Zéro absolu : huis clos polaire pour science-fiction glaciale

Zéro asbolu intégrale soldat sf neige
(image © Soleil Productions)

Le zéro absolu est la plus basse température qui peut exister dans ce monde. Elle est fixée à -273 degrés Celsius. Rien ne peut y survivre. Zéro absolu c’est aussi une série de BD en 3 tomes publiée chez Soleil Productions. Histoire de hard SF qui intègre le fantastique et sortie de la tête de Christophe Bec et Richard Marazano. Histoire qui nous relate une mission où est autorisée 100 % de perte humaine, mais aucun dégât matériel. Autrement dit, rien ne peut y survivre !
■ par Paperman (du podcast des crinqués)

 

 

Zéro absolu est une série en 3 tomes parue de 1997 à 1999. Scénarisée par Richard Marazano et dessinée par Christophe Bec, Zéro absolu est une histoire dense et complexe bourrée de références culturelles de la science-fiction. Possédant plusieurs niveaux scénaristiques collés sur une trame narrative qui mélange la hard SF militaire avec le fantastique, l’inconnu et possédant un petit côté révolutionnaire. Révolutionnaire dans sa conception qui était très précurseur pour l’époque ; et révolutionnaire aussi par la prise de position de certains personnages qui mettent en doute la mission et l’utilité de celle-ci. Par le fait même, l’auteur, Richard Marazano, en profite pour nous offrir, par la bouche de ses personnages, des opinions très tranchées qui sont encore très actuelles et qui le représentent très bien.

 

Zéro asbolu intégrale alien
(image © Soleil Productions)

 

Une escouade militaire face au néant

Zéro absolu commence avec un tableau qui nous présente les membres des marines qui forment l’équipage d’un vaisseau spatial à destination d’une prochaine mission. Neuf personnages bien représentés, avec leur force et leur faiblesse, qui auront tous leur moment à eux au fil de l’histoire. Gros plan sur la salle cryogénique qui est un sublime hommage à la franchise Alien. Et là, un élément vient immédiatement nous questionner. Une toute petite case qui nous montre le livre de Mikhaïl Boulgakov, Le Maître et Marguerite. Le contraste est frappant, des couleurs spatiales, foncées, angoissantes, ce bouquin orangé, sort du lot et nos yeux sont directement attiré par l’ouvrage. Par la suite, les auteurs nous préparent, nous introduisent les personnages et leurs psychologies. Le lieutenant hésitant. Le soldat comique. Les 2 bleus têtes de turc des vétérans. Une approche classique, mais très bien réalisée. Après, ça déboule très vite dans le mystère et les questions. Il y a d’abord cette histoire de pilules que les soldats doivent prendre sans poser de questions. Ordre oblige ! Et ce code rouge associé à une mission qui n’est pas claire et qui ne présume rien de bon pour les soldats. L’important ? Que la mission réussisse ! Pertes humaines autorisées : 100 %. Dégâts matériels : 0%. Le rêve, quoi !

 

 

Zéro asbolu intégrale espace vaisseau spatial cryogénie
(image © Soleil Productions)

 

