Tremblez, vous les nantis, car voici venir Renato Jones ! Certains sont dans la lutte des classes, Renato Jones a déclaré la guerre des classes ! Complètement déjanté mais plus subtil qu’il n’y paraît.
■ par Dragnir
LA PISTE AUX ÉTOILES
Scénario : ★★★☆☆
Dessin : ★★★☆☆
Feeling : ★★★★☆
En pleine Mer des Caraïbes, un yacht énorme est le théâtre d’un massacre savamment orchestré. Un justicier masqué a décidé de s’en prendre aux super riches qui détiennent plus de la moitié de l’économie mondiale à eux seuls : les 1%. Et au vu de leurs crimes, Renato Jones sera intraitable et implacable. Pourtant, Renato Jones fait aussi partie du gotha mais là ne sont pas ses origines. Enfant, il est récupéré par un homme qui le fait passer auprès d’une vieille femme ayant perdu son fils et son petit-fils pour le gamin disparu. Étant donné que Renato Jones devient de fait l’héritier d’une fortune familiale colossale, la gentille vieillarde s’empresse illico d’organiser une tentative de meurtre contre sa supposée descendance. Cela tourne on ne peut plus mal pour la vieille dame. En effet, se faire un chignon avec un trou dans la tête, c’est beaucoup plus difficile. Depuis, grâce à un entraînement intensif et à son héritage, le jeune Monsieur Jones traque et applique une justice expéditive à ceux des plus riches dont les méthodes ou les mœurs sont ignobles et les crimes impunis.
Caricatures et subtilité
Voilà un comics dont on comprend immédiatement la fonction de catharsis politique ! De toute évidence, en plus de tenter la dénonciation de certaines dérives de l’ultra-libéralisme, l’auteur utilise Renato Jones comme un exutoire au ressentiment qu’il éprouve à l’encontre des fameux 1%. Au premier abord, le résultat semble assez caricatural et sans réelles nuances. Pourtant la construction de certains personnages apporte de la subtilité. Ainsi, tous les riches ne sont pas d’ignobles créatures sans âmes mais plutôt, pour certains d’entre eux, des individus voués à des destins tristes et sans substances. Au même titre, on est en droit de se poser des questions quant au fanatisme du héros et de son acolyte : quand bien même leur motivation initiale est compréhensible, les méthodes employées sont des plus discutables. La haine est donc omniprésente dans les deux camps même si elle n’a pas un visage identique. Et c’est peut-être là que qu’est tout l’intérêt du récit.
Et pourtant ça fonctionne
Difficile donc de pouvoir apporter de la mesure dans un récit dont la base est d’être un thriller totalement anticapitaliste, cependant la sauce prend bien. Kaare Kyle Andrews, qui est à la fois scénariste et dessinateur sur cette bande dessinée, instille un suspense qui finalement nous pousse à nous pencher sur l’intrigue tout en conservant le propos politique. C’est là le tour de force car Renato Jones n’est jamais ennuyeux et si l’on y regarde de plus près la violence n’est jamais utilisée gratuitement par l’auteur, le propos est toujours juste. Graphiquement, on retrouve aussi de la brutalité avec des fonds rouge sang ou des noir et blanc sans fioritures. Les personnages ont des proportions monstrueuses qui s’accordent parfaitement à l’ignominie des actes qu’ils commettent. Une belle cohérence graphique donc et un dynamisme qui ne faiblit jamais.
Renato Jones est en somme un comics des plus intéressants et qui vous donne envie d’avoir vite le deuxième tome sans pour autant avoir le besoin de chanter l’Internationale ! ■
Renato Jones est un comics de 176 pages écrit et dessiné par Kaare Kyle Andrews, auteur un poil énervé. Cet album est publié en France par Akileos au prix de 17,00 €. Les épisodes originaux (Renato Jones: The One Percent Vol. 1) sont parus aux USA chez Image Comics.