Pourquoi « Batman & Robin : Année un » est bien plus qu’une origin story

Temps de lecture estimée : 5 min.

On pouvait s’en douter : quand Mark Waid et Chris Samnee annoncent qu’ils vont revisiter les débuts du duo Batman/Robin, il y a peu de chances pour que ce soit un pétard mouillé. Et pourtant, l’idée d’une “Année Un” supplémentaire avait de quoi faire lever quelques sourcils fatigués. Encore une fois ? Eh bien oui. Encore une fois. Et contre toute attente, c’est brillant. Parce qu’ici, le projet n’est pas de répéter inlassablement le passé, mais de redonner vie à un classique, avec cœur et malice. Le résultat ? Un cocktail entre respect de la tradition et fraîcheur narrative, qui donne un sacré coup de jeune à la vieille chauve-souris.

Ce premier tome de Batman & Robin : Année un compile les six premiers épisodes d’une série qui en comptera douze. Pas de traumatismes sous les projecteurs, non : l’action débute juste après la mort des parents de Robin. Dick Grayson est donc déjà Robin, Bruce est déjà Batman. L’un apprend, l’autre transmet (en râlant). Ensemble, ils s’attaquent à Double-Face et à la pègre de Gotham… et doivent apprendre à cohabiter sous le même toit. Et c’est là que réside toute la force de cette mini-série : elle ne raconte pas seulement les débuts de Batman et Robin, mais surtout ceux de Bruce et Dick.

Dick Grayson superstar

Il faut être clair : ce n’est pas Bruce Wayne qui vole la vedette ici, mais bien Robin. Dick Grayson, adolescent espiègle, joyeux, vif, insouciant (mais pas inconscient), crève littéralement les planches. Son humour, sa tendresse, ses maladresses aussi : tout le rend attachant. Et c’est justement parce qu’il n’est pas une copie miniature de Batman qu’il fonctionne aussi bien. Robin est lumineux là où Bruce reste dans l’ombre. C’est une opposition de style, mais surtout une complémentarité en devenir.

Mark Waid et Chris Samnee adorent manifestement Dick Grayson. Ils lui offrent des scènes d’action ciselées, des moments de grâce acrobatique, mais aussi des instants plus tendres, plus humains ; comme cette visite hilarante des services sociaux ou ses engueulades avec Bruce sur les devoirs pas faits. Et ça marche à fond, parce que tout sonne juste. Robin n’est pas une mascotte ou un acolyte interchangeable : il est un vrai personnage, avec sa voix, ses doutes, ses erreurs… et ses victoires aussi.

Batman & Robin : Année un, ou l’art de la narration par Samnee

L’autre star de la série, c’est bien sûr Chris Samnee. Et quel travail ! Son trait épuré, sa narration fluide, son sens élégant du découpage : tout est là, au service de l’histoire. Samnee ne cherche jamais à frimer. Il raconte. Il suggère. Il guide l’œil du lecteur avec une aisance qui ferait pâlir bien des dessinateurs. Une page d’action ? Lisible, tendue, précise. Une scène de dialogue ? Expressive, vivante, élégante. Il y a du swing là-dedans, du tempo, une chorégraphie parfaitement réglée.

Chaque épisode offre son lot de petites merveilles visuelles. La double page d’ouverture où Robin s’entraîne dans la Batcave. L’enchaînement de regards entre Bruce et Alfred dans le manoir. Les silences pesants dans le bureau du général Grimaldi. Le combat dans l’immeuble en feu. Et cette page où Bruce comprend enfin que Dick n’est pas qu’un élève, mais déjà un partenaire. Tout ça, Chris Samnee le dessine avec une justesse impressionnante, sans esbroufe, mais avec une classe folle.

Une relation père-fils au cœur de Batman & Robin : Année un

Ce qui fait la différence ici, ce n’est pas l’intrigue (assez classique à vrai dire) mais bien la relation entre les deux héros. Mark Waid ne s’attarde pas sur les grands événements ou les vilains tape-à-l’œil (Grimaldi est fonctionnel mais pas marquant), il préfère explorer les coulisses. Le quotidien. Les frictions. Les maladresses. Les efforts pour se comprendre. Et c’est précisément là que la magie opère : dans la construction de cette relation entre un adulte bourré de principes et un ado qui veut juste bien faire, à sa façon.

Le ton est juste, drôle sans être lourdingue, émouvant sans être gnangnan. Mark Waid connaît ses personnages par cœur, mais surtout, il les aime. Ça se sent. Il ne les déifie pas, il les humanise. Et si parfois, Bruce semble un peu rigide, un peu dépassé, c’est parce qu’il apprend aussi. Apprendre à être mentor, à être père, à faire confiance. Et ça, mine de rien, c’est tout sauf anodin dans un comicbook de super-héros.

Un comicbook lumineux et accessible

Batman & Robin : Année un impressionne aussi par sa légèreté. Et dans un monde où les récits de Batman sont souvent synonymes de noirceur, de violence et de dépression crasse, ça fait un bien fou. Pas de trauma en boucle, pas de catastrophe, pas de proche torturé par sa propre existence : ici, on sourit. On respire. Et on se rappelle que Gotham, c’est aussi un terrain de jeu pour des justiciers mal assortis mais complémentaires.

L’autre force du titre, c’est son accessibilité. Pas besoin d’avoir lu dix ans de continuité pour comprendre l’histoire. Waid et Samnee s’appuient sur les bases connues, mais racontent leur propre version, à leur façon. Le récit est clair, fluide, pensé pour être lu par tout le monde, sans exclure personne. Et franchement, dans une industrie trop souvent obsédée par les références et les clins d’œil, ça fait un bien fou.

Une édition française à la hauteur

Urban Comics n’a pas fait les choses à moitié avec cette VF de Batman & Robin : Année un. Grand format cartonné, dos toilé du plus bel effet, couverture en dur avec vernis sélectif sur papier mat… L’objet est superbe. Sobre, élégant, presque luxueux. On a l’impression de tenir un vrai beau livre entre les mains, ce qui colle parfaitement avec le soin apporté par les auteurs à leur récit.

Et que dire du prix ? 19 € pour 150 pages de comics somptueux, c’est franchement raisonnable. Surtout pour une édition aussi réussie. Bref, à une époque où les prix explosent, Urban fait ici le bon choix : une belle édition, un contenu de haute volée, et un tarif honnête. Que demander de plus ?




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