Une mission vouée à l’échec

Officiellement, la troupe militaire doit se rendre sur la planète Sibéria, lointaine planète glaciaire, pour vérifier et nettoyer une base polaire qui semble abandonnée et qui est sans vie à 1re vue. Tout au long de l’atterrissage, nous pouvons voir que la dynamique de la troupe n’est pas au beau fixe et que cela va poser problème ! Après, l’histoire s’accélère. Séquence de déploiement militaire pour la mission. Fenêtre de 20 heures pour la mission avant que la navette, en pilotage automatique, ne reparte. Tout est mis en place par Richard Marazano et Christophe Bec pour nous donner une ambiance militaire, froide, angoissante, sous tension. L’attente vers l’élément déclencheur arrive très rapidement quand un des soldats rencontre un homme qui lui tire une balle dans l’épaule. Menace qui très rapidement réduite au néant. Mais, comment un homme peut-il être présent dans une base qui frôle le zéro absolu et ce, sans scaphandre? Et comment un soldat blessé dans un scaphandre endommagé peut-il retourner au centre de commandement situé à l’extérieur avec une température qui frôle le -150 degrés Celsius enregistré par l’ordinateur de sa combinaison ? Le fantastique entre en jeu à partir de ce moment. Le reste de l’histoire nous raconte la suite de la mission et les tenants et les aboutissants de celle-ci. C’est un résumé très linéaire, car en vérité, les auteurs nous plongent dans un huis clos polaire avec des planches remplies d’indices cachés pour la compréhension de l’histoire. Une case avec des images de démons. Une autre avec celle du Christ. Des photos du passé des personnages qui expliquent leur relation extérieure. Des flashbacks. Mais il y aussi ces passages illustrés du roman Le Maître et Marguerite qui viennent magnifier le tout en rajoutant une couche de profondeur à cette histoire militaire. Petit à petit, le lecteur ou la lectrice plonge dans l’antre de l’incompréhension superficielle pour celui ou celle qui demeure sur la surface de l’histoire sans y pénétrer complétement et se laisser happer par les mots et les dessins des auteurs. Car une fois sous la surface, nous sommes devant une histoire très dense, complexe, aux ramifications nombreuses, mais qui demeure cohérente dans son intégralité pour en arriver à une finalité qui referme le dernier tome de brillante façon avec ce magnifique duel sur la glace !

 

 

A quoi servirait ton bien, si le mal n’existait pas, et à quoi ressemblerait la terre, si on en effaçait les ombres ?
Le Maître et Marguerite (1942) de Mikhaïl Boulgakov

 

 

L’ambiance, l’ambiance et encore l’ambiance

Dans Zéro absolu, le scénario de Richard Marazano, le dessin de Christophe Bec et les couleurs fusionnent parfaitement pour créer une ambiance suffocante, angoissante, d’une froideur absolue qui glace le sang du lecteur ou de la lectrice. Tout au long de la série, Christophe Bec nous donne des dessins qui ne dégagent aucune chaleur. Dans le choix de son découpage, tout est placé pour arriver à une lecture chargée de détails, mais sans troubler celle-ci. Dessins qui viennent accentuer la puissance de certains dialogues de l’auteur, Richard Marazano. C’est une fusion quasi parfaite entre le travail des 2 artistes. On peut reprocher à Christophe Bec de mettre l’accent sur les décors en oubliant quelquefois les personnages et leurs émotions. C’est visible ici, car nous sommes au début de la brillante carrière de l’auteur. Mais, pour moi, dans Zéro absolu, ce n’est pas un défaut en soi, car l’ambiance est d’abord créée par les somptueux décors qu’il a créés pour cette série. Richard Marazano pour sa part, lui aussi au début d’une brillante carrière, impressionne avec des dialogues travaillés, bien pensés et formulés. Avec aussi des personnages fort bien développés qui contribuent à accentuer cette ambiance de tragédie à venir. La coloration, réalisée par Homer Reyes, Stamp et Urigel Santos vient compléter avec brio cette ambiance avec des thèmes sombres, froids et mécaniques.

 

Zéro asbolu intégrale équipage vaisseau repas
(image © Soleil Productions)

 

De la SF dure, ambiancée, réaliste et angoissante

Zéro absolu, tome 1 sorti en 1997, et série terminée en 1999, fait figure de précurseur dans le monde de la SF en BD. Avec ce mélange de hard SF et de fantastique, les 2 auteurs nous ont offert une série brillante qui demande par contre un degré d’attention élevé pour la lecture. Ici, place à la lecture active pour découvrir Le Maître et Marguerite qui est au centre de l’histoire pensée par les auteurs. Ici, il faut regarder chaque case dans chaque planche pour y retrouver les indices, les détails qui aideront à saisir l’histoire. Une grande histoire de science-fiction qui démontre tout son potentiel. Et dire que cette série était au début des carrières des auteurs, nous démontre bien l’immense potentiel qu’ils possédaient. Potentiel qui a été maintes fois prouvés depuis les 23 années qui se sont écoulées entre aujourd’hui et la sortie du 1er tome de Zéro absolu.

Zéro asbolu intégrale
(image © Soleil Productions)

Zéro absolu : intégrale est une bande-dessinée publiée en France chez Soleil Productions.

 

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(image © Image Comics, Urban Comics)