Deathstroke Rebirth : bienvenue dans un univers impitoyable [critique du tome 1]

Deathstroke Rebirth : bienvenue dans un univers impitoyable [critique du tome 1]
Temps de lecture estimée : 4 min.

DC Rebirth est non seulement l’occasion de redéfinir les héros majeurs de cet univers complexe mais également de renouveler l’approche de certains des super-vilains emblématiques de la firme. Urban Comics décide de publier la série Deathstroke Rebirth consacrée à un des mercenaires les plus impitoyables qui soient. Cerise sur le gâteau, le scénario est confié à un auteur atypique mais reconnu, Christophe Priest.
■ par Sonia Dollinger

 

Deathstroke Rebirth : bienvenue dans un univers impitoyable [critique du tome 1]

 

Un retour aux sources salutaire

Avec Deathstroke Rebirth, Christophe Priest nous propose de revisiter les origines de Deathstroke, alias Slade Wilson, le mercenaire psychopathe. Toutefois, l’auteur ne nous offre pas une origin story classique. Connaissant son goût pour les histoires à tiroirs d’une belle complexité, on pouvait d’ailleurs s’en douter. Priest montre un Deathstroke aux prises avec de mystérieux adversaires qui veulent sa peau autant qu’il veut la leur. On ne sait plus trop bien qui est le chasseur et la proie au fur et à mesure que le récit avance. Tout en progressant dans son intrigue, Christophe Priest place des flashbacks qui permettent au lecteur de savoir qui est vraiment Slade Wilson. Il n’épargne d’ailleurs aucune facette du personnage et en fait un mari violent et un père impitoyable. Priest insiste bien sur la complexité des relations familiales au sein du clan Wilson et montre les ravages que la guerre a provoqués chez ce soldat devenu un tueur à gages sans le moindre scrupule, prêt, si besoin à sacrifier les siens. Le lecteur ressent assez peu d’empathie pour ce personnage calculateur et froid mais on ne peut toutefois s’empêcher d’en admirer l’habileté et le génie. L’écriture de Priest évite la caricature et étoffe la complexité du personnage et de son histoire. L’avantage de Deathstroke Rebirth est qu’un nouveau lecteur peut prendre le train en marche puisque les flashbacks glissés tout au long de l’histoire lui permettront de connaître le passé tourmenté du personnage.

 

Deathstroke Rebirth : bienvenue dans un univers impitoyable [critique du tome 1]

 

Un univers très politisé

Si vous avez lu le Black Panther de Christophe Priest, vous ne serez pas surpris du ton politique de ce Deathstroke Rebirth. En effet, l’auteur replace ses personnages dans un monde bien réel aux enjeux contemporains particulièrement bien décrits et analysés. Slade Wilson intervient en Afrique aux côtés d’un dictateur chrétien qui massacre ses populations musulmanes avec la bénédiction des États-Unis. On n’échappera pas non plus à la dénonciation des manipulations lors des élections américaines, Priest dénonçant ouvertement les interventions étrangères et les stratégies mortifères permettant aux pires politiciens d’accéder au pouvoir suprême. Priest aime révéler le dessous des cartes et faire réfléchir son lecteur sur les enjeux contemporains. C’est habilement glissé au cœur du récit et Deathstroke en est l’un des rouages ce qui ne fait pas du récit de Priest un prêche manichéen pour la démocratie, loin de là ! N’oublions pas que Slade Wilson est un mercenaire recruté par le plus offrant et qu’il trempe donc dans des combines maffieuses ou politiciennes à longueur de temps. L’auteur évoque aussi ce fameux darknet, lieu de tous les trafics et de toutes les tractations les plus obscures. On a donc un titre qui, certes, met aux prises des super-vilains et des héros – ici Batman et Robin – mais également une histoire bien ancrée dans son temps.

 

Deathstroke Rebirth : bienvenue dans un univers impitoyable [critique du tome 1]

 

Un récit complexe dans un univers graphique plutôt classique

Soyons clair, ce qui fait l’originalité de ce Deathstroke Rebirth est bien l’écriture un peu alambiquée de Christophe Priest qui est parfois un peu dur à suivre. Il ne faut pas hésiter à reprendre plusieurs fois le récit afin de bien s’en imprégner car, outre les flashbacks, Priest multiplie les intrigues et sous-intrigues, s’amusant à la fois à perdre son lecteur et à tisser des fils dont il se servira sans nul doute dans les tomes à venir. Ce style d’écriture, admirable de complexité et de subtilité, peut toutefois dérouter un lecteur habitué à des récits plus simples. Il serait pourtant dommage de ne pas faire l’effort de rentrer dans l’univers de Priest qui offre ainsi une profondeur bienvenue à ce personnage plombé par son histoire personnelle qui en fait donc bien plus qu’un simple mercenaire assoiffé d’argent. Sur le plan graphique, ce volume se partage entre le dessin très efficace de Carlo Pagulayan qui rend très bien les scènes d’action grâce à des planches dynamiques et des personnages expressifs à l’allure puissante mais élégante. J’ai été personnellement moins convaincue par le trait un peu plus plat de Joe Bennett qui souffre de la comparaison avec son prédécesseur même s’il est loin d’être catastrophique.

 

En conclusion

Si Deathstroke n’est pas forcément un personnage majeur de l’univers DC, il est régulièrement présent chez l’éditeur. Offrir à ce mercenaire une relecture par Christophe Priest est sans doute la meilleure idée de l’éditeur. Ainsi, ce vilain gagne en épaisseur et en complexité pour le grand plaisir des lecteurs avertis mais aussi des nouveaux lecteurs qui, avec ce relaunch, peuvent sans aucun souci prendre le train en marche à condition de pouvoir suivre une écriture sinueuse toute en circonvolutions. ■

 

Deathstroke Rebirth : bienvenue dans un univers impitoyable [critique du tome 1]

Deathstroke Rebirth, tome 1 est un comics de 144 pages écrit par Christophe Priest et dessiné par Carlo Pagulayan et Joe Bennett. Cet album est publié en France par Urban Comics au prix de 15,50 €. Les épisodes originaux sont parus aux USA chez DC Comics.




A propos Sonia Dollinger 18 Articles
Sonia est tombée amoureuse de Jean Grey à l'âge de six ans et lit des comics depuis bientôt quarante ans. Créatrice du blog Comics have the Power, elle participe également au collectif LesComics.fr et au podcast les GG Comics. Son gros problème est qu'elle ne sait pas choisir et qu'elle lit tous les titres qui lui passent sous la main en gardant une affection particulière pour tout ce qui touche aux X-Men.