La face sombre de l’Amérique
Christopher Priest rebondit dès l’été 2003 sur la récente mini-série Truth : Red, White & Black. Cette saga révèle que l’Amérique force des soldats afro-américains en 1942 à subir des expériences pour recréer le sérum du super-soldat. Josiah X est fils d’Isaiah Bradley, seule réussite mais dont les capacités intellectuelles sont anéanties par abus. Josiah naît des manipulations eugéniques gouvernementales, et grandit en orphelinat après être éloigné volontairement par sa mère. Il dispose de super-pouvoirs, erre longtemps dans les conflits américains puis devient imam pacifiste dans Little Mogadishu. Rhodey le convainc d’assumer son héritage compliqué, et le quatuor réussit à révéler la face sombre de la ville. Junta refuse finalement l’offre des 66 Bridges par bonté, The Crew se conclue sur la victoire de ce groupe improvisé et conflictuel.
Une mini-série coup de poing
The Crew est composée de 7 numéros puissants et choquants. On est plongé dans le quotidien ultra-violent de Little Mogadishu, où les criminels ont une devanture publique et des liens avec la CIA. Cela rappelle la formidable série TV The Wire / Sur Ecoute, qui décrit la réalité du trafic de drogue à Baltimore. Christopher Priest utilise certes des surhumains, mais ce n’est pas un récit de superhéros. Le ton est dur, terrible, les compromis sont indispensables et personne n’en sort indemne. L’auteur entend alors montrer la violence totale du crime au quotidien, mais aussi faire « grandir » ensemble 4 personnages fracassés par des deuils. Une ambition sociale, donc, mais aussi personnelle.
Une saga intense mais frustrante
Christopher Priest concentre beaucoup sa narration sur ses personnages. Le 1er épisode montre l’arrivée de Rhodey, mais ce personnage perturbé et paumé n’a quasiment rien en commun avec le superhéros. L’absence d’explications rend l’approche un peu ratée. Le 2e numéro présente White Tiger, le 3e est sur Junta, le 5e est le plus réussi sur Josiah X. Christopher Priest peut pleinement caractériser ses héros, mais la série s’arrête au n°7. Cela rend leur alliance finale précipitée, et le revirement de Junta un peu artificiel. On sent que l’auteur avait beaucoup à raconter dans cette approche réaliste des difficultés urbaines, mais The Crew disparaît trop vite. Le titre est un bel exercice, très bien dessiné par un Joe Bennett loin de sa maîtrise sur Immortal Hulk mais très efficace. Reste une certaine frustration devant une saga qui aurait pu donner bien plus encore. A noter qu’on ne revoit quasiment plus Junta, White Tiger ou Josiah X depuis. Ta-Nehisi Coates, scénariste des récents Black Panther, lance en 2017 un titre Black Panther and the Crew, qui reprend quelques idées du titre original. Mais sans son ton et son approche extrêmes dans le réalisme cru. The Crew est donc une belle curiosité des années 2000, qui n’a pas eu le temps de marquer plus son époque, hélas ! ■
The Crew est un comics publié aux USA par Marvel Comics.
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