Quelques semaines seulement après le remarquable Pentagon Papers, Steven Spielberg nous transporte dans la dimension virtuelle de Ready Player One le temps d’un film de SF incroyable doublé d’un incroyable autoportrait. Puissant.
■ Par Stéphane Le Troëdec
Il y avait de quoi être sceptique. L’idée de Ready Player One remonte au best-seller d’Ernest Cline, hommage nostalgique, servile mais creux aux icones des années 80 avec (déjà) Steven Spielberg comme figure principale. Quand on a appris qu’il allait se charger de l’adaptation au cinéma du roman, on pouvait craindre l’égocentrisme et l’autocélébration facile.
OASIS, un univers en héritage
En 2044, la Terre est devenu un immense bidonville surpeuplé. Comme la plupart des gens, Wade Watts s’évade dans OASIS, une réalité virtuelle où il peut « vivre » par procuration des combats épiques et des courses incroyables. Il ignore encore que James Halliday, le créateur d’OASIS, vient de décéder. Pour éviter que sa création ne tombe entre de mauvaises mains, il a imaginé une épreuve pour désigner son héritier. L’objectif du concours ? Trouver 3 clés virtuelles dispersées dans OASIS. Seulement Wade n’est pas l’unique participant à l’épreuve…
Expérimentations et fantasmes
Steven Spielberg ouvre Ready Player One par une 1ère scène époustouflante d’une vingtaine de minutes. Dès lors il ne s’agit plus de se demander si le réalisateur va se contenter d’une adaptation plan-plan. La réponse est rapidement évidente : Spielberg en a sous la pédale et compte bien montrer qui est le patron ! L’OASIS du film devient l’espace virtuel dans lequel il peut concrétiser certains fantasmes (le passage du réel au virtuel, la réécriture des films) voire repenser sa réalisation (la première course de voiture). Conséquence de ces nouvelles expérimentations : Steven Spielberg enchaîne les morceaux de bravoure tout au long du film.
Autoportrait
Avec Ready Player One, Steven Spielberg évite soigneusement de tourner un film « parc d’attraction ». Du roman servile d’Ernest Cline, dont il est la figure centrale, Spielberg façonne un autoportrait jouissif ! Une intention suggérée dans ses films récents, comme le Bon Gros Géant ou Le Pont des espions où la figure de Spielberg s’insinuait déjà à travers ses personnages. Dans Ready player One, on compte 3 avatars du réalisateur. Il y a tout d’abord Halliday, magnat de l’entertainment, à la recherche des rêves pour les projeter dans un espace virtuel. Un démiurge qui a construit l’imaginaire de ses congénères et qui s’interroge sur l’héritage qu’il laissera derrière lui. Puis, il y a Wade, la jeune génération, le Spielberg des années 70, désireux de révolutionner le monde. Entre ces deux extrêmes, il y a Sorrento, l’entrepreneur immoral et implacable. Il y a dans Real Player One ces trois figures du réalisateur, celui qui a défini les règles d’Hollywood il y a quarante ans. Comme s’il était l’heure de faire le bilan, de se confronter à ses idoles (Kubrick, le temps d’une scène audacieuse). En fin de compte, Real Player One n’est pas un film sclérosé nostalgique d’une période, mais bien une œuvre qui dresse l’autoportrait multi-facette et sincère d’un réalisateur mythique.