InSEXts n’est pas à mettre entre toutes les mains, mais pour les amateurs de comics d’horreur originaux, voici un titre jouissif doublé d’un message social très réussi !
■ par Stéphane Le Troëdec
LA PISTE AUX ÉTOILES
Scénario : ★★★☆☆
Dessin : ★★★☆☆
Feeling : ★★★★☆
Londres, 1894. Lady Bertram, épouse d’un riche vicomte, est secrètement amoureuse de Mariah, une de ses domestiques. Seulement cette dernière est en réalité une étrange créature mi-humaine mi-insecte. Toutes deux rêvent d’une autre vie, d’une existence où elle pourrait vivre heureuse. Lady Bertram est rapidement contaminée par les pouvoirs de Mariah. Et cette nouvelle puissance pourrait bien être la clé pour se libérer…
Insexts : un comics militant
Avec InSEXts, Marguerite Bennett écrit un comics militant. Ce n’est pas une première : les X-Men de Marvel sont depuis longtemps une métaphore sur la place (et la souffrance) des homosexuels. Toute l’intrigue d’InSEXTs tourne autour de la défense de leurs droits. L’idée principale étant d’utiliser la métaphore du papillon : d’abord chrysalide (enfermé), il finit par déployer ses ailes pour s’envoler (se libérer). Lady Beltram et Mariah sont différentes, « monstrueux » insectes humains (mantes religieuses ?) condamnés à l’exclusion. Mais elles forment un magnifique couple comme on en voit pas si souvent dans les comics. Marguerite Bennett souligne la tendresse de leurs sentiments par la laideur du monde qui les entoure : la crasse des bordels du Londres victorien, la vulgarité des hommes, et même la bêtise d’autres femmes.
Des designs monstrueux
Ariela Kristantina, l’illustratrice d’InSEXts, a bien compris qu’elle devait particulièrement travailler les designs de ses créatures. Très vite, on est surpris par l’apparence de certains monstres. D’abord, parce que les héroïnes ne se transforment jamais de la même façon. L’illustratrice prend soin de varier les plaisirs, les métamorphoses sont toujours impressionnantes. Chaque changement voit apparaître un nouveau design, toujours réussi et étonnant.
Une intrigue originale
InSEXts se focalise sur le destin de ces deux héroïnes. Marguerite Bennett écrit injecte plusieurs éléments dans leur histoire. On passe des salons huppés de la bourgeoisie londonienne aux maisons de passe miteuses des bas-fonds crasseux. D’un côté, InSEXTs parle d’une saga « familiale » (le destin de Lady face à sa famille, sa relation avec Mariah). De l’autre, la confrontation avec une autre créature permet de développer tout un bestiaire, peut-être moins original celui-là.
Un comics d’horreur
InSEXTs parvient à un résultat assez rare dans les comics : un récit d’horreur à la fois touchant ET gore. Les scènes sanglantes abondent. Mais un peu à la manière d’un David Chronenberg au cinéma (La Mouche n’est jamais très loin), il y a une façon admirable de travailler, de sculpter les corps pour en faire des monstres en fin de compte dégoûtants et attachants. On pense évidemment aux deux héroïnes, tour à tour sublimes et abominables. On pense aussi aux corps de leurs victimes, comme cette scène d’accouchement où l’homme n’est pas vraiment dans son rôle habituel. Ou bien cette autre d’examen gynécologique qui finit en bain de sang. Particulièrement perturbant !
Un érotisme assumé et jamais racoleur
InSEXTs regorgent de scènes érotiques très explicites entre les deux héroïnes. En effet, le plaisir sexuel décuple les pouvoirs des deux femmes et déclenchent de nouvelles transformations. J’aime beaucoup ce que la dessinatrice Ariela Kristantina fait de ces passages érotiques. Il se dégage de ces planches une jolie sensualité, jamais racoleuses. C’est peut-être même une des plus belles illustrations du plaisir féminin dans la bande-dessinée. D’une justesse étonnante.
Une édition française réussie
Avec InSEXts, Snorgleux réussie une édition de qualité. Papier glacé de bonne qualité, couvertures originales, etc. Rien à envier donc aux éditeurs historiques français. Mieux même : le grand format. En choisissant une taille d’album un peu plus grande que d’habitude, Snorgleux permet de souligner les dessins réussis (quoique parfois un peu brouillon). Reste un seul bémol : le lettrage médiocre où les textes sont parfois mal répartis dans les bulles et les césures vraiment pas élégantes. Mais ce sont là les seuls défauts de cet album. ■
InSEXts, tome 1 est un comics de 160 pages écrit par Marguerite Bennett et dessiné par Ariela Kristantina. Cet album est publié en France par Snorgleux Comics au prix de 17,50 €. Les épisodes originaux (InSEXts #1-7) sont parus aux USA chez Aftershock Comics.