Doomsday Clock : suite réussie ou piège à lecteurs ?

Doomsday Clock
(image © DC Comics)

Après de nombreux mois de retard, le public américain peut enfin découvrir le dernier chapitre de la maxi-série Doomsday Clock. Ironiquement, ce n°12 sort exactement la même semaine que la diffusion du dernier épisode de la série télévisée Watchmen, qui se veut elle aussi une suite officielle à l’œuvre d’Alan Moore et Dave Gibbons. Et les 2 versions n’ont strictement rien à voir ! Doomsday Clock reste une étrangeté mal fichue, à double visage mais pas si inintéressante sur son dernier tiers.
■ par Doop

 

Doomsday Clock
(image © DC Comics)

 

Une 1ère partie longue et catastrophique

Même en étant gentil, on ne peut absolument pas cautionner les 1ers épisodes de Doomsday Clock. D’ailleurs, ma review des numéros 1 à 4 était assez négative. En se plaçant directement dans le sillage de la série originelle, Geoff Johns souffre énormément de la comparaison avec Alan Moore. La série télévisée a le mérite de démarrer son intrigue 30 ans après la fin de Watchmen ; cela lui permet de créer de nouveaux personnages et de se démarquer un peu de l’œuvre originelle. Doomsday Clock se situe quelques mois plus tard seulement après Watchmen. Et donne d’entrée une réponse à la dernière page de la série, réponse qui n’avait pas besoin d’être explicitée. Comme toutes les intrigues ont été résolues à la fin de Watchmen, Geoff Johns ne peut plus que se contenter littéralement des miettes de bas de page de la série originelle, proposant un nouveau Rorschach et les personnages du Mime et de la Marionnette. Il rattache ensuite au forceps l’univers DC classique et celui de Watchmen avec une idée absolument ridicule : celle que le Dr Manhattan serait parti dans l’univers DC. Doomsday Clock semble construit uniquement pour proposer au lecteur de base des scènes maladroites qui pourraient déclencher le buzz : Rorschach contre Batman et le Joker, Ozymandias opposé à Lex Luthor… Les 9 premiers épisodes de Doomsday Clock accumulent cliché sur cliché et reprennent à l’identique les processus narratifs de Watchmen. Les gaufriers à 9 cases, les dialogues intérieurs du Dr Manhattan, une histoire fictive dans l’histoire (celle de Nathaniel Dusk) les renvois entre l’action et les bulles de pensées d’une page à l’autre, Doomsday Clock se veut une copie conforme de Watchmen, le talent en moins. L’écriture est lourde et pas très inventive et les quelques références au futur de l’univers DC ne fonctionnent pas non plus. Pire, dès le 2ème numéro, Doomsday Clock « retconne » l’œuvre originale en réintroduisant des personnages qu’on n’attendait pas pour ne pas en faire grand-chose. Comme ce très long passage entre Batman, le Mime, la Marionnette et le Joker. Heureusement, la fin permet de résoudre ce problème. Geoff Johns calque une impression de fin du monde sur l’univers DC qui est devenu totalement méconnaissable. Même si je ne lis plus beaucoup de DC, toute cette impression de fin du monde n’a pas l’air de transparaître dans les comics actuels. Le summum du n’importe quoi atteint son apogée lors d’un combat sur Mars entre le Dr Manhattan et tous les héros de l’univers DC. On est d’ailleurs beaucoup plus proche d’ailleurs de Kingdom Come, de Legends ou de 52 que de Watchmen. Le mélange ne fonctionne pas et ne pouvait de toute façon pas fonctionner. Et pourtant, sur son derniers tiers, Doomsday Clock prend une tournure plutôt inattendue.

 

Doomsday Clock
(image © DC Comics)

 

Un dernier tiers de série qui raccroche les wagons

Les épisodes 10, 11 et 12 de Doomsday Clock m’ont en tout cas surpris. En effet, Geoff Johns se détache totalement des tics d’écriture de Watchmen pour ne se concentrer que sur l’univers DC dans sa globalité. Utilisant le Dr Manhattan comme l’être le plus puissant de l’univers, il pose somme toute une réflexion sympa sur l’adaptation des personnages de fiction dans un cadre méta-contextuel. En tant qu’être aux pouvoirs divins, le Dr Manhattan comprend bien qu’il se passe quelque chose de différent sur cette Terre, qui voit un Superman débarquer de nombreuses fois dans sa capsule au fil des années, commençant en 1939 et se terminant sur le reboot du New 52 sans éclipser les différentes versions de John Byrne voire même de Mark Waid. Ce qui provoque à chaque fois des disruptions dans la continuité, qui ne peut être expliquée que par l’intervention des scénaristes et des éditeurs de la compagnie. Sans toutefois les nommer ou se mettre lui-même en scène, comme avaient pu le faire Grant Morrison sur Animal Man ou James D. Hudnall dans la Division Alpha, Geoff Johns propose via la connaissance du Dr Manhattan une solution permettant d’expliquer tous les relaunchs et reboots passés ou futurs de la compagnie. De fait, le scénariste trouve une solution « geek » aux problèmes de continuité en créant le Metaverse, univers uniquement dicté par la volonté des auteurs qui se penchent sur le destin des personnages de fiction. Expliqué de cette manière cela peut paraître assez piteux, mais j’ai trouvé ça plutôt pas mal si on s’éloigne de la continuité pure et dure.

