Color Out of Space : Nicolas Cage face à la Couleur tombée du ciel dans l’adaptation moderne et réussie d’un chef d’œuvre de HP Lovecraft !

Trouver la bonne couleur

Avec un titre pareil, Color Out of Space devait forcément être un film « graphique ». Richard Stanley avait pour défi de « montrer » ce que Lovecraft prenait soin de ne pas trop détailler. Le choix de saturer l’écran d’une couleur fuchsia pouvait laisser craindre le pire. Pourtant Katie Baron et Sergio Costa, responsables artistiques, relèvent le défi. Ce fuchsia contraste naturellement avec le vert et le marron de la nature et permet au spectateur d’observer la lente contamination de l’environnement. Mais surtout, cette couleur permet d’incarner à l’écran les apparitions de la force évanescente qui tourmente les Gardner. On échappe au simple « gaz » qui traverse l’écran pour quelque chose de plus inquiétant. Derrière l’écran, Richard Stanley s’amuse avec l’image, expérimente, comme s’il était lui aussi une entité ancestrale rappelée de la nuit des temps pour déformer l’écran. Comme la fameuse « couleur » distord son entourage, il déforme littéralement la réalité, et donc l’image, dans une séquence finale totalement barrée mais terriblement efficace où le moindre corps devient une créature effrayante. Mieux encore : Richard Stanley met parfaitement en boite les instants attendus par les amateurs de La Couleur tombée du ciel.

 

Color out of Space Couleur tombée du ciel Nicolas Cage Richard Stanley
(image © SpectreVision)

 

Un Nicolas Cage à la hauteur (mais on a eu chaud)

Au début de Color Out of Space, Nicolas Cage fait peur, très peur. Dans une poignée de scènes limite hors sujets (le « cassoulet » ou de la traite des alpagas), l’acteur parait jouer sur le registre du grotesque, presque comique, qui sérieusement douter. Mais heureusement, Nicolas Cage retrouve progressivement sa place dans le film : celle d’un homme et d’un père de famille qui a perdu ses repères et toute confiance en lui. Malgré ses relations conflictuelles avec les siens, il tente de résister et de protéger ses proches. Hélas, l’horreur cosmique qu’il affronte est bien trop puissante. Nicolas Cage retranscrit à l’écran le combat de cet homme pour les siens. Une lutte qui se termine – forcément nous sommes chez Lovecraft – dans la folie. Dans la dernière partie de Color Out of Space, les excès de Nicolas Cage finissent par ajouter à la gravité des actions de Nathan Gardner. Et quand vient l’heure des sacrifices, on ne sourit alors plus du tout.

 

Color out of Space Couleur tombée du ciel Nicolas Cage Richard Stanley
(image © SpectreVision)

 

Un petit budget qui réduit la portée du film

Tout n’est pourtant pas réussi dans Color Out of Space. Le plus gros défaut du film reste son manque flagrant de moyens. Richard Stanley est imaginatif et on le sent plein d’énergie pour faire vivre son film. Hélas, le budget probablement modeste réduit la puissance de certaines scènes. Manifestement, le réalisateur a préféré « sacrifier » certaines scènes gore : par exemple, il filme en cadrant très très serré quelques passages sanglants peut-être un peu trop risibles sinon. Autre défaut : le personnage de l’hydrologue Ward Phillips, traité comme un personnage secondaire, qui dès lors atténue beaucoup la conclusion. Qu’importe, dirais-je, car on revient de loin. Color Out of Space parvient à montrer un univers lovecraftien globalement cohérent, qui ne verse pas dans la gaudriole, et qui respecte la nouvelle originelle tout en la transposant à l’écran pour un public contemporain. Et si Color Out of Space ne coche pas toutes les cases du défi qu’il relève, le film de Richard Stanley entretient sérieusement l’espoir de voir (enfin !) des adaptations ambitieuses. Et avec Lovecraft, l’espoir, rappelez-vous, ce n’est pas si fréquent. C’est toujours ça de gagné. ■

Color out of Space Couleur tombée du ciel Nicolas Cage Richard Stanley
(image © SpectreVision)




A propos Stéphane Le Troëdec 628 Articles
Stéphane Le Troëdec est spécialiste des comics, traducteur et conférencier. En 2015, il s'occupe de la rubrique BD du Salon Littéraire. Ses autres hobbys sont le cinéma fantastique et les jeux. Enfin, et c'est le plus important : son chiffre porte-bonheur est le cinq, sa couleur préférée le bleu, et il n’aime pas les chats.