Vers la Suicide Squad, le Peacemaker et Watchmen : une histoire des comics Charlton !

Charlton Comics
(image © DC Comics, Charlton Comics)

Le film Suicide Squad est sorti sur nos écrans à l’été 2021. Et si la plupart des spectateurs imaginent que ses antihéros sont des personnages DC Comics, en réalité un de ses protagonistes n’a pas été crées par la firme aux 2 lettres. Ainsi, le Peacemaker vient d’autre autre compagnie de comics, à l’origine de nombreux succès et qui a changé la face des comics à jamais : Charlton ! Sans Charlton, pas de Watchmen par exemple ! Retour sur une compagnie d’édition qui, en dépit de sa relative anonymité, a énormément compté dans le paysage comics.
par Doop

 

(Image : ©Charlton Comics)

 

Une compagnie bien particulière

Créée en 1945, Charlton est une compagnie qui se démarque en tout point des éditeurs plus traditionnels comme National (ex DC Comics) ou Timely (ex Marvel Comics) dans la mesure où la majorité de ses bénéfices ne repose pas sur les comic-books et que, de plus, elle n’est pas comme toutes les autres basée à New York. Sa politique de management et de production, plutôt détendue et très amicale, la place véritablement en marge, faisant de la firme un éditeur de comics véritablement à part. Comble de la différence, c’est même une histoire d’amour qui est à l’origine de sa création !

 

À l’origine, une passion dévorante

En 1934, John Santangelo, un italo-américain de New York travaillant à Derby dans le Connecticut, tombe éperdument amoureux d’une jeune fille de la ville. Les 2 tourtereaux vivent une passion dévorante. Ils vivent heureux, en dépit des fréquents allers-retours de John à New York puisque celui-ci n’a pas encore quitté son appartement. Pour que l’attente de la jeune fille soit moins pénible, John a pris l’habitude de lui ramener à chaque voyage un petit cadeau. Lorsqu’un jour elle lui demande de lui ramener un magazine où seraient inscrites les paroles de ses chansons préférées qu’elle écoute en boucle à la radio, ce dernier ne se fait pas prier. Une fois revenu à New York, il écume les buralistes et les kiosques à journaux avant de se rendre à l’évidence : ce type de publication n’existe tout simplement pas ! A son retour à Derby, il décide alors, avec l’aide de sa future femme et l’oreille collée au transistor, de créer lui-même cette revue qui contiendrait les paroles écrites des tubes du moment.

 

Un premier tirage à un millier d’exemplaires

La fabrication est certes artisanale, mais John Santangelo réussit tout de même, via un ami imprimeur, à produire un millier d’exemplaires dont il fixe le prix à 10 cents et qu’il distribue lui-même sur le trajet entre Derby et New York lors de l’un de ses aller-retours hebdomadaires. Il propose à chaque vendeur de mettre son fascicule sur un coin du comptoir, moyennant une prime de 5 cents par magazine vendu. La semaine suivante, lorsqu’il retourne chercher le reliquat, il se rend compte que sa petite affaire a fonctionné au-delà de toutes ses espérances : plus un seul exemplaire de sa revue n’est disponible et il a écoulé la quasi-totalité de son stock !

 

Une affaire rentable stoppée par un problème juridique !

Avec les bénéfices réalisés, Santangelo peut alors se permettre de doubler le tirage de son deuxième numéro dont les chiffres de vente dépassent ceux du premier. L’entreprise devient très rentable mais notre nouvel éditeur de presse n’a pas le temps d’en profiter longtemps puisqu’il se retrouve assigné en justice au bout de quelques mois. Il n’a en effet négocié aucun droit avec les maisons de disques sur les paroles qu’il a publiées et se voit condamné à un an de prison ferme pour non-respect des droits d’auteur.

