Et si « Aliens vs Avengers » était enfin le grand choc qu’on fantasmait secrètement depuis que Disney a mis la main sur 20th Century Fox ? Ou bien est-ce juste un gros Et si ? luxueux pour fans complétistes de Jonathan Hickman ? Réunissant les 4 épisodes de la mini-série, Aliens vs Avengers promet un affrontement total entre xénomorphes, Avengers vieillissants, Ingénieurs, synthétiques et un vieil ennemi des X-Men qui rôde dans le coin, de quoi donner des sueurs froides aux lecteurs comme aux héros. Dans cette critique, on va voir si Jonathan Hickman réussit à marier SF métaphysique, les franchises Alien et super-héros Marvel, si le pari « tout ou rien » sur 4 épisodes tient vraiment la route, et surtout si Aliens vs Avengers mérite qu’on s’y intéresse.

Un pitch apocalyptique qui assume le grand spectacle
Aliens vs Avengers ne fait pas semblant de jouer petit bras et plonge d’emblée dans un scénario apocalyptique où la Terre, les mutants, les Wakandais et une bonne partie du multivers se font littéralement raser par les xénomorphes et les Ingénieurs, avec en fond un synthétique qui a décidé que jouer à Dieu, c’était sympa, mais exterminer la vie dans plusieurs univers, c’est quand même plus fun. Jonathan Hickman ne perd pas de temps à nous expliquer comment un Alien aurait pu monter dans le Baxter Building ou se coincer dans la Tour des Avengers, il pose directement une guerre cosmique totale où les xénomorphes deviennent une arme de destruction massive, militarisée à grande échelle, avec des ruches, des reines et des plans d’invasion qui dépassent largement le simple trip « monstre dans le couloir ».

De la SF horrifique plus que du simple « Hulk affronte un Alien »
Ce qui surprend vite, c’est qu’Aliens vs Avengers n’est pas tant un catalogue de bastons entre super-héros et xénomorphes qu’une vraie relecture SF du mythe Alien, qui pioche autant dans les films originaux que dans « Prometheus » et « Alien : Covenant », avec les Ingénieurs, les Synthétiques, leur guerre intestine et des expérimentations qui transforment la galaxie en terrain de jeu morbide. Les fans de la franchise seront servis en facehuggers, reines, androïdes au fluide blanc et plans scientifiques tordus, mais Jonathan Hickman joue surtout sur l’idée d’extinction programmée, de cosmos en ruine et de cauchemar métaphysique, quitte à sacrifier l’ambiance huis clos et sueurs froides dans les conduits d’aération pour quelque chose de plus ample, moins intime et parfois un peu moins flippant que le bon vieux couloir mal éclairé.

Des Avengers fatigués, héroïques… mais parfois en retrait
L’autre parti pris fort d’Aliens vs Avengers, c’est de nous montrer des Avengers très vieillissants, cabossés par toutes les crises possibles et imaginables, qui se retrouvent à gérer ce qui ressemble clairement à leur dernière mission, presque une retraite en enfer. Iron Man, Carol Danvers, un vieux Captain America, Miles Morales, et quelques mutants comme Armor et Manifold tiennent la baraque, mais Jonathan Hickman privilégie la grande fresque et les idées de scénario à la caractérisation fine, ce qui fait que les personnages se retrouve parfois à commenter l’action plus qu’à la faire vivre, Miles Morales notamment étant étonnamment sous-utilisé vu la place qu’on lui promettait au départ.

Mr Sinistre, EsseXenomorph et les idées tordues qui font la différence
Là où Aliens vs Avengers devient franchement réjouissant, c’est quand Jonathan Hickman lâche la bride à Mr Sinister et mélange l’ADN mutant avec celui des xénomorphes jusqu’à accoucher d’horreurs graphiques qu’Esad Ribic s’amuse à rendre magnifiques. La halte sur Mars, Sinistre obsédé par la « perfection » biologique du facehugger, ses clones qui s’agitent, la reine rouge sang, tout ça donne à Aliens vs Avengers une saveur de grand délire d’auteur, entre X-Men et Alien, renforcée par des trouvailles visuelles comme le costume de Miles Morales en version symbiote xénomorphe ou Emma Frost qui dégaine une épée de diamant qu’on aurait bien envie de voir débarquer dans l’univers classique.

Esad Ribic : un festin visuel qui vaut le détour
Soyons clairs, même si vous êtes un peu frileux sur le pitch, Aliens vs Avengers se lit rien que pour le travail d’Esad Ribic, qui transforme chaque page en tableau SF horrifique digne d’un mélange entre la texture crasseuse du premier « Alien » et les visions grandioses de « Prometheus ». Les combats de Hulk contre les xénomorphes, les panoramas de planètes ravagées, la surface jaune maladive de Mars, les ruines Wakandaises et les redesigns de costumes (le Venom « nouvelle formule », la reine rouge chromée) composent une ambiance à la fois élégante, sale et monumentale, avec ce côté peinture à l’huile qui donne l’impression de feuilleter un artbook géant plus qu’un simple crossover opportuniste.

Un récit dense, ambitieux… et parfois frustrant
Forcément, concentrer autant d’idées, de références à Alien et de destructions cosmiques en seulement 4 épisodes a un prix, et Aliens vs Avengers souffre régulièrement de problèmes de rythme, entre exposition très bavarde au début, grands sauts temporels, flashbacks qui cassent la tension et final qui se résout un peu trop facilement pour un récit qui nous annonçait la fin de tout. Le côté « origine d’une nouvelle armada d’Avengers » fonctionne thématiquement, le message de résistance malgré l’extinction fait mouche, mais on sent que certains personnages, certaines batailles (voire certains poids lourds Marvel qu’on ne voit jamais) ont été sacrifiés, ce qui laisse une impression de récit à la fois massif et incomplet, comme si la mini attendait encore sa version director’s cut.

Faut-il lire Aliens vs Avengers ?
Au final, Aliens vs Avengers est exactement ce qu’il promet aux lecteurs qui aiment Jonathan Hickman en mode gros concepts SF et ne sont pas trop exigeants sur le développement psychologique, un crossover spectaculaire, sombre, parfois brutal, qui traite les Avengers plus comme des survivants d’un univers en train de mourir que comme des stars Marvel à ménager. Pour les fans d’Alien, le respect du lore, la présence des Ingénieurs, des synthetiques et la manière dont la saga est intégrée au multivers Marvel valent largement le voyage, à condition d’accepter que l’ambiance slasher spatial laisse la place à une tragédie cosmique en quatre actes, et pour les autres lecteurs, c’est un bel objet qui prouve qu’un crossover « Aliens vs Avengers » pouvait être autre chose qu’une affiche de film série B, même si le résultat ne deviendra sans doute pas le classique absolu qu’il aurait pu être avec quelques pages de plus et un peu plus de place pour respirer.

Aliens vs Avengers est un comics publié en France par Panini Comics. Il contient : Aliens vs. Avengers 1 à 4.