 

Doomsday Clock
(image © DC Comics)

 

Une déclaration d’amour à Superman

Geoff Johns va même encore plus loin en faisant une véritable déclaration d’amour à Superman. Je pense qu’il s’agit d’un de ses personnages préférés et cela se voit. S’il apparait énormément au début de la série, Batman est totalement oublié au fil des épisodes, pour n’avoir finalement qu’un rôle très mineur, comme quasiment la plus grande partie des personnages introduits au début dans l’univers de Watchmen. Alors oui, on revoit Rorschach et compagnie, mais sincèrement, on se moque de ce qui peut leur arriver tant leur histoire est dépourvue d’intérêt depuis le départ. Superman est LE héros, c’est celui qui est défini comme la pierre angulaire de l’univers DC Comics. Le scénariste est clair là-dessus : tous les personnages de l’univers DC s’alignent sur Superman et ses différentes continuités. Même le multivers n’est qu’une conséquence de ce fameux Metaverse qui concerne en priorité l’homme d’acier. Je trouve ça plutôt joli, en tout cas j’ai bien aimé cette idée qui remet le meilleur de tous les super-héros au centre de son univers alors que seul Batman semble avoir une importance aux yeux des lecteurs d’aujourd’hui. Et on se moque du reste de l’histoire, qui n’est finalement qu’un enrobage assez qui permet uniquement au scénariste d’arriver à ses fins. C’est d’ailleurs tout le problème de Doomsday Clock : à aucun moment le rattachement à Watchmen ne fait sens. Geoff Johns aurait tout aussi bien pu faire revenir le Dr Manhattan sans les autres personnages que la finalité aurait été la même.

 

Doomsday Clock
(image © DC Comics)

 

Une histoire hors-continuité ? Et alors ?

Entre deux pages, Geoff Johns remet en place les défauts de Rebirth et du New 52 en réintroduisant 2 équipes qui avaient disparu des radars et dont on attendait impatiemment le retour. Et qu’importe si le retard accumulé par Doomsday Clock met une partie de ces personnages en contradiction totale avec les dernières séries de l’univers DC actuel. À mon sens, ce Doomsday Clock ne peut se lire que comme une œuvre à part, totalement déconnectée de la continuité DC classique. Ce qui ne me pose pas de problème et qui de plus peut se trouver intrinsèquement expliqué dans la série. Après, dans ce cadre de mini-série, si la finalité de l’histoire est vraiment sympathique, tout ce qui se ramène à l’univers de Watchmen est complètement raté et le développement de l’univers DC est trop fragile (Black Adam et toute l’histoire autour des métahumains aurait largement mérité plus de développements). Mais n’oublions quand-même pas le travail vraiment extraordinaire de Gary Frank, qui dessine 12 épisodes de grande envergure et qui n’aurait pas à rougir de la comparaison avec Dave Gibbons. Il est de plus très efficace dans les scènes de batailles comprenant une quarantaine de protagonistes. C’est véritablement le point fort de Doomsday Clock, même si Geoff Johns arrive sur la fin à donner un peu d’intérêt à son histoire, ce qui ne lui était plus arrivé depuis très longtemps. Il faut dire que c’est peut-être aussi son chant du cygne puisque depuis quelques années, le scénariste à la fâcheuse tendance à être de moins en moins présent chez l’éditeur. C’est ce qu’on peut ressentir en tout cas à la lecture des derniers épisodes de Doomsday Clock.

Doomsday Clock
(image © DC Comics)

Doomsday Clock est un comics publié aux États-Unis par DC Comics.

 

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(image © DC Comics)




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Doop lit des comics depuis une quarantaine d'années. Modérateur sur Buzzcomics depuis plus de 15 ans, il a écrit pour ce forum (avec la participation de Poulet, sa minette tigrée et capricieuse) un bon millier de critiques et une centaine d'articles très très longs qui peuvent aller de « Promethea » à « Heroes Reborn ». Il a développé une affection particulière pour les auteurs Vertigo des années 90, notamment Peter Milligan et Neil Gaiman.