
Envoyer Hulk dans l’espace pour l’éloigner de la Terre ? L’idée paraît simplette, voire un peu cruelle. Et pourtant, c’est ce pitch de départ qui donne naissance à l’un des meilleurs récits modernes du Titan de jade. Dans Planète Hulk, les Illuminati (la crème des héros, pas ceux qui mettent des pyramides sur les billets) décident que Bruce Banner est trop dangereux pour la Terre. Alors hop, direction l’espace. Sauf que le plan part en vrille, et Hulk atterrit sur une planète hostile. Et là, tout bascule.
Sur Sakaar, Hulk n’est plus un problème à contenir : il devient une légende en devenir. Esclave, gladiateur, puis chef d’une révolution… Oui, ce bon vieux Hulk enfile les casquettes comme d’autres changent de slip. Et contre toute attente, c’est passionnant. Le récit signé Greg Pak réussit là où beaucoup ont échoué : rendre Hulk charismatique sans le ramollir, et donner du poids à son éternelle rage.

L’univers de Planète Hulk : un terrain de jeu sauvage
Bienvenue sur Sakaar, une planète crade, violente, un mix entre Mad Max, Gladiator et un vieux épisode de Farscape. C’est moche, c’est cruel, c’est parfait. Greg Pak y construit un monde cohérent, peuplé d’aliens badass et de civilisations en guerre. Les arènes de combat rappellent les grands péplums, les jungles suintent la mort, et la technologie donne une ambiance SF unique. On s’y croirait, et ce n’est pas qu’une formule.
Le tour de force de Planète Hulk, c’est d’être aussi immersif qu’un space opera de grande envergure tout en restant un comics Marvel. Sakaar n’est pas un décor : c’est un personnage à part entière. Et Hulk y trouve sa place. On oublie vite les Avengers, la Terre, les laboratoires. Ici, c’est sueur, boue et hémoglobine. Et ça fait un bien fou !

Les Liés en guerre : Hulk ne lutte plus seul
Autre excellente surprise : les personnages secondaires. Greg Pak ne se contente pas de coller Hulk dans un bac à sable. Il invente une galerie de compagnons, les Liés en guerre, tous aussi bien caractérisés les uns que les autres. Une crevette géante, un insecte ronchon, un ancien esclave ronin, une ombre mystique… Pas de recyclage paresseux ici, chaque membre du groupe a sa propre voix, son arc narratif. Et ça fonctionne.
On s’attache très vite à cette bande de bras cassés. Certains ont même eu droit à une apparition dans le film Thor : Ragnarok (comme Korg par exemple). Dans un univers où Hulk est souvent seul contre tous, cette fratrie improbable lui offre un contrepoids émotionnel inattendu. Et renforce l’idée maîtresse de Planète Hulk : pour une fois, Hulk s’intègre quelque part. Enfin.

Hulk : du monstre à la légende
C’est là toute la force du récit : Planète Hulk raconte l’ascension d’un monstre en héros mythologique. Pas en gommant sa brutalité, mais en la mettant au service d’une cause. Hulk ne change pas fondamentalement : il reste colérique, violent, impulsif. Mais sur Sakaar, ces défauts deviennent des vertus. Ce sont elles qui le hissent au rang de sauveur. Et puis, soyons honnêtes, qui n’aime pas voir Hulk éclater une armée à mains nues ?
Le twist, bien sûr, c’est que tout cela est temporaire. Le bonheur, pour Hulk, n’est jamais durable. Quand il ose baisser sa garde, tout s’effondre. Le retour de bâton est cruel, mais logique. Et surtout, il sert d’amorce à un autre gros morceau : World War Hulk. Bref, Planète Hulk ne se contente pas d’être un bon récit. Il fait partie d’un diptyque tragique d’une efficacité redoutable.

Un récit dense, épique… mais pas parfait
Alors oui, tout n’est pas rose. Planète Hulk a ses longueurs. Certains chapitres à mi-parcours tournent un peu en rond, comme si Greg Pak avait du mal à garder son rythme de croisière. Et l’apparition du Silver Surfer, bien que spectaculaire, tombe un peu comme un cheveu sur la soupe. Un caméo gratuit ? Peut-être. Un hommage ? Plus probablement. Mais ça casse un peu l’élan.
Heureusement, le reste du récit reste solide comme Hulk sous stéroïdes gamma. Les dessins de Carlo Pagulayan assurent, l’action est lisible, les émotions passent. Même les dialogues, parfois too much, trouvent leur juste place dans cet univers hors normes. Et puis avouons-le : voir Hulk en armure, glaive à la main, c’est quand même autrement plus stylé qu’en short violet.
Pourquoi Planète Hulk reste un indispensable
Planète Hulk fait partie de ces récits qui transcendent leur pitch de départ. Ce qui aurait pu être un délire bourrin sans fond se transforme en tragédie antique, version comics. Un récit qui interroge la nature du héros, la quête d’un foyer, et la fatalité de rester soi-même. Le tout sans jamais renier le plaisir bête et méchant de voir Hulk péter des trucs à répétition.
C’est peut-être ça, la vraie réussite : avoir su conjuguer le grand spectacle et la profondeur émotionnelle. Pour une poignée d’euros dans cette édition à petit prix, vous tenez là un vrai blockbuster sur papier. Et pour une fois, pas besoin d’avoir lu trente séries Marvel en parallèle. Planète Hulk se suffit à lui-même, et ça aussi, c’est devenu rare.

Planète Hulk est un comics publié en France par Panini Comics. Il contient : Incredible Hulk (2000) 92-105, Giant-Size Hulk (2006) 1, Amazing Fantasy (2004) 15