Amazing Spider-Man devient vite une des séries les plus vendues de Marvel. Pourtant les dissensions entre ses créateurs, Stan Lee et Steve Ditko, ne tardent pas à apparaître.
■ par Doop
En créant Spider-Man, Stan Lee et Steve Ditko imaginent un des personnages les plus emblématique de la maison des idées, comme on vous l’a expliqué dans notre article « Les débuts de Steve Ditko sur Spider-Man et sa collaboration avec Stan Lee ». Malheureusement, cette collaboration va bientôt péricliter à cause de points de vue radicalement opposés concernant Spider-Man…
Des personnages de comics qui évoluent très rapidement
Les 1er épisodes d’Amazing Spider-Man se déroulent sans trop de heurts entre Steve Ditko et Stan Lee. Rappelons que Stan Lee a embauché Steve Ditko après son départ de Charlton Comics. Puis que Ditko a co-créé Spider-Man avec lui. Poussé par Steve Ditko et son envie de faire une série très réaliste, Stan Lee se contraint à faire évoluer ses personnages en très peu de temps, ce qui représente une véritable nouveauté pour l’époque. Pour exemple, les relations entre Clark Kent et Lois Lane n’ont pas bougé d’un iota depuis 1938. Liz Allen et Flash Thompson se moquaient dès le premier épisode de Parker. Mais ils deviennent finalement ses meilleurs amis tandis que Betty Brant, la secrétaire du Daily Bugle (le journal où Peter vend ses photos), devient officiellement la 1ère petite amie du personnage. Le seul personnage qui n’évolue pas est le très caricatural Jonah Jameson, patron, journaliste et éditeur qui devient un parangon de mauvaise foi dès qu’il s’agit de parler de l’Homme-Araignée qu’il considère quoiqu’il arrive comme une menace. Jameson, par son caractère irascible et ses colères tonitruantes sert de relief comique à la série. Certaines mauvaises langues n’hésitent pas à dresser un parallèle entre Jameson et Stan Lee. Parallèle d’ailleurs revendiqué par le scénariste qui le considère comme l’un de ses personnages préférés et à qui il réserve les meilleurs dialogues.
Une philosophie en question et une terrible dichotomie
La galerie de vilains s’étoffe progressivement. Durant les deux 1ère années d’Amazing Spider-Man, Stan Lee et Steve Ditko proposent des criminels aussi emblématiques que le Cameleon, l’Homme-Sable, Dr Octopus, le Lézard, le Vautour, Kraven le chasseur ou encore Electro. Certains d’entre eux se réunissent même sous le nom des Sinistres Six pour mieux venir à bout de leur ennemi. Steve Ditko a réellement le souci d’humaniser au maximum ses personnages qui les distingue par des physiques différents correspondant à leur psychologie. En effet, le dessinateur Steve Ditko s’est converti à l’objectivisme, un mode de pensée crée par la philosophe Ayn Rand et qui proclame que « la réalité existe indépendamment de l’esprit de son créateur ». Cette philosophie met aussi en avant la poursuite du bonheur, les systèmes ultra capitalistes et l’art en tant que représentation de la réalité. Steve Ditko s’entête à intégrer la pensée objectiviste dans sa série, faisant de Spider-Man un personnage poursuivant quoi qu’il advienne sa quête du bonheur, seul détenteur de la vérité et ne comprend pas, en exagérant un peu, pourquoi Spider-Man ne tue pas les criminels au lieu de les mettre en prison. C’est bien évidemment le contraire de ce que recherche Stan Lee, à qui Ditko reproche de trop vouloir céder aux exigences de ses lecteurs. Pour exagérer, Stan Lee veut des combats titanesques, des buildings renversés, des scènes de batailles à l’échelle d’une ville tandis que Steve Ditko préfèrerait parler durant tout un épisode des liens qui unissent Peter et sa tante ! Les 2 hommes se querellent violemment lors de la conception de l’intrigue d’Amazing Spider-Man n°14 dans laquelle Spidey doit affronter un nouveau super-vilain : le Bouffon vert. Stan Lee veut en faire un démon venu d’une autre dimension mais Steve Ditko refuse catégoriquement ! Si la magie est l’un de ses thèmes favoris, il ne veut absolument pas en entendre parler sur Spider-Man car cela détruirait son côté réaliste (Steve Ditko aura finalement gain de cause). Estimant être co-responsable du scénario, il demande par la même occasion à Lee des compensations financières. Stan Lee est coincé car il ne peut se débarrasser de Steve Ditko. En effet, Amazing Spider-Man est la série la plus vendue du groupe et le dessinateur tient une part non négligeable dans ce succès. Il accepte donc un peu malgré lui la situation, espérant des jours meilleurs. ■