Duck and Cover : quand Scott Snyder revisite la fin du monde avec des ados cinéphiles

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Temps de lecture estimée : 4 min.

Scott Snyder et Rafael Albuquerque, le duo derrière American Vampire, nous replongent dans les années 50 pour raconter l’histoire de Del, un ado passionné de cinéma qui rêve d’Hollywood. Mais pas de bol, son rêve prend un sérieux coup dans l’aile quand des explosions dignes d’une Troisième Guerre mondiale pulvérisent son quotidien. Pire encore, derrière les bombes se cachent… des machines géantes façon La Guerre des Mondes. Ambiance fin du monde, version rétro et dystopique.

je trouve que la force de Duck and Cover, c’est ce mélange : un parfum d’innocence américaine (les drive-in, les bandes de copains, les rêves de cinéma) qui se fait écraser sous le poids d’une menace titanesque. Scott Snyder prend son temps pour poser son décor, ses ados façon outsiders (Del est noir, son pote est asiatique), et quand ça explose, le contraste n’en est que plus brutal. Le pitch de départ est simple, mais terriblement efficace.

Duck and Cover : entre Stranger Things et Sans un bruit

Le deuxième épisode enfonce le clou et confirme les influences : on pense beaucoup à Stranger Things avec son groupe de gamins obligés de survivre à l’incompréhensible, et même à Sans un bruit quand débarquent des créatures monstrueuses, aussi flippantes que silencieuses. Rafael Albuquerque s’en donne à cœur joie, et Marcelo Maiolo (aux couleurs) rend chaque page vibrante, passant de la flamboyance rétro à la noirceur post-apocalyptique.

Le bémol ? Chaque numéro fait une trentaine de pages et se lit en dix minutes chrono. Frustrant, parce qu’on a envie de rester plus longtemps avec ce petit groupe en fuite. Mais c’est aussi la force de la série : Scott Snyder et Rafael Albuquerque savent accrocher, balancer leur cliffhanger et nous laisser sur notre faim.

Duck and Cover : quand la SF parle de nous

Le troisième épisode prend une tournure plus ambitieuse. Snyder y glisse une réflexion sur la science-fiction, non pas seulement comme spectacle, mais comme genre qui interroge nos peurs et nos vérités cachées. Et pour une fois, ce n’est pas qu’un prétexte : le récit se densifie, les menaces se précisent, et même un copain de Del finit transformé en monstre cauchemardesque. Le récit flirte alors avec Le Problème à trois corps version teen movie, et ce n’est pas pour déplaire.

Mais encore une fois, ça file à toute vitesse : vingt-cinq pages à peine et bam, déjà un twist final qui change la donne. Scott Snyder, en bon artisan du cliffhanger, maîtrise l’art de frustrer son lecteur. Résultat : on en redemande, même si la parution erratique aux États-Unis a eu de quoi agacer, problème qu’on ne connaît évidemment pas avec la parution française en un album.

Un final entre western et cinéma de genre

Dernier épisode, et Scott Snyder boucle sa boucle en rendant hommage… au western ! Chaque chapitre de Duck and Cover commence par une méditation sur un genre cinématographique, et après la SF, place aux duels poussiéreux et aux choix moraux. Del et ses potes découvrent un abri souterrain et doivent décider : se terrer ou se battre ? La série ne révolutionne rien, mais elle aligne assez de tension et de moments complices pour qu’on ait envie d’y croire.

Le final a ce petit goût sucré-amer typique de Scott Snyder : une victoire en trompe-l’œil, des ados soudés mais pas sortis d’affaire, et une conclusion qui sent la série limitée… mais qui en laisse sous le pied pour une éventuelle suite. Avec ses dessins énergiques et son amour du cinéma, Duck and Cover est autant une série post-apo qu’une lettre d’amour aux films qui nous façonnent.

Duck and Cover : mon verdict final

Alors, Duck and Cover, bonne pioche ? Oui, clairement. Ce n’est pas la série la plus originale du monde (les références sont évidentes), mais elle réussit à les digérer pour offrir un récit prenant, visuellement superbe, et avec des personnages attachants. Le côté frustrant des épisodes trop courts et des cliffhangers permanents peut agacer, mais une fois réunis en album, ça passe beaucoup mieux.

Si comme moi vous aimez les récits post-apocalyptiques avec une touche rétro, les ados malmenés par des forces qui les dépassent et les hommages appuyés au cinéma de genre, Duck and Cover est fait pour nous. Et même si Scott Snyder recycle des idées, il le fait avec suffisamment de sincérité et de panache pour qu’on lui pardonne.




A propos Stéphane 764 Articles
Stéphane Le Troëdec est spécialiste des comics, traducteur et conférencier. En 2015, il s'occupe de la rubrique BD du Salon Littéraire. Ses autres hobbys sont le cinéma fantastique et les jeux. Enfin, et c'est le plus important : son chiffre porte-bonheur est le cinq, sa couleur préférée le bleu, et il n’aime pas les chats.