Avant de plonger dans Le Livre de Fatalis, il faut se poser les questions essentielles. Comment un gamin de Latverie devient-il l’un des plus grands tyrans du Marvel Universe ? Quelles blessures transforment Victor Von Fatalis en dictateur en armure ? Et surtout : pourquoi ce récit reste-t-il, près de vingt ans après sa sortie, le meilleur portrait jamais écrit du souverain de Latvérie ?
Disséquons Le Livre de Fatalis, un comics qui suit les pas du futur Docteur Fatalis de son enfance jusqu’à son accession au trône. Un récit majeur, signé Ed Brubaker et Pablo Raimondi, où l’on découvre un homme complexe, torturé, dangereux… et tragiquement humain. Avec en prime une relecture moderne du mythe, parfaite pour qui veut comprendre Fatalis avant son arrivée sur grand écran avec Avengers : Doomsday.

La tragédie latvérienne : cœur battant du Livre de Fatalis
Sous ses airs de biographie autoritaire (Fatalis qui raconte sa propre vie, forcément ça donne un ton…), Le Livre de Fatalis construit surtout une tragédie. Ed Brubaker va creuser les fondations du perso : un enfant gitan persécuté, une mère magicienne damnée, un peuple écrasé par un régime violent. C’est la jeunesse de Victor Von Fatalis, mais vue avec une finesse rare. On comprend vite que son futur règne n’est pas seulement une histoire de pouvoir. C’est aussi la vengeance d’un gamin meurtri qui veut détruire ceux qui l’ont anéanti. Fatalis n’a pas seulement été façonné par la douleur : il l’a utilisé comme carburant. Et évidemment, il n’avouera jamais une seconde que ce sont ses failles qui le déterminent.
Un tyran… mais presque un messie ?
C’est ce paradoxe qui fait de Le Livre de Fatalis une lecture aussi fascinante. Oui, Victor devient dictateur. Oui, il marche sur des corps pour imposer son règne. Mais Ed Brubaker montre ce que Fatalis revendique comme une mission : libérer la Latvérie de l’oppression, instaurer un ordre qui empêcherait son peuple de souffrir à nouveau. Il le dit pour justifier tout le reste, mais ce qui surprend, c’est que ses paroles ne sonnent pas totalement creuses. C’est là que Ed Brubaker est brillant : il nous fait presque croire que Fatalis aurait pu être un héros… si seulement il avait su lâcher la rage, l’orgueil et cette obsession de sauver sa mère coûte que coûte. L’album remue le lecteur : on déteste Fatalis, mais on comprend d’où il vient.

Fatalis vs le monde : quand l’égo parle plus fort que la vérité
Ed Brubaker choisit une narration risquée mais parfaite : Le Livre de Fatalis est raconté par Fatalis lui-même, à une journaliste venu entendre « la vérité ». Sauf que celle de Victor, bien sûr, est tordue et biaisée. Tout est filtré par son égo démesuré. Sa rencontre avec Reed Richards ? Minimisée. Ses erreurs scientifiques ? Jamais reconnues. Ses débuts dans la magie ? Sublimés. Le récit est alors passionnant parce qu’on lit autant entre les lignes qu’on lit le texte. Parfois, quelques inserts de témoignages d’autres personnages viennent contrebalancer les propos de Victor. Ed Brubaker joue avec l’idée du narrateur le moins fiable du monde, un dictateur persuadé qu’il n’a jamais fauté et que tout n’est que complot ou sabotage. On rit, on grimace, on frissonne. Bref : c’est du Fatalis pur jus.

Une plongée visuelle brutale et réaliste
Le travail de Pablo Raimondi donne au Livre de Fatalis une ambiance quasi documentaire. Couleurs désaturées, regards lourds, décors crédibles : on n’est pas dans un comics paillette avec super-héros qui volent au-dessus des buildings. On est dans la boue de Latvérie, dans les montagnes, dans les laboratoires, dans les prisons. Chaque plan semble dire : voici le monde qui a forgé Victor. Et quand Raimondi montre Fatalis brûlé par son accident ou enfermé dans sa propre détermination, la douleur saute aux yeux. Ici, la froideur et le réalisme dominent.

Une œuvre fondatrice, malgré quelques accrocs
Impossible aujourd’hui de comprendre Fatalis sans Le Livre de Fatalis. Le récit a influencé toutes les versions modernes du personnage : comics récents, crossovers, et adaptations ciné (qu’en sera-t-il du prochain Doomsday ? Mystère). Tout y est : la magie de sa mère, l’orgueil scientifique, la rivalité avec Reed, le destin forgé à coups de souffrance. Reste un défaut souvent cité : la conclusion se précipite. Là où Ed Brubaker déroule une fresque riche et dense pendant cinq chapitres, le dernier paraît brusque, comme si on avait coupé le courant avant la fin. Rien de dramatique, mais on sent qu’il manque peut-être deux ou trois pages pour respirer un peu. Un détail qui n’empêche pas Le Livre de Fatalis d’être un indispensable absolu.
Conclusion : pourquoi Le Livre de Fatalis est essentiel
Le Livre de Fatalis n’est pas seulement une origin story réussie, c’est le portrait définitif de Victor Von Fatalis. Un mélange de tragédie, d’ambition, de douleur intime et de démesure. Ed Brubaker et Pablo Raimondi signent une œuvre qui ne quitte pas la tête du lecteur, parce qu’elle pose une question simple : comment un enfant brisé devient-il un tyran… et pourquoi continue-t-on à le comprendre ? Que vous soyez lecteur de longue date ou nouveau venu curieux avant l’arrivée de Fatalis partout dans le MCU, cet album est un passage obligé. Point final.

Le Livre de Fatalis est un comics publié en France par Panini Comics. Il contient : Books of Doom 1 à 6.