
DC Comics a toujours eu un rapport compliqué avec les New Gods de Jack Kirby. Entre résurrections, oublis, recyclages et tentatives ratées d’adaptations, ces héros mythologiques semblaient condamnés à rester dans l’ombre de Darkseid. Mais voilà que Ram V (The One Hand & The Six Fingers), scénariste érudit mais parfois inégal, relève le défi : donner une nouvelle vie aux Néo-Dieux et les replacer au cœur de l’univers DC. Et franchement, ça marche.

L’intrigue est d’une simplicité redoutable : Darkseid est mort (ou du moins tout le monde le croit) et une prophétie annonce la naissance d’un nouvel enfant-dieu sur Terre, plus précisément le nouveau né de Mister Miracle et Big Barda. Protéger l’enfant ou le tuer ? Le Haut-Père choisit la seconde option, Orion hésite, et Mister Miracle se retrouve à jouer les baby-sitters intergalactiques. Simple, efficace, et dramatique. Bref, du mythe à l’état pur.

Ram V entre mythe et modernité
La grande force de Ram V, c’est de respecter l’esprit de Jack Kirby sans tomber dans l’hommage ennuyeux. Au lieu de recopier, il transpose, en posant des thèmes qui lui sont chers : le pouvoir, la croyance, le cycle des dieux et des héritages. Oui, parfois il alourdit ses dialogues ou s’égare dans des explications mythologiques un peu bavardes, mais dans l’ensemble, son écriture est solide et rythmée.
L’autre atout, c’est l’intégration au DC Universe. Quand Maxwell Lord ou la Justice League s’invitent dans l’histoire, on comprend que les New Gods ne sont plus des marginaux, des personnages à la périphérie de l’univers DC. On peut croire qu’ils deviennent une pièce centrale, une passerelle entre les anciens récits cosmiques et les nouvelles ambitions de l’éditeur. Un pari audacieux qui pourrait bien payer à long terme.

Evan Cagle, révélation graphique
Dès les premières pages, Evan Cagle explose littéralement. Il nous avait déjà impressionné il y a quelques mois sur Dawnrunner. Son style détaillé, énergique, parfois baroque, colle parfaitement à l’univers des New Gods. Ses doubles pages sur New Genesis ou Apokolips sont hallucinantes de beauté, avec ce mélange de modernité et de respect pour la démesure kirbyienne. Clairement, Evan Cagle s’impose comme l’une des révélations graphiques de l’année.
Mais soyons honnêtes : impossible de tenir ce niveau à chaque épisode. L’artiste est parfois remplacé par d’autres (Felipe Andrade, oui quand même…) et cela peut désorienter. Certains épisodes paraissent plus contemplatifs, voire frustrants. Mais cette alternance apporte aussi de la variété visuelle, chaque invité apportant une couleur particulière à la fresque cosmique.

Des enjeux cosmiques… et très humains
Ce qui rend New Gods passionnant, c’est l’équilibre entre le cosmique et l’intime. D’un côté, des batailles épiques entre mondes divins, de l’autre, des dilemmes moraux poignants. Orion, tiraillé entre sa mission et son humanité. Mister Miracle et Big Barda, parents débordés devant protéger un enfant qui pourrait incarner la fin du Quatrième Monde. Ou Lightray, qui découvre ce que signifie réellement « mourir en dieu ».
Ram V ose même plonger dans la métaphysique avec un épisode entier consacré à l’au-delà, dessiné par Felipe Andrade dans un style onirique. Ce passage divisera sûrement les lecteurs, mais il incarne bien l’ambition de la série : dépasser le simple récit super-héroïque pour toucher à la mythologie universelle.
Les limites d’un projet hors norme
Alors, New Gods serait-il parfait ? Non, pas tout à fait. La narration de Ram V peut parfois être trop explicative, certains épisodes souffrent d’un déséquilibre visuel, et l’absence régulière d’Evan Cagle en frustrera plus d’un. Sans parler de quelques longueurs qui cassent un peu le rythme.
Mais malgré ces défauts, difficile de bouder son plaisir. Cette mini-série respire l’ambition, l’audace et la volonté de remettre en avant des personnages trop longtemps considérés comme des seconds couteaux. À l’heure où Marvel enchaîne des relaunchs sans saveur, DC propose ici une œuvre d’ampleur, qui prouve que les New Gods n’ont pas dit leur dernier mot.

New Gods tome 1 est un comics de 144 pages publié en France par Urban Comics. Il contient : New Gods 1 à 6.