Female Furies : réécriture féministe et puissante du Quatrième Monde de Jack Kirby [avis]

(image © DC Comics)

Les 6 épisodes de Female Furies viennent après le succès du Mister Miracle de Tom King et Mitch Gerads. On découvre ici une réécriture du 4e Monde sous le prisme des Folles Furieuses menées par Big Barda. Mais ces 6 épisodes livrent autant une intrigue pertinente qu’un intense message féministe, en lien avec le mouvement #MeToo. Analyse.
■ par Ben Wawe

 

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Apokolips – Talkin’ About a Revolution

Darkseid dirige Apokolips via un système féodal violent, où les traîtrises sont constantes. Mais les femmes de ce monde sont les plus maltraitées. Leur domination par les hommes est ici un principe de base, et Mamie Bonheur est essentiellement moquée, humiliée par ses camarades à la cour de Darkseid. Alors qu’elle a tout sacrifié pour accompagner le tyran au pouvoir. Les Furieuses sont les troupes que Mamie forme pour servir Darkseid, et lui offrir un rang à sa mesure. Mais les hommes se moquent de ses guerrières et Mamie perd son âme en quête d’un objectif impossible. Le sort abominable d’Aurelie, cheffe des Furieuses, déclenche une intense révolution féminine.

 

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Les femmes du 4e Monde

La scénariste Cecil Castellucci est citée par le New York Times pour Shade, The Changing Girl et plusieurs récits indépendants. Adriana Melo est une dessinatrice brésilienne, intervenue sur Witchblade, Catwoman ou Birds of Prey. Avec Female Furies, elles proposent 6 épisodes centrées sur les Furieuses, leurs réactions aux grands événements de la saga épique qu’Urban Comics a proposé en 4 volumes. Le lecteur de Female Furies aperçoit notamment la transformation de Scott Free en Mister Miracle, sa romance avec Big Barda, la lutte de Darkseid contre Néo-Génésis, la rencontre avec Belle-Rêveuse des Immortels, etc. Le 4e Monde se déploie sous le prisme de ces personnages souvent secondaires. Un parti-pris surprenant et pertinent, car les Furieuses deviennent passionnantes en s’étoffant, et décrivent le « quotidien » de ce panthéon cosmique.

 

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Un récit féminin et contemporain

Avec Female Furies, Cecil Castellucci raconte une bonne histoire, mais y intègre aussi et surtout des problématiques très contemporaines. Le mouvement #MeToo / #BalanceTonPorc a permis récemment de dénoncer les agressions sexuelles et le harcèlement subis par les femmes dans le milieu professionnel. Cecil Castellucci transpose cela au 4e Monde, avec ces Furieuses qui subissent des abus de la part des hommes d’Apokolips. Mamie Bonheur sacrifie son corps et son âme à Darkseid, qui la pousse toujours plus loin. Les souffrances d’Aurelie sont contestées par ses propres camarades, qui ne comprennent que trop tard l’horreur de la situation. Female Furies étoffe le 4e Monde, mais parle surtout de la période actuelle et de ce que les femmes peuvent hélas vivre. Les parallèles sont réels et saisissants. Un véritable choc développé par l’intensité des mauvais traitements, si crédibles, et des réactions ainsi déclenchées. Une leçon d’actualité et de caractérisation de moments terribles.

 

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Des réécritures pertinentes

Cecil Castellucci suit l’essentiel du 4e Monde, mais modifie plusieurs éléments pour son intrigue. Aurelie est selon Jack Kirby une jeune fille attirée par la danse, qui fuit les Furieuses pour rejoindre Himon, résistant à Darkseid. Cecil Castellucci en fait la meneuse des Furieuses avant Big Barda, et vecteur principal avec Mamie Bonheur du propos féministe. Le changement surprend mais a du sens, car le destin s’avère parallèle et non pas divergeant avec la continuité initiale. Tel est moins le cas pour la conclusion de Female Furies, qui ose changer le 4e Monde afin de servir son propos général. Un choix surprenant, courageux et même bienvenu vu le fond des problématiques soulevées, même si cela divisera les fans.

 

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Des défauts gênants

Les 6 épisodes de Female Furies sont autant une réécriture habile du 4e Monde qu’un puissant message contemporain. Mais ces qualités réelles ne compensent hélas pas des imperfections régulières. Cecil Castellucci maîtrise son propos et ses personnages, mais ses rebondissements sont souvent trop rapidement expédiés, survolés, ce qui freine la lecture. Le trait gras et lourd d’Adriana Melo alterne entre images puissantes et compositions grossièrement ratées, sans trouver d’équilibre. Dommage.

 

(image © DC Comics)

 

Une mini-série qui s’avère frustrante, car elle aurait pu être une œuvre encore plus puissante. Cela demeure une proposition pertinente sur le 4e Monde, et surtout une lecture intense pour son propos et son actualité. Incontournable. ■

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