scott Snyder l’envoie directement au casse-pipe dans une version de Gotham plus urbaine, plus crasseuse, et surtout plus crédible que jamais. C’est Batman version jeune prolo, brute de décoffrage, avec une carrure de catcheur et une cape qui ferait rougir Spawn. Et vous savez quoi ? Ça fonctionne. D’autant que l’absence de fortune redonne au personnage une tension qu’on croyait perdue depuis Année Un.

Ce nouvel univers parallèle assume à 100 % son côté “Batman repensé pour l’époque post-pandémie”. Moins de gadgets, plus de sueur. Et une narration qui ne perd pas de temps à réinstaller les bases : Alfred débarque en mode mercenaire baroudeur dans un Gotham qu’il ne reconnaît plus, Bruce est déjà une ombre légendaire dans les rues, et Black Mask dirige tout ce petit monde avec une brutalité de patron de start-up en fin de cycle.

Un Batman plus humain… mais toujours monstrueux

Ce qui frappe dans Absolute Batman, c’est cette dualité constante : un héros plus humain, plus faillible, mais visuellement plus monstrueux que jamais. Il n’est plus l’homme parfait planqué derrière ses gadgets : c’est un type en colère, musclé comme un déménageur, qui fonce dans le tas parce qu’il n’a pas d’autres choix. Scott Snyder le montre cassé, hanté par un passé réinventé, avec une mère encore vivante, des amis d’enfance. Ça donne de l’épaisseur émotionnelle, et ça permet de raconter un Batman qu’on n’avait jamais vraiment vu.

Mais que les fans de baston se rassurent : la série ne lésine pas sur l’action. Chaque épisode contient au moins une séquence digne d’un blockbuster, que ce soit une course-poursuite en Bat-camion, une bagarre sur un yacht, ou une baston dans un immeuble rempli de psychopathes masqués. Nick Dragotta s’en donne à cœur joie : ça explose, ça claque, ça crisse. Frank Martin, aux couleurs, accentue cette impression de chaos organisé, avec des jeux de lumière spectaculaires. Bref, c’est beau et c’est efficace.

Absolute Batman : entre héritage et révolution

La grande force de Absolute Batman, c’est de réussir à être à la fois un hommage et une rupture. Scott Snyder pioche dans Année Un, Année Zéro, Batman Begins, et même un peu dans l’animé des années 90, pour mieux tordre tout ça et en faire une version taillée pour le monde de 2025. On retrouve l’essentiel du mythe : la peur, le trauma, la volonté de justice. Mais tout est vu à travers un prisme nouveau : Alfred n’est pas le père de substitution, mais un observateur inquiet ; Gordon n’a plus le contrôle de rien ; et Batman… Batman est seul.

Cela dit, tout n’est pas parfaitement équilibré. Si certains personnages secondaires comme Martha Wayne ou Gordon gagnent en présence et en émotion, d’autres (notamment les antagonistes) manquent de profondeur. Black Mask, par exemple, reste une allégorie d’un pouvoir capitaliste sans visage, mais ses motivations restent floues et ses punchlines génériques. Et parfois, malgré ses ambitions, la série retombe dans des mécaniques bien connues : Bruce bat ses ennemis à la force du poignet, se relève toujours plus fort, et revient plus vite qu’il n’a encaissé les coups. L’illusion d’un vrai changement s’effrite de brefs moments.

Une narration dense, une ambition réelle

Là où Absolute Batman impressionne, c’est dans sa narration. Scott Snyder alterne entre le point de vue d’Alfred, des monologues intérieurs à la Année Un, et des flashbacks ponctués d’émotions douces-amères. Il ne cherche pas à tout révolutionner, mais à injecter de la sincérité dans chaque scène, et ça fonctionne. On sent que Bruce n’est pas encore le héros accompli, mais un homme en construction, rongé par des choix impossibles et une douleur très actuelle. Ce n’est pas un Batman pour les enfants. C’est un Batman pour une époque qui doute.

Malgré cela, le rythme effréné et l’enchaînement des morceaux de bravoure laissent peu de place aux silences. On aurait aimé que certaines scènes respirent un peu plus, que certaines conséquences (comme la révélation de l’identité de Batman à un proche) soient creusées. À trop vouloir avancer, la série oublie parfois de s’attarder sur ses meilleures idées. Ce n’est pas un défaut rédhibitoire, mais un rappel que même un « Absolute » a ses limites.

Absolute Batman : l’avis final

Absolute Batman n’est pas une simple redite, ni une révolution totale. C’est un remix ambitieux, généreux, souvent spectaculaire, parfois maladroit, mais toujours sincère. Scott Snyder et Nick Dragotta livrent un Batman taillé pour les lecteurs d’aujourd’hui : plus sombre, plus massif, plus socialement impliqué. Un Batman qui doute, qui souffre, et qui cogne plus fort que jamais. Ce n’est peut-être pas le Batman définitif. Mais c’est celui qu’on mérite en ce moment.

Alors, faut-il lire Absolute Batman ? Oui, mille fois oui. Que vous soyez un vieux routard de Gotham ou un néophyte curieux, ce premier tome offre une belle porte d’entrée dans un univers parallèle aussi brutal qu’attachant. C’est imparfait, parfois trop “cool” pour son propre bien, mais diablement efficace. Et si la suite continue sur cette lancée, Absolute Batman pourrait bien devenir une des meilleures incarnations du Chevalier noir de ces dix dernières années.

Absolute Batman, tome 1 est un comics publié en France par Urban Comics. Il contient : Absolute Batman #1-6.




A propos Stéphane 742 Articles
Stéphane Le Troëdec est spécialiste des comics, traducteur et conférencier. En 2015, il s'occupe de la rubrique BD du Salon Littéraire. Ses autres hobbys sont le cinéma fantastique et les jeux. Enfin, et c'est le plus important : son chiffre porte-bonheur est le cinq, sa couleur préférée le bleu, et il n’aime pas les chats.