
Résumé de l’article
- Une enquête intime pour un Batman vieillissant et tourmenté
- Un mystère aux allures gothiques mais une résolution bien tiède
- Le duo Tom Taylor/Mikel Janín livre un récit inégal mais visuellement somptueux
- L’album Batman : Ghosts of Gotham vaut surtout pour son ambiance et sa Bat-famille

Une légende fatiguée : Batman face au poids des années
Dans Batman : Ghosts of Gotham, Tom Taylor s’attaque à un tabou peu traité dans les récits mainstream de la chauve-souris : Batman vieillit. Physiquement, moralement, et même technologiquement. Dès les premières pages, Bruce Wayne n’est plus ce playboy hyper affûté, mais un justicier grisonnant qu’un sérum miracle pourrait bien rajeunir. L’idée est bonne, le traitement plus inégal. Car si cette thématique ouvre sur de belles scènes (notamment avec Superman), elle reste souvent survolée, comme si l’univers DC craignait d’assumer un Batman trop humain.
Ce vieillissement, Tom Taylor le relie habilement à l’héritage familial de Bruce. Le sous-titre « Clémence et châtiment » n’est pas là par hasard : tout tourne autour des choix moraux de Thomas Wayne, notamment ce jour où il a sauvé un criminel nommé Joe Chill. Oui, celui-là même qui deviendra le célèbre meurtrier de la famille Wayne. Le récit tisse donc un fil rouge très personnel, presque biblique, entre le passé et le présent… mais avec un effet à retardement. Pendant qu’on nous parle de transmission et de morale, l’intrigue avance en pointillés, comme si elle hésitait entre introspection et thriller gothique.

Une ennemie vampirique… ou presque
On nous la promettait mystérieuse, envoûtante et impitoyable : Asema, la nouvelle antagoniste de Batman : Ghosts of Gotham, commence en fanfare… avant de se transformer en arrière-plan flou. Inspirée du folklore sud-américain, cette « sorcière vampirique » tue des jeunes délinquants et aurait des liens obscurs avec Thomas Wayne. Le problème ? Elle devient vite prévisible. Dès le troisième épisode, on sent venir la révélation à cent kilomètres, tant les personnages introduits sont peu nombreux et leurs motivations prévisibles.
Et quand enfin Asema tombe le masque, c’est pour révéler une vengeance familiale tout ce qu’il y a de plus classique. Le twist final, censé secouer les fondations de Bruce, n’a ni le panache d’un Silence, ni le malaise d’un Killing Joke. Le parallèle entre la justice de Batman et les meurtres d’Asema est trop scolaire, trop appuyé pour vraiment bousculer. Dommage : avec un peu plus d’ambiguïté ou une relation plus intime entre Bruce et son ennemie, le choc aurait pu être réel.

Un album pour les amoureux de la Bat-Famille
Heureusement, Batman : Ghosts of Gotham ne se résume pas à son méchant un peu tiède. Car l’autre grande réussite de l’arc, c’est la place accordée à la Bat-Famille. Oracle, Red Hood, Batgirl, Signal, Robin… tout le monde vient prêter main forte au vieux Bruce dans une mission de protection des jeunes de Gotham. L’épisode 1093 brille particulièrement sur ce point, offrant une vraie mise en scène de groupe, dynamique et cohérente. Mikel Janín s’en donne à cœur joie pour composer des planches pleines de style.
Cette Bat-Famille élargie n’est pas là que pour faire joli : elle incarne une relève silencieuse, mais bien présente. Damian Wayne, en infiltration dans un centre pour mineurs, renforce aussi l’aspect « détective » du titre. On revient à du Batman plus modeste, plus humain, où chaque vie sauvée compte. Même si l’intrigue piétine par moment, ces respirations offrent un vrai contrepoids aux flashbacks parfois répétitifs sur les Wayne.

Un album qui brille… grâce à son dessinateur
S’il y a bien un point sur lequel tout le monde s’accordera, c’est que Batman : Ghosts of Gotham est une réussite visuelle. Mikel Janín réalise ici certains de ses plus beaux travaux depuis Batman Rebirth. Son trait est à la fois élégant, expressif et tranchant. Et ses jeux de couleurs, rouges vifs, bleus glacés, violets saturés, donnent à sa Gotham une ambiance mi-néon, mi-sépulcrale, parfaitement adaptée à l’histoire.
L’artiste alterne plans larges cinématographiques et gros plans intimistes avec une maîtrise bluffante. Même quand le scénario patine, on reste pour les images. La scène de l’attaque du repère du Pinguoin, les pages oniriques avec la Batmobile ou les séquences dans le manoir Wayne rappellent que Mikel Janín peut, à lui seul, élever un récit. Une qualité qui rend Batman : Ghosts of Gotham hautement recommandable pour les amateurs de comics bien dessinés.

Une conclusion en eau tiède pour Batman : Ghosts of Gotham
Le dernier épisode, pourtant censé apporter la catharsis de cette histoire, se contente d’un final convenu. La révélation de l’identité d’Asema n’a rien de bouleversant, et l’affrontement final reste trop sage pour marquer durablement. Pire, la symbolique autour de la vengeance, du pardon et de la transmission tombe un peu à plat, tant elle reprend des thématiques déjà vues,et mieux traitées, ailleurs dans la mythologie de Batman.
Ce n’est pas mauvais, loin de là. Mais avec une telle proposition (le passé des Wayne ! le dilemme moral ! une ennemie tragique !), Batman : Ghosts of Gotham aurait pu être une bombe émotionnelle, il reste un bel exercice de style, un peu trop prudent. Un récit complet que les néophytes peuvent tenter et un bon cru pour les esthètes à condition de ne pas en attendre des merveilles côté scénario.

Batman : Ghosts of Gotham, tome 1 est un comics publié en France par Urban Comics. Il contient : Detective Comics #1090 à 1096.