Le Démon : Jack Kirby libère la toute puissante sorcellerie de l’univers DC Comics !

Le Démon jack Kirby Etrigan
(image © DC Comics)

Urban Comics publie une édition complète et soignée du Démon, une création originale de Jack Kirby des années 70. Le Démon est peut-être une des séries les moins ambitieuses de l’artiste. Il se démarque par une débauche d’énergie et de puissance qui se dégage à chaque planche. Prenez garde à Etrigan, le Démon !
■ par Fletcher Arrowsmith

 

Le Démon jack Kirby Etrigan
(image © DC Comics)

 

Une série à part dans l’œuvre de Jack Kirby

Le Démon fait partie des créations originales de Jack Kirby lors de son passage chez DC Comics dans les années 70. Publié d’août 1972 à janvier 1974, Le Démon est une série peu connue de Jack Kirby, loin d’avoir l’aura de celles appartenant au cycle du Quatrième Monde par exemple. Néanmoins elle n’a pas à rougir de la comparaison tant la qualité est grande. Il serait dommage de passer à côté de ce joyau. Avec Le Démon, Jack Kirby répond à une commande de DC Comics. Plutôt que reprendre des séries existantes, Jack Kirby décide d’explorer le thème fantastique en puisant dans des références diverses et variées comme Prince Vaillant ou la série anthologique Black Magic. Face à l’arrêt des séries composant le Quatrième Monde, Jack Kirby décide d’œuvrer sur Le Démon également sur la partie graphique, ne devant que scénariser au départ. À la demande de Carmine Infantino, Jack Kirby devra arrêter le Démon au bout de 16 numéros. À postériori Le Démon peut être considéré comme une parabole de la carrière de Jack Kirby chez DC. À la vue de sa genèse si particulière, Le Démon mérite donc un coup d’œil attentif en faisant peut être une des œuvres les plus personnelles du King.

 

Le Démon jack Kirby Etrigan
(image © DC Comics)

 

De l’horreur plus fantastique qu’horrible

Le Démon cultive un sacré paradoxe dans l’œuvre de Jack Kirby. Assurément série la plus intime voire une des moins connues, Le Démon est loin de l’ambition des autres séries que Jack Kirby a produit pour DC à la même époque : le Quatrième Monde, Kamandi ou OMAC. Le Démon surprendra les amateurs de Jack Kirby dans sa construction. Bien qu’ayant eu carte blanche en étant responsable éditorial de la série, à la fois scénariste et dessinateur, la lecture du Démon semble souvent donner l’impression que le créateur de Darkseid navigue à vue. Jack Kirby n’hésite pas à s’inspirer des mythes et légendes pour donner une assise forte à sa série. Il mélange les mythes chevaleresques avec Merlin et Morgane La Fée, le gothique Klarion, mais aussi le baroque représenté par le Fantôme de l’opéra. Quand le Démon s’aventure dans l’horreur avec le mythe de Frankenstein ou du Golem (rappelant au passage ses origines juives) la touche grotesque et d’humour n’est jamais loin. Même la romance prête à sourire tout comme les résolutions des aventures de Jason Blood tenant plus parfois du deux ex machina ou même de la farce. Mieux Etrigan, l’alter égo démoniaque de Jason Blood, semble parfois faire office de faire valoir, sa transformation arrivant dans les dernières pages pour régler le problème. D’ailleurs les pouvoirs d’Etrigan varient et s’enrichissent selon les besoins de l’intrigue. Jack Kirby s’amuse à dessiner des monstres et des êtres fantastiques, et finalement embarque le lecteur dans son délire graphique.

 

Le Démon jack Kirby Etrigan
(image © DC Comics)

 

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couverture (image © Komics Initiative)

Ça va chauffer !

Le Démon, à travers Jason Blood et Etrigan, reste une relecture de L’Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde, 2 personnages de la littérature fantastique inventés par Robert Louis Stevenson. Jack Kirby renoue avec le thème de l’homme derrière le monstre comme le fut la Chose des 4 Fantastiques. Jack Kirby délaisse l’étude approfondie des personnages pour embarquer Etrigan, le personnage principal, dans des aventures rocambolesques où éclate son talent graphique. Ainsi le lecteur n’en saura pas beaucoup plus sur la vie qu’a pu mener Jason Blood à travers les siècles. Même remarque avec les personnages secondaires, à peine esquissés, tombant dans une caricature assumée. Ainsi Glenda Mark reste une amoureuse transie dont l’apport principale aura été de se faire kidnapper pour que Jason Blood puisse sauver la demoiselle en détresse mais également de contribuer à une intrigue amoureuse dans le style La Belle et la Bête. De même pour les 2 meilleurs amis de Jason Blood qui semblent, à l’instar de Harry Matthews, ne pas avoir de vie professionnelle autre que s’inquiéter du sort de leur ami. Randu Singh apporte un peu d’exotisme avec ses pouvoirs et ses origines sans que l’on s’y attache plus que cela. Il est même étonnant de voir Jack Kirby écrire des personnages si peu intéressants sauf à rentrer dans son jeu.

 

Le Démon jack Kirby Etrigan
(image © DC Comics)

 

Tous les ingrédients d’un filtre d’amour réussi

Non, l’intérêt est ailleurs. Avec Le Démon, Jack Kirby donne sa pleine puissance graphique en exploitant à plein le côté fantastique. Le Démon est l’occasion pour le King de dessiner un bestiaire toujours plus impressionnant. D’ailleurs nombre d’épisodes ouvrent sur une double splash page où monstres et scènes de batailles dantesques tiennent le haut du pavé. L’encrage de Mike Royer sublime les planches de Jack Kirby pleines de puissance et de Kirby crackles, une manière de représenter l’énergie en utilisant le contraste entre le blanc et le noir. Pour aller plus loin dans l’originalité surprenante de Jack Kirby, Le Démon possède un côté burlesque. Ce pavé se déguste comme une friandise qui éclate en bouche pour procurer uniquement un pur moment de détente et de plaisir. Jack Kirby s’éclate et cela se voit.

 

Le Démon jack Kirby Etrigan
(image © DC Comics)

 

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Une édition démoniaque

Avec cette édition du Démon, Urban Comics a mis les petits plats dans les grands. L’intégralité des 16 épisodes produits par Jack Kirby sont présents. La lecture commence avec une préface très intéressante par Mark Evanier qui revient sur la création du Démon en plantant le décor de l’époque et l’état d’esprit de Jack Kirby. Les couvertures originales s’intercalent entre chaque épisode permettant de faire des temps de pause, car l’ouvrage reste lourd et conséquent et le lecteur ressent le besoin de reprendre son souffle. La dernière page du Démon tournée, l’immersion dans l’œuvre de Jack Kirby continue avec une postface très intéressante de Jérôme Wicky puis un cahier graphique magnifique présentant des esquisses de Jack Kirby sur des planches et couvertures du Démon. Encore un ouvrage de qualité de la part de Urban Comics. ■

Le Démon jack Kirby Etrigan
(image © DC Comics, Urban Comics)

Le Démon est un comics publié en France par Urban Comics. Il contient les épisodes US : The Demon 1 à 16.

 

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(image © Marvel)