Avec Neonomicon, Alan Moore revisite le mythe de HP Lovecraft

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(image © Avatar Press)

Alan Moore s’attaque au Necronomicon, le grimoire maudit imaginé par HP Lovecraft. Entre écriture moderne et hommage, le scénariste de Watchmen pose la 1re pierre de Providence, son chef d’œuvre lovecraftien. Une folle descente aux enfers oscillant entre l’horreur et les déviances de l’humanité.
■ par Fletcher Arrowsmith

 

neonomicon cthulhu
(image © Avatar Press)

 

De nos jours, 2 agents du FBI reprennent une enquête sur une quinzaine de meurtres particulièrement horribles. D’asile en boite de nuit, leur investigation va les conduire à Salem où le diable se cache dans les détails, avec des habitants à priori au dessus de tous soupçons. Mais que vient faire l’œuvre de HP Lovecraft dans cette histoire sordide ? Et si la fin du monde n’était finalement pas si éloignée ?

 

neonomicon folie asile
(image © Avatar Press)

 

Une histoire d’Alan Moore accessible

L’une des surprises que j’ai eue à la lecture de Neonomicon reste l’accessibilité du récit. Alan Moore n’est pas connu pour être un auteur facil. Pourtant son script de Neonomicon est très fluide. De même, il n’est pas nécessaire d’être un expert de l’œuvre de Lovecraft pour apprécier le récit. Bien évidemment Alan Moore se permet de glisser quelques réflexions sur le monde moderne, notamment ses déviances. Mais au contraire d’un Grant Morrison ou d’un Warren Ellis il reste suffisamment soft et surtout compréhensible. Dans Neonomicon, point de biotechnologie ou autre manipulations génétiques chères à ses collègues anglo-saxons. C’est plutôt sexe, drogue et rock ‘n’ roll.

 

neonomicon enquête
(image © Avatar Press)

 

Lovecraft par A. Moore

Une des principales originalités de Neonomicon provient de l’appropriation de l’œuvre de Lovecraft par Alan Moore, particulièrement le Necronomicon auquel Neonomicon fait évidemment référence. « Neo » est bien à prendre dans le sens « nouveau » car Alan Moore propose une version du Necronomicon mis au gout du jour. Mis à part quelques références aux années 30, fort bien introduites, l’action se déroule de nos jours, Neonomicon ayant été publié entre 2010 et 2011. D’ailleurs le scénariste anglais part du principe que l’œuvre de Lovecraft et ses légendes sont connus de ses personnages de papier, permettant ainsi une mise en abyme dont le créateur de la Ligue des Gentlemen extraordinaires a le secret. Ainsi les agents du FBI commencent leur enquête dans une boutique spécialisée dans l’œuvre de Lovecraft et évoquent la ville de Providence.

 

neonomicon
(image © Avatar Press)

 

Sexe et orgie : Neonomicon est un comics pour public averti

À ce stade, il convient quand même de prévenir nos lecteurs que Neonomicon comporte des scènes de sexe particulièrement détaillées, débridées et osées. À mesure que Neonomicon avance, le lecteur ressent un certain malaise qui s’installe alors que jusque là il lisait une histoire assez classique s’apparentant à la recherche d’un serial killer ou d’un détraqué. L’arrivée du sexe via des orgies particulièrement brutales surprend, voire choque. Il faut attendre le dénouement et la fin de Neonomicon pour comprendre qu’Alan Moore n’a pas introduit sans raisons ces ébats sexuels pervers et déviants. Volontairement Alan Moore prend le contre-pied d’un des thèmes sous-jacents de Lovecraft. À savoir un certain puritanisme qui habite ses romans et nouvelles. En effet dans ses romans et nouvelles, HP Lovecraft décrit une certaine tension sexuelle sans jamais pourtant clairement décrire le passage à l’acte. Certains spécialistes y voient le côté refoulé de l’écrivain assez prude dans son approche. C’est sûrement cette facette qu’Alan Moore a voulu pousser à son paroxysme et non pas comment on peut lire ici ou là l’expression de ses propres fantasmes. De plus, la dynamique du récit prend un virage à 180° tout en prenant quand même une part assez importante au vu de la densité de Neonomicon. Néanmoins, le dénouement tend à légitimer l’approche d’Alan Moore. Pourtant le créateur de Tom Strong ne prend pas le lecteur en traitre. Le personnage principal, l’agent féminin du FBI, Merril Brears, se présente dès le début de Neonomicon comme suivant une thérapie suite à une addiction au sexe. De plus, Alan Moore a déjà écrit sur le sexe notamment à travers Filles perdues (Lost Girls en VO).

 

neonomicon la cour
(image © Avatar Press)

 

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The Endless
(image © Outbuster)

 

Avant Neonomicon il y avait La Cour, déjà illustré par Jaden Burrow

L’édition proposée par Panini contient les 2 numéros colorisés de La Cour (The Courtyard en VO) prologue au récit principal, et Neonomicon en 4 parties. Antony Johnson (Umbral, The Fuse, Wasteland, The Coldest City) se charge de l’adaptation d’un récit en prose d’Alan Moore datant de 1994. Dans La Cour on suit une enquête d’Aldo Sax, agent du FBI particulièrement brillant qui va évoluer vers un dénouement typiquement lovecraftien. Particularité graphique de La Cour, toutes les planches de Jacen Burrows (Providence, Crossed, Bad World) sont découpées en 2 cases verticales de dimensions similaires courant sur la longueur. On peut lire les 2 histoires indépendamment, même si on rentre mieux dans l’univers imaginé par Alan Moore en s’imprégnant en 1re lieu de La Cour. D’ailleurs au terme de cet album on peut se demander si La Cour ne se rapproche pas plus des écrits de Lovecraft en particulier du Mythe de Cthulhu. Le travail de Jacen Burrows, dessinateur unique sur l’album Neonomicon est très propre avec des planches très détaillées mais sans surcharges. Le dessinateur, habitué à dessiner pour Avatar Press, ne se met pas particulièrement en avant, le piège étant que les dessins prennent le dessus sur ce type de récit avec toujours plus de sexe, de gore et de sang. J’ai trouvé cette retenue forte à propos, facilitant la lecture du script d’Alan Moore. ■

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(image © Avatar Press, Urban Comics)

Neonomicon est un comics publié en France par Panini Comics.

 

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(image © Marvel Comics)