La Tempête : Alan Moore fait ses adieux aux comics avec la dernière aventure de la Ligue des Gentlemen Extraordinaires !

La Tempête Alan Moore
(image © IDW Publishing)

Dernière partie de la Ligue des Gentlemen Extraordinaires, La Tempête est aussi l’ultime comics d’Alan Moore. Sa lecture, âpre et dense, révèle une nouvelle fois le génie d’un auteur qui aura marqué l’histoire des comics. La conclusion de la Ligue des Gentlemen Extraordinaires est l’occasion pour Alan Moore et Kevin O’Neill de passer une nouvelle fois en revue la pop culture en la déconstruisant pour mieux la réinventer. Mais à trop vouloir en faire Alan Moore ne prend t il pas non plus le risque de partir sur une fausse note et surtout de perdre des lecteurs ?
Par Fletcher Arrowsmith

 

Autant annoncer la couleur immédiatement, les 2 premiers tomes de la Ligue des Gentlemen Extraordinaires font partis de mes lectures incontournables. Mais Century et surtout Le Dossier Noir ne m’ont guère convaincu. J’ai donc abordé La Tempête avec beaucoup de scepticisme.

 

La Tempête Alan Moore
(image © IDW Publishing)

 

La Tempête de William Shakespeare

La Tempête (The Tempest en VO) est une pièce de théâtre écrite en 1611 par William Shakespeare. Elle met en scène l’exil du duc de Milan, Prospero (personnage que l’on retrouve chez Alan Moore). Histoire de famille, Prospero est déchu par son propre frère et se retrouve sur une île déserte avec sa fille, Miranda. Avec l’aide de la magie apprise dans ses livres, Prospero a appris la maitrise des éléments naturel et des esprits autant positifs que négatifs. Esprits, monstres et humains vont vivre ensemble sur une île, loin de la civilisation. Considéré comme l’une de ses plus grandes œuvres, La Tempête de William Shakespeare aborde des thèmes comme l’esclavage, la nature, la liberté ou les sentiments humains. Joe Hill s’inspire également de La Tempête dans les comics Locke & Key.

 

La Tempête Alan Moore
(image © IDW Publishing)

 

La Tempête d’Alan Moore et Kevin O’Neill

À la suite des événements de Century et à la lumière des révélations du Dossier Noir, Emma Night, Orlando et Mina Murray vont tenter de mettre fin à une prophétie annonçant la fin imminente du monde. C’est sans compter Prospero et le retour de M. Les héroïnes seront épaulées des membres de l’équipe dissoute des Sept Etoiles qui semble posséder certaines clés dans son passé mais également son futur. Se déroulant dans un univers uchronique, des ruines de la cité perdue de Kor au monde glorieux en passant par la Lune, La Tempête met fin à une intrigue millénaire dans une ambiance pop et délirante.

 

La Tempête Alan Moore
(image © IDW Publishing)

 

Un guide de lecture

La Tempête conclue une saga qui dure depuis 1999 à travers de nombreux albums. Voici le guide de lecture de cette aventure fascinante et déconcertante pas comme les autres :

  1. La Ligue des Gentlemen Extraordinaires, tome 1 : Contre Fu Manchu
  2. La Ligue des Gentlemen Extraordinaires, tome 2 : La guerre des mondes
  3. La Ligue des Gentlemen Extraordinaires, tome 3 : Century (1991, 1969, 2009)
  4. Le Dossier Noir
  5. La trilogie de Nemo : Cœur De Glace, les Roses de Berlin, Fleuve de fantômes
  6. La Tempête

 

La Tempête Alan Moore
(image © IDW Publishing)

 

Une aventure folle et décousue

Le principal reproche que j’émets sur La Tempête est la complexité de l’intrigue qui ne s’accorde pas avec une narration trop délirante et peu lisible. Pour son dernier travail sur les comics, Alan Moore semble donner le meilleur de lui même, qualités comme défauts. Il ne cesse de multiplier les approches, les genres, les points de vue et joue avec le médium d’une façon qui paraît incontrôlables. Personnages fictifs, mise en abyme sur plusieurs niveaux, prose, récit satirique, planches en couleur puis en noir et blanc, en 3D avec des lunettes spéciales (fournies avec l’album), comics de l’Âge d’or, article documenté sur des artistes anglais oubliés, publicité, etc. Le cerveau du scénariste de Watchmen semble ne plus avoir de limites. Le problème reste que le lecteur, lui en possède, et n’a pas forcément tous les codes pour déchiffrer le raz de marée culturel, essentiellement britannique, qui s’offre à lui dans la tempête. L’alternance des différents types de narration perturbe tout autant qu’il fascine. La concentration est de mise surtout dans les 1ers numéros qui demande en plus une connaissance pointue des précédents ouvrages parus sur la Ligue des gentlemen extraordinaires, surtout Le Dossier Noir et Century, déjà peu eux-mêmes accessibles.

