Le combat le plus féroce de Bullseye, au cœur d’un récit sur la violence

Après sa défaite à Coney Island, Bullseye disparaît un moment des pages de Daredevil. Il ne revient qu’au numéro #169, sous la plume et le crayon de Frank Miller, qui compte bien faire passer un message sur la nature même de Daredevil. On apprend alors que la chute de Bullseye n’était pas juste une perte de contrôle : il souffre d’une tumeur au cerveau, qui lui fait perdre pied et lui donne des hallucinations. À ce stade, il est tellement atteint qu’il voit Daredevil partout, chaque passant, chaque visage devient une cible à abattre.
Lorsqu’il retrouve Daredevil pour un affrontement au corps à corps, il est plus furieux, plus haineux que jamais. Mais derrière la rage brute de Bullseye, Miller tisse quelque chose de plus profond : une réflexion sur la place de la violence dans la vie d’un super-héros et sur la frontière morale du meurtre. Une question qui explose quand Daredevil sauve son ennemi d’un train lancé à pleine vitesse, au péril de sa propre vie. Un acte qui le hante immédiatement, puisqu’il prend sur lui la responsabilité des futures victimes de Bullseye, sans se douter à quel point cette décision va lui revenir en pleine face.
Bullseye revient après une blessure brutale, et la haine atteint son paroxysme

Entre Daredevil et Bullseye, la haine a toujours été viscérale. Mais après les événements de Daredevil #181, elle devient quelque chose d’encore plus sombre. Après avoir assassiné Elektra, Bullseye se retrouve paralysé par Daredevil, un acte de vengeance qui le cloue au lit pendant des mois. Il n’a alors qu’une seule obsession : ruminer son ressentiment et préparer sa revanche. Et quand il revient enfin, il le fait avec fracas—en massacrant Daredevil à coups de saïs, ceux-là mêmes qu’il avait plantés dans Elektra.
Tout commence dans une salle de boxe, alors que Matt ressasse son passé. Bullseye, armé, lui met la pression et crache sa rancœur : il hait Daredevil pour lui avoir laissé la vie sauve, deux fois, au nom d’une morale qu’il méprise. Mais cette fois, il change de stratégie. Pas question de le tuer. Non, Bullseye veut que Matt vive avec un poids insupportable : savoir qu’à chaque fois que l’assassin prendra une vie, ce sera parce que Daredevil l’a laissé en vie. Suffisant pour pousser Matt au bord de l’abîme, prêt à en finir une bonne fois pour toutes… avant de réaliser que Bullseye n’en vaut même pas la peine. Et qu’il ne l’a jamais valu.
Le duel ultime entre Daredevil et Bullseye : Daredevil #181

Le point médian du run de Frank Miller, c’est aussi son sommet. Un double épisode qui cristallise toute l’intensité de leur rivalité. Bullseye, fidèle à lui-même, part en chasse. Mais cette fois, son objectif est bien précis : il veut frapper Daredevil là où ça fait le plus mal. Il traque Elektra, la tue froidement et laisse son cadavre en pâture à Matt Murdock, juste pour le détruire mentalement.
Ce meurtre déclenche un affrontement à couper le souffle. Une danse de haine pure, où chaque coup porté transpire la rancœur. Pas de punchlines, juste de la rage brute. C’est l’aboutissement parfait des dilemmes moraux esquissés dans Daredevil #169, avec un clin d’œil amer à un échange de l’époque. « Tu ne tueras plus jamais », lançait Daredevil à Bullseye. Ici, il répète la même phrase… juste avant de le lâcher dans le vide. Plusieurs étages plus bas, Bullseye s’écrase, la colonne brisée. Pas un acte de justice. Pas une victoire. Juste une conclusion inévitable.
Quand Ann Nocenti a orchestré l’un des meilleurs duels entre Daredevil et Bullseye

Le run d’Ann Nocenti sur Daredevil est injustement sous-estimé. Succédant directement à Born Again, il plonge dans les conséquences du chaos absolu qui a ravagé la vie de Matt Murdock—sur le plan personnel, professionnel, et moral. Ceux qui le connaissent l’admirent, mais la plupart ne retiennent que les deux premiers tiers du run, illustrés par John Romita Jr. Dommage, parce que la suite cache une perle rare.
Matt revient à New York après une errance en mode vagabond, mais avec un petit souci : il n’a plus aucun souvenir de qui il est. Problème supplémentaire ? Un nouveau Daredevil arpente Hell’s Kitchen. Et ce n’est autre que Bullseye, affublé du costume rouge iconique. Pas question pour lui de jouer les héros—c’est juste un prétexte pour semer encore plus le chaos, façon Robin des Bois inversé. Sauf que quand Matt reprend ses esprits, il décide de retourner la folie de Bullseye contre lui. Échange des rôles : Murdock enfile le costume du tueur et joue avec son esprit. Résultat ? Un combat à la fois physique et mental, où Daredevil démonte Bullseye de l’intérieur jusqu’à le faire imploser. Un duel aussi intense que surréaliste, porté par l’écriture poétique et brute d’Ann Nocenti, qui capture à la perfection ce qui rend ces deux ennemis aussi fascinants.