Projet fou attendu par les amateurs de H.P. Lovecraft, Color Out of Space voit revenir sur le devant de la scène 2 artistes disparus des radars du grand public : le réalisateur Richard Stanley et l’acteur Nicolas Cage.
■ par Stéphane Le Troëdec
Avant de m’installer devant Color Out of Space, j’avais une triple attente. Lovecraft, d’abord. Color Out of Space est l’adaptation de « La Couleur tombée du ciel », une de mes nouvelles préférées du Maître de Providence. Un « maître » qui n’a d’ailleurs été révélé et adulé que bien longtemps après sa mort, H.P. Lovecraft n’ayant pas reçu la reconnaissance qu’il méritait de son vivant. C’est le paradoxe : alors qu’il a disparu dans le dénuement, l’œuvre de Lovecraft aura influencé un grand nombre d’artistes, et ce, bien au-delà de la littérature fantastique. Autre paradoxe : malgré son aura, jusqu’à présent aucun film n’a réussi à « capter » de façon satisfaisante son style, la puissance cosmique de ses entités ni même le pessimisme de son oeuvre. Ce n’est pas faute de prétendants. De mémoire, le Re-Animator de Stuart Gordon était une agréable série B qui adaptait avec panache et une bonne dose de gore et d’irrévérence l’hommage de HPL à Mary Shelley et son Frankenstein. John Carpenter était peut-être le réalisateur qui s’en est approché le plus en tournant le superbe L’Antre de la Folie. Avec l’abandon du projet d’adaptation pourtant prometteur des Montagnes Hallucinées par Guillermo Del Toro, les amateurs de Lovecraft se retrouvaient donc à attendre avec impatience ce Color Out of Space.
Richard Stanley, le réalisateur qu’on attendait pas
Richard Stanley. Le réalisateur barré qu’on attendait pas forcément sur Color Out of Space. En 1990, Richard Stanley réalise Hardware, un huis-clos post-apo adapté d’un comics anglais de chez 2000AD : SHOK! Walter’s Robo-Tale. Budget ridicule pour style puissant : le film tient étonnamment la route. Après un film, Le Souffle du démon, et plusieurs clips, la carrière de Richard Stanley sombre en même temps que le tournage épique et maudit de L’Île du Dr Moreau, l’adaptation du roman d’H.G. Wells. Le film marque un brutal coup d’arrêt à la carrière grand public de Richard Stanley. Pour la petite histoire, le réalisateur se retire en France, dans les Pyrénées. Voir revenir ce réalisateur maudit pour tourner l’adaptation d’une nouvelle de celui qu’on surnomme « le reclus de Providence », il y avait comme un signe du destin. Les astres semblaient propices.
Un acteur en perte de vitesse
Enfin, ma dernière attente, c’était de voir comment Nicolas Cage allait bien pouvoir s’intégrer dans ce projet fou. Cet acteur a vu sa carrière péricliter au début des années 2010, alternant séries B ou même films fauchés, invariables espoirs de retours en grâce (Dog Eat Dog, avec Paul Shrader) et problèmes financiers, ceci expliquant probablement cela. Un destin un peu dur pour un acteur qui s’est fait connaitre dans des films comme Sailor et Lula, Kiss of Death, Leaving Las Vegas, ou Double Face, excusez du peu, mais aussi son jeu tout en excès. Avec Color Out of Space, il y avait comme un parfum d’espoir dans l’air. Celui de voir 2 artistes écorchés et « perdus » revenir sur le devant de la scène pour adapter une œuvre a priori inadaptable. Et si l’espoir est un sentiment absent des écrits pessimistes de Lovecraft, on avait envie d’y croire, à ce Color Out of Space. Probablement un peu trop. [suite de l’article page suivante]
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