V pour Vendetta : Quand Alan Moore explosait le monde de la bande dessinée et éveillait les consciences !

V for Vendetta Alan moore David Lloyd
(mage © DC Comics)

Urban Comics réédite V pour Vendetta dans la collection Black Label. L’occasion de revenir sur le comics culte d’Alan Moore et de David Lloyd, près de 40 ans après la sortie du 1er épisode. Une œuvre qui n’en fini plus d’être d’actualité…
■ par Paperman (du podcast des Crinqués)

 

« Souviens-toi, souviens-toi du 5 novembre 1605, de la conspiration des poudres de Guy Fawkes et de Jacques 1er, souviens t’en car à l’oublier jamais je ne pourrai me résoudre » C’est sur cette prémisse que commence le comics V pour Vendetta d’Alan Moore et David Lloyd. L’Histoire raconte que Guy Fawkes n’a pas réussi à faire exploser le Parlement anglais. Alan Moore lui, par contre, a réussi à faire exploser le monde de la BD avec son V pour Vendetta. Nous en ressentons encore la secousse 38 ans après la publication du 1er numéro. Urban comics vient de publier une nouvelle édition de ce chef d’œuvre du 9e art pour notre plus grand plaisir.

 

V for Vendetta Alan moore David Lloyd
(mage © DC Comics)

 

Une uchronie et une dystopie sombre et sans espoir, ou presque

V pour Vendetta se déroule en 1997, dans une Angleterre fasciste dirigée par un gouvernement paranoïaque qui surveille tout le monde, enferme tous ses « ennemis politiques » dans des camps de concentration horribles et inhumains. Une société où règne une terreur absolue. Comment l’Angleterre en est-elle arrivée là ? Par une guerre nucléaire qui a détruit la plus grande partie du monde. Par des dérèglements climatiques qui ont mis à mal les survivants. Dans ce monde perdu, laissé à lui-même, un parti fasciste, « Norsefire », prit le pouvoir. Et s’ensuivit une épuration ethnique, politique, sociale et raciale. C’est dans ce nouveau monde que nous rencontrons les 2 personnages principaux : un anarchiste qui se nomme V, V pour vérité, victoire, vendetta ; et Evey, une jeune fille sauvée d’un viol par V. Le décor est planté, il ne reste plus qu’à le contempler…

 

V for Vendetta Alan moore David Lloyd
(mage © DC Comics)

 

Une histoire profonde et toujours très actuelle

Avec V pour Vendetta, Alan Moore propose une histoire universelle qui dénonce les abus, les répressions, la violence, la discrimination, la manipulation, le racisme que les gouvernements peuvent utiliser pour gouverner. Des thèmes qui résonnent dans l’histoire de l’humanité. Des situations qui sont arrivées au fil du temps. À travers ce parti fasciste « Norsefire », Alan Moore concentre tout ce qui a de mal dans la gouvernance gouvernementale. Ce parti, divisé en 5 branches, l’Oreille, l’Œil, la Main, le Nez, la Voix, est contrôlé par un super-ordinateur qui est le centre du parti, le Destin. L’Oreille et l’Œil voient et surveillent le peuple. Le Nez est la police militaire et scientifique. La Voix s’occupe de la propagande du parti. La Main est la police secrète qui peut tout faire. Et le Destin est le cerveau. Difficile de ne pas faire de parallèle avec certains partis existants ou qui ont existé. Difficile aussi de ne pas retrouver l’actualité dans ce récit vieux de 38 ans et c’est en quoi elle est universelle et intemporelle.

