Je ne sais pas vous, mais moi lorsque j’ouvre un comics d’horreur, je me dis toujours la même chose : tiens, est-ce que cette fois ce sera VRAIMENT flippant, ou juste un exercice de style avec un peu de maquillage et deux litres de ketchup ? Avec « Hyde Street », Geoff Johns et ses compères nous invitent à visiter une des rues les plus mal famées du monde des comics, un croisement improbable entre une fête foraine (en panne) et une allée de l’Enfer. Une galerie de monstres plus ou moins consentants, quelques révélations, et surtout une question : est-ce que « Hyde Street » vaut le détour, ou est-ce qu’on préfère, vraiment, rester sur le trottoir d’en face ? Spoiler : on y trouve de tout, du très bon… et des coins un peu moins bien éclairés. Allez, suivez-moi, je vous fais le tour du propriétaire.

Bienvenue à Hyde Street
Hyde Street est une rue maudite où échouent des âmes brisées et perverses, mais aussi où chaque habitant dissimule un passé atroce qui l’a transformé en monstre. Vous aurez pour résidents le jeune scout pervers Pranky, le publicitaire sadique Mr X-Ray, ou bien encore la folle Mlle Bienfaite. Eux et d’autres figures macabres poursuivent leurs victimes pour le compte d’un mystérieux Compteur qui semble tirer les ficelles dans l’ombre. Peu à peu, on découvre que tous tentent désespérément d’échapper à ce purgatoire… quitte à y attirer de nouvelles proies.

Hyde Street et ses fantômes : l’hommage assumé, parfois trop appuyé
Dès les premières pages, Geoff Johns dégaine ses références comme un fan de La Quatrième Dimension qui aurait passé trop de nuits blanches devant la série Rod Serling. L’ambiance, les personnages, la narration : tout fleure bon les anthologies horrifiques old-school, celles où une morale bien vénère s’abattait sur le malheureux héros du jour. C’est plaisant, c’est familier, mais c’est aussi un peu prévisible. On sent tellement l’hommage qu’on attend presque que le générique en noir et blanc débarque. « Hyde Street » n’est pas avare en clins d’œil, mais parfois, la série se perd un peu dans ses modèles et peine à poser sa propre voix, comme un chanteur débutant qui n’ose pas encore sortir son premier album.
Le potentiel est énorme, l’univers est riche, mais il manque encore un vrai équilibre dans la façon de les mettre en scène.
Pranky, l’enfant qui aurait mis Chucky en PLS
Soyons honnêtes : si « Hyde Street » réussit quelque chose, c’est bien le personnage de Pranky. Dans un univers déjà peuplé de freaks, de démons et d’adultes psychotiques (si si), ce petit scout à l’air inoffensif est un cauchemar ambulant. Son épisode solo est l’un des meilleurs du tome : un vrai mélange de malaise, de pitié et d’effroi. On comprend son passé (malheureusement, dira-t-on), et on voit surtout comment il est devenu ce monstre ricanant qui ferait fuir un loup-garou en courant. Quand Geoff Johns se concentre sur un personnage, « Hyde Street » marche très fort. Quand il tente de suivre tout le quartier… c’est une autre histoire.

L’art d’Ivan Reis : de l’horreur chirurgicale à l’opéra grandiloquent
Soyons clairs : si « Hyde Street » fonctionne autant visuellement, c’est grâce à Ivan Reis, Danny Miki et Brad Anderson. Le trio transforme chaque page en cabinet des curiosités : visages qui se déforment, mâchoires qui craquent, couleurs malsaines… Il y a des moments où on entendrait presque des os craquer sous les doigts du lecteur (ne le tentez pas chez vous). Ivan Reis semble y prendre un plaisir presque coupable, comme s’il profitait enfin d’un terrain de jeu où personne ne viendrait lui reprocher d’être trop horrifique. Quand arrivé au numéro 3 il s’amuse à transformer la magie de Noël en festival de fractures ouvertes, on se dit qu’il s’amuse peut-être un peu trop.

Des thèmes sociaux sous le gore : minceur toxique et carrière brisée
« Hyde Street » surprend aussi lorsqu’elle relie ses monstres à des traumas très humains : obsession de la minceur (avec une reine auto-proclamée du fitness sadique), pression familiale qui déraille (notre scout, encore lui), Hollywood qui avale les rêves et recrache des monstres, etc. Ce n’est pas toujours raconté avec la finesse d’un film d’auteur, mais l’intention est là. Et parfois, ça fonctionne très bien : le one-shot « Dévore ! », intégré dans l’album, réussit même à être plus cruel que nombre de séries horrifiques récentes. Comme quoi, il suffit d’un bon angle…
Quand la série patine : un mystère qui n’avance pas assez vite
Ah, ce Compteur… Voilà un personnage qui aurait pu devenir le croque-mitaines parfait de la série. Et pourtant, le tome 1 passe plus de temps à nous l’évoquer qu’à nous dire ce qu’il veut vraiment. On comprend vaguement que Hyde Street est une sorte de purgatoire, que les monstres cherchent à s’en échapper (ou à y attirer leurs victimes), mais la grande intrigue avance à la vitesse d’un zombie aux jambes tranchées. On voudrait que Geoff Johns accélère, qu’il nous en révèle un peu plus, qu’il nous donne un moteur narratif vraiment solide. Pour une série qui veut installer un mythe, « Hyde Street » reste encore trop discrète dans ses révélations. Presque timide.
Une galerie de monstres prometteuse, mais pas encore exploitée
Le tome 1 fait défiler beaucoup de personnages : Mr X-Ray, Pranky, Miss Goodbody, et d’autres qu’on aperçoit à peine. C’est généreux, c’est foisonnant, mais c’est aussi frustrant : certains disparaissent aussitôt après avoir été introduits, comme des invités qui quitterait votre soirée d’Halloween avant même d’avoir dit bonjour. Le potentiel est énorme, l’univers est riche, mais il manque encore un vrai équilibre dans la façon de les mettre en scène. À la décharge de Geoff Johns, on sent qu’il veut bâtir quelque chose de durable. Mais parfois, on aimerait qu’il arrête la promenade touristique et qu’il attaque enfin le cœur du mystère.
Conclusion : un premier tome séduisant, imparfait, mais difficile à lâcher
Au final, « Hyde Street » tome 1, c’est un peu comme une maison hantée : ça grince, ça fait peur, ça intrigue, et parfois ça manque de finitions. Entre ses épisodes très réussis et d’autres un peu en retrait, la série construit un univers horrifique original, soutenu par un dessin renversant. Mais il faudra encore que Geoff Johns accélère, dévoile, respire, et ose enfin faire entrer le lecteur dans les ruelles les plus sombres de Hyde Street. En attendant, on a déjà envie d’y retourner… mais peut-être pas la nuit.

Hyde Street tome 1 est un comics publié en France par Urban Comics. Il contient : Hyde Street #1-7 + Davour