 

Derrière les barreaux, une heureuse rencontre

On aurait pu penser que ce séjour derrière les barreaux mettrait fin à son expérience dans le monde de l’édition mais c’est finalement tout le contraire qui se produit. Il a en effet rencontré lors de son incarcération un avocat condamné pour fausses factures nommé Ed Levy et ce dernier lui a proposé de s’associer avec lui afin reprendre la publication du magazine. A leur sortie de prison, Levy négocie les droits des paroles des chansons auprès des majors de l’industrie du disque tandis que Santangelo s’occupe de la fabrication et de la logistique à une plus large échelle. Il faut dire que Levy a beaucoup de relations, notamment un certain nombre d’amis mafieux !

 

D’où vient le nom de « Charlton » ?

En 1937 le magazine Hit Parader voit le jour (de manière tout à fait légale cette fois-ci) et fait un véritable carton auprès du public. Le succès immédiat de la revue entraîne alors la création d’autres titres du même genre comme Song Hits, Rythm & Blues ou encore Country Song Round Up. Un an plus tard les deux associés ont accumulé assez d’argent pour pouvoir acheter leur propre matériel d’impression et augmenter ainsi leurs marges sur la vente de leurs revues. Ils décident de se baser à Waterbury, toujours dans le Connecticut. Les deux fils ainés de Levy et de Santangelo se prénommant tous les deux Charles, la compagnie est d’abord baptisée The T.W.O. Charles Company en 1940 avant de prendre le nom définitif de Charlton en 1945. Charlton se développe à la vitesse de l’éclair, à tel point qu’elle peut se permettre la création de sa propre branche de distribution.

 

(Image : ©Charlton Comics)

 

Les comics avec Yellowjacket

Les magazines musicaux ne suffisant plus, Levy et Santangelo diversifient leur production et ajoutent à leur catalogue de nombreux magazines de jeux comme des mots croisés ou des rébus. Au bout de quelques mois, ils décident inévitablement de se lancer dans la publication de comic-books avec le titre Yellowjacket, une anthologie d’horreur et de super-héros.

 

Vers une diversification des titres

Ils embauchent ensuite Al Fago, le frère de Vince Fago qui avait remplacé Stan Lee à la tête de Timely durant la Seconde Guerre mondiale. Son but ? Gérer leur nouvelle branche comics, ce dernier mettant en place une dizaine de titres à partir de 1945. Comme toutes les petites compagnies, Charlton édite des comic-books surfant sur l’air du temps comme des funny animals, ces bandes dessinées inspirées du succès des comics Disney et qui mettent en scène des animaux qui parlent, des westerns ou des bandes dessinées de romance.

 

Des comics pour rentabiliser un investissement

La qualité n’est pas vraiment au rendez-vous, les comics n’étant pas la priorité de la compagnie qui continue de faire la plus-grande partie de ses bénéfices avec les magazines de musique. En forçant un peu le trait, on peut presque affirmer que les comics Charlton n’ont le mérite d’exister que pour rentabiliser au maximum le matériel d’imprimerie et les presses flambant neuves que la compagnie vient d’acquérir.

 

Un volume de publications qui fait de Charlton une compagnie qui compte

Charlton devient de fait l’une des toutes premières compagnies de comics (en dehors de National) à disposer de ses propres presses, ce qui lui permet d’éviter un nombre important d’intermédiaires. Si les ventes de chaque comics sont très loin du niveau de celles d’un titre Superman, voire même de certaines revues estampillées Timely, leur quantité et le faible coût de production permet à Charton de devenir l’une des plus importantes compagnies de bandes dessinées en termes de volume publié chaque mois. Elle propose ainsi du travail à de nombreux jeunes dessinateurs, dont un certain Dick Giordano. (suite de l’article page suivante)

 

LIRE AUSSI : Connaissez-vous le Fantôme du Bengale, l’ancêtre des superhéros des comics ?

Fantôme du Bengale The Phantom
(image © XXX )

 




A propos Doop 374 Articles
Doop lit des comics depuis une quarantaine d'années. Modérateur sur Buzzcomics depuis plus de 15 ans, il a écrit pour ce forum (avec la participation de Poulet, sa minette tigrée et capricieuse) un bon millier de critiques et une centaine d'articles très très longs qui peuvent aller de « Promethea » à « Heroes Reborn ». Il a développé une affection particulière pour les auteurs Vertigo des années 90, notamment Peter Milligan et Neil Gaiman.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*