Scott Free le Néo-Dieu ne va pas bien. Pour autant Mister Miracle doit participer à la lutte opposant les dieux de Néo-Génésis à la ténébreuse Apokolypse. Et il va le faire dans un comics sensible et complexe rendant hommage au Quatrième Monde de Jack Kirby.
■ par Mad Monkey
Scott Free, alias Mister Miracle, est un Néo-Dieux. Et pas n’importe lequel, Scott Free est le fils du Haut-Père et donc un héritier du trône de Néo-Génésis. Sauf que le Haut Père a échangé son fils à la naissance avec celui de Darkseid afin de sceller un traité de paix. Du coup, au lieu de grandir au paradis, Scott Free a été élevé en enfer. Un enfer dont il a passé son enfance a cherché de s’échapper. Et un jour il y est parvenu. Il est alors venu vivre sur Terre où il a fait connaissance avec un artiste de l’évasion du nom de « Mister Miracle », ainsi que son assistant Oberon. Il reprend alors le nom de scène de l’illusionniste avant d’être rejoint par Big Barda, une des meilleures guerrières de Darkseid, avec qui il connait le grand amour. Ensemble ils luttent contre les forces d’Apokolips tout se lançant dans une carrière d’artiste de l’évasion. Mais une telle enfance suivie d’une vie de combats, ça laisse des traces. Et Mister Miracle est toujours en quête d’une échappatoire. Et cette fois-ci il cherche à s’évader du piège ultime, l’étreinte la plus dangereuse qui soit, la mort elle-même. Pour se faire, il décide de s’ouvrir les veines dans sa salle de bain…
Quand un dieu fait une dépression
Mister Miracle commence donc par une tentative de suicide, ce qui n’est pas l’introduction la plus joyeuse qui soit. Pour autant la série ne donne pas dans le sensationnalisme et le larmoyant bas de gamme. En fait, Mister Miracle se révèle même assez pudique sur l’acte en lui-même. Tom King use en effet d’un rythme tout en mesure pour parler avec justesse de la dépression dans toute sa complexité. Les amis qui tentent de vous secouer « pour votre bien » ou au contraire ceux qui cherchent à esquiver le sujet. La difficulté qu’on a à être compris, ou à admettre qu’on a un problème. La patience salutaire des proches, mais aussi l’impact que ça peut avoir sur eux. Voilà certains des thèmes abordés par Tom King. Mais il parle aussi de la difficulté dans ces conditions à reprendre le travail et à assumer ses responsabilités. Et comme on est dans une histoire sur les Néo-Dieux, le « boulot » implique une guerre entre Néo-Génésis et Apokolips. Aussi face à la folie du conflit, le foyer et la routine du quotidien apparaissent comme des facteurs de stabilité pour Mister Miracle.
Une mise en page judicieuse et habile
La routine, traitée dans Mister Miracle comme force organisatrice, est transcrite graphiquement par l’utilisation d’un gaufrier à 9 cases sur la quasi-totalité des pages. En réalité ce choix, qui pourrait sembler rigide, favorise le rythme de lecture et devient un véritable support à la narration. En effet les auteurs de Mister Miracle s’en servent tout autant pour souligner la douceur du quotidien, montrer l’absurde répétition de la guerre, faire ressentir les hésitations des personnages ou souligner un gag. Et cela rend les scènes bien plus marquantes lorsque les artistes se libèrent de cette contrainte auto imposée. Mais c’est sans doute un impact bien différent de celui qu’imaginait Jack Kirby lorsqu’il a inventé le Quatrième Monde.
Entre respect et relecture de l’œuvre de Jack Kirby
Avec Mister Miracle, on peut sentir que Tom King et Mitch Gerads ont un profond respect pour l’œuvre de Jack Kirby. Par exemple, les costumes que portent Mister Miracle et les autres personnages sont bien plus proches de ce que dessinait le King des comics que ce qu’on a vu avec certaines itérations récentes. Darkseid perd les protections de footballer américain qu’il se traine depuis des années : il récupère ici une tenue sobre laissant parler son charisme naturel. De même le Haut-Père préfère sa barbe blanche et sa houlette à une armure accompagnée d’une masse. Ce « retour aux origines » pourrait quelque peu surprendre les lecteurs récents de DC tant certains personnages peuvent sembler différents de ce qu’on a vu ses dernières années. En fait Mister Miracle semble tellement se référer à l’œuvre de Jack Kirby qu’on en vient même à s’interroger sur la façon de l’articuler avec le reste des productions récentes sur les Néo-Dieux. Mais que les accros de la continuité se rassurent, malgré les apparences, Mister Miracle s’insère bien dans la chronologie, Tom King retombant parfaitement sur ses pieds. D’ailleurs ce retour aux origines est tout relatif. En effet, le ton intimiste et cette désacralisation de la figure du héros divin, en le confrontant aux difficultés de la vie, sont des choses assez éloignées du Quatrième Monde de Jack Kirby. C’est même quelque chose d’assez inédit avec ses personnages, bien plus habitués à la fureur des affrontements divins. Or une approche vraiment inédite est quelque chose d’assez rare pour être saluée. Ce fut d’ailleurs le cas puisque Mister Miracle a été récompensé par 2 Eisner Awards. C’est donc une histoire riche que nous livre Tom King. Mister Miracle est tout autant un hommage à l’univers créé par le « roi des comics » qu’une œuvre personnelle. Mister Miracle est un comics à part, bien différent du tout-venant super héroïque. ■
Mister Miracle est un comics publié en France chez Urban Comics.