 

La Tempête Alan Moore
(image © IDW Publishing)

 

Bouillon de culture à la sauce britannique

Dans La Tempête, y a-t-il une case ou une planche qui échappent à des références pop ? Surement mais très peu. Le jeu de piste imaginé par Alan Moore et Kevin O’Neill est fascinant. La recherche de qui est qui en terme de pop culture reste l’atout n°1 de la Ligue des gentlemen extraordinaires. Pour leur chant du signe, Alan Moore et Kevin O’Neill donnent tout ce qu’ils ont. Musique (Beatles), littérature (Shakespeare, Mary Shelley, James Bond, George Orwell), genre (super héros, horreur type EC), personnage (la Ligue de justice), film ou série (Austin Power, Chapeau melon et bottes de cuir, James Bond), personnalités plus ou moins parodiées (Jack Kirby, Stan Lee, Donald Trump) sont autant de clins d’œil plus ou moins cachés. Les 2 compères s’amusent également avec les possibilités offertes par l’objet bande dessiné. Ainsi les couvertures des 6 numéros s’inspirent de comics différent comme 2000 AD ou les comics d’horreur EC. Un courrier des lecteurs assez hilarant est présent dans chaque numéro ainsi que des fiches décrivant les origines des membres de l’équipe de l’O.N.U., les Sept Etoiles. D’ailleurs ces derniers, pastiches de la Ligue de Justice de DC comics ont le droit à leurs propres aventures dans le pur style des années 60, en noir et blanc. Il y a même un roman photo à l’intérieur de La Tempête. Bref, Alan Moore et surtout le génie protéiforme de Kevin O’Neill balayent des années de culture.

 

La Tempête Alan Moore
(image © IDW Publishing)

 

À qui s’adresse La Tempête ?

Alan Moore et Kevin O’Neill semblent s’être d’abord fait plaisir eux même, leur lectorat passant en second. Preuve en est les divers règlements de compte d’Alan Moore envers le médium qui l’a rendu célèbre et notamment les éditeurs. Les 2 artistes reviennent également sur leur carrière. Les dernières pages les mettant en scène sont d’ailleurs savoureuses. Autre contradiction, pour une œuvre d’adieu, La Tempête peut être lu comme un bouillon de culture et un laboratoire expérimental. L’ambiance crépusculaire de La Tempête se voit contrebalancé par assez de touches humoristiques qui permettent de dégonfler l’ensemble. Ce n’est que du comics après tout. Génial ou imposture, à chacun de se faire une idée, sur un album qui ne peut laisser indifférent. Lire La Tempête est une expérience unique qui achèvera de convaincre les déjà convaincu admirateurs de l’œuvre d’Alan Moore. Pour les autres, ceux de passage, les plus sceptiques, les nouveaux venus dans le medium, passez votre chemin, car La Tempête est tout sauf une porte d’entrée. Évidemment, mon cher Watson, puisque c’est la porte de sortie.

 

La Tempête Alan Moore
Il est temps de sortir les lunettes 3D fournies avec La Tempête ! (image © IDW Publishing)

 

Une édition française réussie

J’en profite pour tirer mon chapeau au traducteur. La traduction en français de ce dernier opus de La Ligue des gentlemen extraordinaires n’avait rien d’évident. Mathieu Auverdin (de chez Makma) restitue impeccablement la complexité de ce sommet qu’est La Tempête. À noter aussi la qualité générale de l’édition proposée par Panini comics. ■

La Tempête Alan Moore
(image © IDW Publishing)

La Tempête est un comics publié en France par Panini Comics. Il contient The League of Extraordinary Gentlemen Volume 4 : The Tempest n°1 à 6.

 

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