Le Comics Gate, qu’est-ce que c’est ?

Depuis quelques années maintenant, l’influence des réseaux sociaux va grandissante. Au point même que les industries du cinéma ou des comics books sont sensibles aux divers courants qui s’y expriment et en viennent même quelques fois à modifier leurs projets sous la pression du net. Mais cette fois-ci un nouveau palier a été franchit dans le petit monde des comics avec le comics Gate !
■ par Dragnir

 

Après publication de la couverture de Mockingbird n°8, la scénariste Chelsea Cain est contrainte de fermer son compte Twitter à cause du t-shirt porté par l’héroïne.

 

Un rappel des faits s’impose

En octobre 2016 , et donc un mois avant l’élection du très droitier Donald Trump à la maison blanche, un premier incident allait frapper le petit monde du comics ; Chelsea Caine auteure de la série Mockingbird chez Marvel était contrainte de fermer son compte twitter après avoir été submergé par un nombre incroyable de messages haineux et misogynes allant même jusqu’à la menacer de viol ou de mort. Le crime de la jeune femme est double selon ses harceleurs : D’abord , en couverture du numéro 8 de sa série , Mockingbird arborait un t-shirt portant un message féministe. De plus, la scénariste avait eu l’outrecuidance de publier un tweet en ces termes : « Mockingbird est annulé. Mais nous devons nous assurer que Marvel offre plus de place a des titres ou des femmes bottent des culs ». Et ce fut la shitstorm comme le veut l’expression consacrée. Bien sur , d’autres auteurs comme Dan Slott ou encore Cullen Bunn ( la liste serait longue) avaient subi eux aussi des bashings des plus virulents pour leurs choix scénaristiques mais avec le cas de Chelsea Caine , cela devenait politique . Les Alt-Right pour Alternative Right ( un conglomérat des extrêmes droites américaines) s’invitaient avec leur haine et leurs méthodes mortifères.
Mais cette affaire ne fut que le prologue d’un mouvement plus large, d’offensives plus violentes encore dans la comicsphère US.

 

Heather Antos et ses collègues de Marvel

 

L’affaire du Milkshake

Le 28 juillet 2017 Heather Antos, éditrice de la série Unbelievable Gwenpool et ses collègues féminines de Marvel sortent pour célébrer l’héritage d’une grande dame des comics disparue depuis peu : la fabuleuse Flo Steinberg. À cette occasion, le groupe de jeunes femmes prend un selfie en consommant un milkshake , image que Heather Antos publie sur twitter.
C’est alors que la déferlante d’insanités a débuté. Des insultes et diverses menaces bien évidemment mais aussi des accusations misogynes de « ruiner l’industrie du comics par leur simple présence » ou pire encore pour les trolls du Alt-Right d »être « la pire collection de SJW (Social Justice Warrior) ». Pour ces adeptes de la droite dure, il ne peut pas y avoir pire insulte que celle d’être un SJW puisque cette expression concerne toute personne qui serait partisane des droits des femmes ou encore des LGBTQ ou des minorités ethniques enfin des gens qui prônent la tolérance et le vivre ensemble. Malgré le soutien de bon nombre de personnalités du monde du comics , la campagne de dénigrement fut rude pour l’éditrice et perdure toujours plus d’un an après les faits

 

 

 

De la haine ordinaire par le harcèlement

Or l’objectif de ceux qui harcèlent est bien de dénoncer ou mieux de faire supprimer ce qui leur déplaît dans les publications actuelles de la maison des idées et le monde des comics en général. En effet, selon eux, Marvel mènerait une politique SJW en incluant de plus en plus de personnages issues de la « diversité » dénaturant du même coup les Super-héros censés être majoritairement des hommes blancs hétérosexuels. Il n’en fallait pas plus pour que la chasse aux sorcières numériques débute, le ComicsGate était lancé . Toute personne qui apportait son soutien Heater Antos ou à un acteur du monde des comics qualifiés de SJW devenait la cible des « ComicsGaters » qui pourrissaient le compte tweeter de leur victime par des propos injurieux voire même en diffusant leurs coordonnées et informations personnelles ( procédé appelé le Doxing) ou pire encore en les menaçant de s’en prendre à leurs proches ou à leur vie. Un autre pas fut franchi en février 2018 quand un ComicsGaters publiait une liste noire d’artistes et d’auteurs indésirables tel que Matt Fraction, Alex de Campi, Gail Simone ou encore Mark Waid. Pour ce dernier, le fait d’être dans cette liste de SJW supposé, au-delà des positions progressistes de l’auteur, était lié a une querelle entre lui et un des champions du ComicsGate : Richard C Meyer.

 

Richard C. Meyer dans The Jim Jefferies Show (image © Comedy Central)

 

Diversity and comics

Meyer est un ancien militaire qui s’est lancé dans une carrière de scénariste de comics en publiant un récit en noir et blanc concernant l’expérience d’un de ses compagnons d’armes ( No enemy, but peace) et un autre sur la guerre de Corée. Mais l’homme est surtout connu pour sa chaîne Youtube ironiquement intitulé « Diversity and comics » (diversité et comics). Ses émissions sont un mélange de chroniques sur les comics , d’analyses ou encore de commentaires concernant les éternels commérages en ligne. Fort du succès de son show, ce monsieur a une certaine écoute et notamment sur Twitter qu’il utilise comme une tribune pour déverser sa haine contre ceux qui sont pour lui responsables du déclin des comics..
Selon Meyer : « les [auteurs ou artistes] « SJW » n’obtiennent leur poste que parce qu’ils sont des femmes,des gays ou des trans et l’on ne prend pas en compte les avis négatifs des fans qui se manifestent par la chute des ventes ». Les cibles de ses diatribes sont donc clairement définies et il ne se prive pas pour injurier ceux qu’il considère comme faisant partie de ces populations honnis par des attaques personnelles. Pour l’exemple, il a qualifié le scénariste Ta-Nehisi Coates de « pute de course », l’auteure Magdalene Visaggio d’être «un homme avec une perruque » et a déclaré que Dan Slott « ressemblait à un pédophile ».
Avec des propos aussi orduriers, Meyer a gagné une forte notoriété auprès des sympathisants du Alt-Right y compris parmi les acteurs du monde des comics dont un de ses plus fervents supporters en la personne du dessinateur Ethan Van Sciver.

 

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Dragnir , c'est 120 kilos d'amour des comics ! Lecteur depuis plus de 40 ans, il est désormais muni d'un cal au pouce de plus de 9 cm a force de tourner les pages des comics indépendants voire underground US ou UK dont il s'est fait une spécialité.