 

V for Vendetta Alan moore David Lloyd
(mage © DC Comics)

 

V, personnage énigmatique

Personnage devenu culte avec le temps, V est un être rempli de mystère qui met le lecteur et la lectrice devant des dilemmes. Il est antagoniste et protagoniste de l’histoire. Il est le héros et l’antihéros de V pour Vendetta. En fait, c’est aux lecteurs et lectrices de décider comment ils où elles le verront. Anarchiste et terroriste, V vêtu de noir et arborant un masque de Guy Fawkes est au centre de l’histoire. Son passé est incertain mais il est clairement indiqué qu’il a été victime de cette répression effectuée par le parti « Norsefire » lors de la prise du pouvoir par celui-ci. Cobaye d’expériences médicales dangereuses, qui le changeront à jamais et qui formeront l’être extraordinaire qu’il est devenu. Car V est brillant, tant physiquement que mentalement. Il n’obéit qu’à sa seule logique et est passé maître dans les domaines de la chimie, la littérature, la politique, l’informatique et les explosifs. Après avoir réussi à s’échapper du camp où il subissait des sévices, il a disparu pour mieux préparer sa vengeance. Vengeance contre le parti qui l’a fait tant souffrir mais aussi vengeance pour délivrer le peuple de sa domination et lui redonner la liberté de pensée et d’agir. Par son côté revendicateur, ses envolées verbales sublimes, ses plans finement ficelés et son combat contre le fascisme, il est à mon avis l’un des personnages les plus complexes et brillants de la BD moderne.

 

V for Vendetta Alan moore David Lloyd
(mage © DC Comics)

 

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Evey, représentante de cette société qui se réveille

Evey est une jeune fille de 16 ans. Sa mère est morte, son père est capturé par le parti. V fera sa connaissance lors d’une nuit où elle est sur le point de se faire violer et tuer par des agents de la Main. À partir de cet instant, cette jeune fille commencera son réveil au côté de V. Elle représente cette société endormie, laissée pour compte, dominée par le parti. Avec V, elle prendra ses aises et retrouvera le goût à la vie. Elle s’émancipera au contact de V pour, petit à petit, prendre part à son plan. Premièrement à son insu, manipulée par V. Pour ensuite, après un changement radical dans sa vie que je vais taire, elle embrassera sa cause de son plein gré jusqu’à la conclusion qui la placera devant le choix ultime. Evey est pour moi le personnage le plus important de V pour Vendetta par la représentation de la société qu’elle représente. V la trouve, la prend, la réveille, la forme, la libère. Il lui redonne la liberté de pensée et d’agir. Elle est la 1re, le début de la révolution voulue par V. En ce sens, elle représente le but de V. Un personnage profond, qui vivra un long processus pour retrouver sa liberté. Voir son évolution par la plume d’Alan Moore est un pur plaisir.

 

V for Vendetta Alan moore David Lloyd
(mage © DC Comics)

 

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Un univers graphique qui colle à la perfection au texte d’Alan Moore

David Lloyd qui est le dessinateur principal de la série – Tony Weare a dessiné quelques chapitres – , nous donne un univers graphique froid, angoissant et sale. Dans un dessin réaliste, qui donne toute la place aux personnages et leurs émotions, aux décors plutôt minimalistes, l’artiste vient magnifier les dialogues d’Alan Moore. La mise en scène est fluide et cohérente. L’ambiance que David Lloyd réussit à imposer avec son trait nous glace le sang et ne nous donne aucune envie de vivre dans ce monde. Les personnages sont criants de vérité et l’émotion véhiculée par le dessin ne laisse place à aucune interprétation. Et les couleurs viennent rehausser le tout avec des nuances foncées, sombres et froides.

 

V for Vendetta Alan moore David Lloyd
(mage © DC Comics)

 

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Le meilleur d’Alan Moore ?

La question se pose pour moi. Alan Moore est un génie troublé du 9e art. Il a su créer des séries qui ont changé à jamais la BD. Mais pour moi, V pour Vendetta reste son œuvre la plus revendicatrice, la plus universelle. Celle qui est intemporelle et qui sera toujours d’actualité. L’histoire est d’une puissance grandiose et les dialogues à couper le souffle. Il a su insuffler dans V pour Vendetta toute sa haine du fascisme et en a fait un avertissement pour les générations futures. Il démontre à l’extrême tous les mauvais côtés qu’un gouvernement peut prendre. C’est intense et brillant. V pour Vendetta est un chef d’œuvre de la bande dessinée. ■

V for Vendetta Alan moore David Lloyd couverture
(mage © DC Comics, Urban Comics)

V pour Vendetta st un comics publié en France chez Urban Comics.

 

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(image © DC Comics)