Vos comics ne valent rien… Et peuvent mettre des gens au chômage ! [En Vert et Contre tous n°32]

(image © Marvel Comics)

 

Marvel en dépôt de bilan

Les acheteurs à la petite semaine pensent devenir riches mais se trompent complétement. Ils ne comprennent pas qu’il devient impossible de spéculer sur des titres diffusés à plus d’un million d’exemplaires (si tout le monde en possède un, cela ne vaut rien). Les investisseurs commencent donc à se retirer dès la fin de 1993, suivis par les lecteurs. Plus de 4 000 magasins de comics ferment boutique en 1994, c’est-à-dire environ 40% des points de vente ! Il y a eu bien évidemment d’autres raisons. Tout d’abord la surexploitation des franchises. X-Men avait une douzaine de spin-offs par exemple, Spider-Man et Superman possédaient 4 titres mensuels différents. Il y avait aussi trop de titres dans les stands dont certains étaient plus que médiocres. Plus de 1 000 séries différentes par mois ! Lorsqu’un titre comme Turok, le chasseur de dinosaures par David Michelinie et Bart Sears atteint plus de 1 700 000 exemplaires avec une couverture dorée, c’est qu’il y a un problème. Rajoutez à cela les comics en retard, créant des trous dans la comptabilité des magasins restants encore debout, et vous comprenez pourquoi les ventes de Marvel chutent de 36% durant les 6 premiers mois de 1994. En 1995 c’est encore pire puisque le prix du papier augmente drastiquement. Marvel, qui ne tient plus que grâce aux X-Men et à Spider-Man, décide alors de se distribuer par elle-même plutôt que de passer par un intermédiaire. C’est une décision fatale puisque sa structure ne fonctionne pas. En 1996, la part de Marvel dans les comics est au plus bas, sa cote en bourse a perdu 66 % et les pertes sont estimées à 48 000 000 $. En décembre 1996, Marvel remplit un formulaire de banqueroute. Elle mettra quelques années à s’en remettre. Je ne parle même pas des autres compagnies telles que Valiant ou même Image Comics, dont certains de ses créateurs sont retournés travailler chez Marvel ou ont revendu leur compagnie à d’autres (Wildstorm/DC).

 

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Ça ne vous rappelle rien ?

Pour terminer, on va reprendre les quelques raisons de l’éclatement de la bulle spéculative de 1994. La spéculation sur des titres « collector » avec des variant covers. Rappelons que désormais, Marvel propose chaque mois des dizaines de variant covers pour faire monter les chiffres de vente de ses revues. Les Tsum-tsum variant, ça vous dit quelque-chose ? Les 100 variant covers de Star Wars 1 aussi ? La hype pour rien, c’était dans les années 1990 uniquement ? Regardez tout le bazar fait autour des équipes artistiques du Marvel 1000, où certains bien naïfs pensaient que J.M. Straczynski ou George Perez allaient produire des ongoings pour Marvel ! Internet est devenu bien pratique pour lancer des buzz énormes sur des titres justes… inintéressants. La surexploitation des franchises, la multiplication de titres dans les stands pour inonder le marché, ça vous parle aussi ? Les 150 000 tie-ins inutiles pour chaque event, pas besoin de retourner en 1994 pour en trouver, il suffit juste de regarder les previews de War Of The Realms. Les comics médiocres dont l’espérance de vie ne dépasse pas les 8 numéros ? Je pense qu’on n’en a jamais eu autant qu’actuellement. Et tiens, les comics super hypés qui ont du retard : Doomsday Clock, Les 3 Jokers, c’est assez récent il me semble. Même si le succès de films et la structure financière de Disney et consorts permet de limiter la casse, il semble bien que l’industrie n’a pas retenu les leçons du passé. Mais j’aurais encore plus tendance à blâmer les acheteurs inconscients. Voilà pourquoi je grince des dents lorsque je vois sur internet un gars me demander si son comics a de la valeur et si en le déballant, il risque de perdre de l’argent. ■

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(image © Marvel Comics, Warner Bros Pictures) 




A propos Doop 374 Articles
Doop lit des comics depuis une quarantaine d'années. Modérateur sur Buzzcomics depuis plus de 15 ans, il a écrit pour ce forum (avec la participation de Poulet, sa minette tigrée et capricieuse) un bon millier de critiques et une centaine d'articles très très longs qui peuvent aller de « Promethea » à « Heroes Reborn ». Il a développé une affection particulière pour les auteurs Vertigo des années 90, notamment Peter Milligan et Neil Gaiman.