James Tynion IV, l’un des artistes en vue des comics, frappe un nouveau coup avec Le Déviant, un récit sombre, violent et étrangement intime, publié en France par Urban Comics. À travers cette plongée dans l’horreur psychologique et les tabous culturels, Tynion livre bien plus qu’un simple thriller : il propose une réflexion glaçante sur l’identité, le mal et le rôle que jouent nos mythes les plus sacrés. Oubliez les bonhommes de neige souriants et les rennes enchantés : ici, Noël est un cauchemar rouge… sang.
Un Père Noël qui déchire… Littéralement
Milwaukee, 1972. La neige tombe paisiblement, illuminant les rues comme un cliché de carte postale. Mais sous cette façade idyllique, un homme déguisé en Père Noël massacre des jeunes hommes. Surnommé « Le Déviant », le tueur est arrêté, mais 50 ans plus tard, son histoire hante encore les esprits. La preuve : un jeune scénariste en quête d’inspiration décide de le rencontrer en prison. Mauvaise idée ? Peut-être. Mais pour nous, lecteurs, c’est le point de départ d’une descente vertigineuse dans un abîme où se croisent crime, identité queer et transgression culturelle.
Un thriller psychologique aux influences puissantes
Le Déviant n’est pas qu’une histoire de tueur en série déguisé en Père Noël. C’est une œuvre qui oscille entre les tonalités d’un Mindhunter (pour les fans de la série culte de Netflix) et les frissons d’un Silence des Agneaux. James Tynion IV exploite avec efficacité les flashbacks pour tisser un récit intriguant, où la lenteur apparente n’est qu’un prétexte pour mieux intensifier chaque scène. Les dialogues sont lourds de tension, chaque mot semble pesé, chaque silence assourdissant.
Et pourtant, tout cela pourrait paraître « déjà vu ». Mais là où James Tynion IV excelle, c’est dans sa capacité à intégrer des thèmes rarement explorés avec une telle profondeur dans le genre. Sa propre identité queer colore ce récit de nuances inédites, interrogeant les limites de la « normalité » et les stigmates associés à la déviance. Cette double lecture enrichit considérablement l’expérience et confère à ce 1er tome du Déviant une résonance particulièrement puissante.
Un visuel tranchant comme une lame de rasoir
Si le scénario pose des bases solides, c’est le dessin de Joshua Hixson qui les sublime. Son style brut, presque rugueux, est parfait pour rendre justice à l’atmosphère glaciale de l’histoire. Son trait me fait parfois penser à l’artiste Francesco Francavilla. Les personnages, filiformes et tourmentés, semblent porter physiquement le poids de l’horreur qu’ils traversent. Chaque page respire la tension, chaque case semble figée dans une froideur oppressante. C’est un véritable tour de force graphique qui capture autant le malaise que la beauté macabre du récit.
Noël n’aura plus jamais le même goût
Certains reprocheront peut-être à ce Déviant un certain classicisme dans son intrigue. Oui, c’est une histoire de tueur en série. Oui, c’est un thriller psychologique qui prend son temps. Oui, la dernière planche du tome 1 est prévisible si vous aimez les films d’horreur. Mais réduire ce comics à cela serait passer à côté de l’essentiel : une œuvre qui transcende les codes du genre pour explorer des thèmes profonds, tout en nous tenant en haleine avec une maîtrise narrative et visuelle exceptionnelle.
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Alors, pourquoi lire Le Déviant ? Parce qu’il ose. Ose briser nos fantasmes d’un Noël joyeux pour en révéler la face sombre. Ose parler de ce que l’on préfère souvent taire. Ose nous confronter à l’idée que, parfois, les monstres sont bien plus proches de nous qu’on ne veut l’admettre.
Le Père Noël ? Il voit bien si vous avez été sage ou non. Mais Le Déviant, lui, vous fera regretter de ne pas l’avoir été.
Le Déviant est un comics de 128 pages publié en France par Urban Comics. Il contient les épisodes VO suivants : The Deviant #1-4