Interview de Thierry Janssen, la voix du Seigneur des Anneaux

Thierry Janssen en séance d'enregistrement de l'audio-livre Le Seigneur des Anneaux

En découvrant l’audio-livre du Seigneur des Anneaux, j’ai eu un véritable coup de cœur pour la voix de celui qui anime l’œuvre de JRR Tolkien : Thierry Janssen. J’ai donc eu envie d’en savoir plus sur cet artiste et son travail. J’ai donc pris contacte avec Thierry pour lui poser quelques questions auxquelles il a gentiment accepter de répondre. Embarquez avec moi dans les coulisses d’audio-livre du Seigneur des Anneaux.


Est-ce que vous pouvez raconter rapidement votre parcours professionnel ?

Je suis sorti d’une école de théâtre belge (l’IAD) en 1995 et depuis, j’exerce la profession de comédien. Je partage mon activité entre la scène, le doublage de films, séries et dessins animés et de temps en temps, les tournages. Je suis aussi l’auteur de plusieurs pièces et adaptations théâtrales. Depuis 15 ans, j’enregistre des audiolivres et c’est devenu pour moi une véritable passion.

Quel a été votre premier contact avec l’œuvre de JRR Tolkien ? Et est-ce que c’est un auteur que vous appréciez particulièrement ?

Ma rencontre avec l’œuvre de Tolkien est assez tardive puisqu’elle date de 1999, j’avais déjà 27 ans. Bien que depuis toujours féru de SF, de fantastique et adepte de jeux de rôles, je n’avais jamais osé m’attaquer à l’œuvre littéraire fondatrice de la fantasy. Mais cette année-là, j’ai eu la chance exceptionnelle de passer une soirée dans le bar d’un petit cinéma bruxellois avec Peter Jackson. Il était invité du BIFFF (le plus formidable et déjanté Festival du Film Fantastique de l’Univers !). Je venais d’apprendre que Peter Jackson était sur le point de mettre en image la trilogie de Tolkien. J’ai donc acheté le livre et l’ai fait dédicacer par le réalisateur néo-zélandais. (« It’s a big book » a-t-il signé !). Je tenais absolument à découvrir le roman avant les films, je me suis donc lancé dans la lecture… et ce fut le choc ! Jamais je n’avais été aspiré ainsi par une œuvre littéraire. Ce livre est devenu une drogue, j’y pensais sans cesse, je ne pouvais pas le refermer. Par la suite, j’ai enchainé avec Le Silmarillion et les autres œuvres de cet auteur de génie. Tolkien est si précis, si cohérent dans cet univers qu’il a passé sa vie à façonner, qu’on croit parfois lire un livre d’histoire et plus un roman de fiction.

Comment se déroulait une journée d’enregistrement ? Est-ce que vous vous chauffiez la voix avant de commencer ? Est-ce que vous enregistrez 8 heures par jour ?

Généralement, nous organisons des sessions de 4 heures. Mais j’avoue qu’une fois que je suis lancé, j’ai du mal à m’arrêter. Il m’arrivait donc parfois d’enchainer 7 ou 8 heures d’enregistrement. Je ne me chauffe pas nécessairement la voix. Par contre j’ai besoin de café et de boire beaucoup d’eau. C’était un bonheur inouï pour moi de partager et conter cette histoire merveilleuse et de faire sonner cette langue magnifique.

Le Seigneur des Anneaux m’apparait comme un livre compliqué à adapter en livre audio. De part sa longueur, bien sûr, mais aussi parce qu’il y a beaucoup de personnages, beaucoup de descriptions. Et je ne parle même pas des chants ou des poèmes en elfique. Comment vous êtes-vous préparé ?

Une des grandes richesses et particularités du Seigneur des anneaux c’est la multitude de langues imaginées par Tolkien. J’avais heureusement une bible très complète préparée par l’équipe d’Audiolib qui m’indiquait les prononciations exactes. J’avais aussi de mon côté fait des recherches sur les différentes langues, particulièrement celles des elfes (Quenya et Sindarin). La grande complexité de l’œuvre fut surtout le nombre incalculable de personnages. Isabelle, l’ingénieure du son (et directrice artistique) gardait une banque de données où étaient stockées toutes mes voix pour les différents personnages. Nous nous y référions régulièrement. J’ai eu aussi beaucoup de plaisir à découvrir la nouvelle traduction de Daniel Lauzon, très fluide et musicalement assez proche de l’anglais.

Couvertures des audio-livres du Seigneur des Anneaux
Les 3 tomes du Seigneur des Anneaux lus par Thierry Janssen sont disponibles chez Audiolib.

Peter Jackson avait adapté Le Seigneur des Anneaux au cinéma. Est-ce que cela a beaucoup influencé votre interprétation ?

Oui et non. Dans le sens où pour moi le casting des films est parfait. En tous cas, très proche de ce que j’imaginais lors de ma première lecture. On me félicite parfois de ma proximité avec la version française des films. Je dois vous avouer que j’ai toujours regardé la trilogie en VO ! Les films m’ont certainement permis de visualiser encore mieux personnages et décors, mais les descriptions de Tolkien sont extrêmement claires et explicites.

De quoi êtes-vous le plus fier dans votre travail sur cet audiolivre ? Et quel passage a été le plus difficile à lire ?

Mon passage préféré du livre est celui dont je suis le plus fier. C’est aussi un des rares moments que Peter Jackson a décidé de zapper dans son adaptation. Il s’agit du chapitre avec Tom Bombadil. C’est le moment le plus poétique et le plus étrange de tout le récit. Tom Bombadil est un être mystérieux, sa nature n’est jamais clairement définie, mais il semble posséder une puissance immense et est détenteur d’un savoir ancestral. On sent que Tolkien s’est inspiré pour ce personnage du folklore celtique et il renferme selon moi l’essence même de la magie animiste. Tom Bombadil me bouleverse particulièrement. Il en est de même pour son « pendant » qui survient plus tard dans le récit : Barbebois, l’Ent dont ce fut un régal de concevoir la voix caverneuse et le rythme d’une lenteur abyssale.

Propos recueillis par Stéphane Le Troëdec
Merci à Thierry Janssen pour sa disponibilité
Images issues du making-of d’Audiolib




A propos Stéphane Le Troëdec 628 Articles
Stéphane Le Troëdec est spécialiste des comics, traducteur et conférencier. En 2015, il s'occupe de la rubrique BD du Salon Littéraire. Ses autres hobbys sont le cinéma fantastique et les jeux. Enfin, et c'est le plus important : son chiffre porte-bonheur est le cinq, sa couleur préférée le bleu, et il n’aime pas les chats.