American Flagg ! : Grandeur et décadence de l’amé-F-rique

American Flagg, un blockbuster de papier

Puissant, bourré d’action, débordant de testostérone et de personnages féminins hot et sexy l’American Flagg ! d’Howard Chaykin s’inscrit parfaitement dans les blockbusters haut de gamme qui ont fait le succès du cinéma d’action des années 80. D’ailleurs son Reuben Flagg possède la classe d’un James Bond mâtiné du sourire charmeur d’un Tom Cruise, à l’époque débutant. Les positions prisent par son personnage principal renvoie à Indiana Jones. Cette approche cinématographique est intéressante à plus d’un point. Déjà on sent les influences d’Howard Chaykin mais ce n’est pas comme la confiture, il ne les étale pas. Il s’en sert, mais sans abus. On est en plein culture pop qui, par définition, se définit par des influences multiples et revendiqués. Puis vient le storytelling, l’art séquentiel. Là encore, Howard Chaykin puise dans des images marquantes que le cinéma. On voit qu’il a été marqué par l’émergence des blockbusters depuis la fin des années 70. Il s’en inspire en puisant dans le meilleur des scènes qui déménagent pour construire son récit. On a parlé de Robocop citons également Judge Dredd et la vague anglaise 2001AD.

 

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(image © Urban Comics, Image Comics)

 

Sexe et violence

Dans American Flagg !, Howard Chaykin, peut être trop en avance sur son temps ou manquant de réelle maitrise dans l’écriture, tend à surcharger son script. Ses personnages sont à la limite de la caricature et manque de finesse dans leurs caractérisations. À la fois nous ne sommes pas non plus dans la lecture d’un conte de fée. Mais cela créée une distance avec le lecteur notamment dans l’empathie que l’on peut avoir envers les personnages, Reuben Flagg le héros de la série inclus. Marotte de Howard Chaykin, on peut une nouvelle fois écrire que trop de sexe tue le sexe, que trop de violence masque la violence ou bien que trop de what a fuck entraine une overdose de what a fuck. Ces problèmes d’équilibre se retrouvent dans ton donné outrancier voire vulgaire pas forcément à bon escient. Et parfois la lassitude pointe son nez quand ce n’est pas de l’incompréhension de la part du lecteur. Pourtant Howard Chaykin prévient avec un conseil de lecture fort avisé, s’éloignant de la lecture mainstream inondant le marché d’alors : il faut lire chaque épisode d’American Flagg ! une seule fois, mais il faut le lire lentement parce qu’en parallèle de l’action, l’arrière-plan permet d’aborder des problématiques sociales et politiques.

 

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(image © Urban Comics, Image Comics)

 

Graphiquement au top 40 ans après

Même près de 40 ans après American Flagg ! impressionne encore sur sa partie graphique. Je ne fais pas partie de ceux qui apprécie particulièrement le style d’Howard Chaykin, encore moins ses dernières productions. Au contraire, la mention de son nom dans les crédits aurait plutôt tendance à me faire fuir. Même combat quand il officie en tant que scénariste. Pourtant je dois reconnaitre avoir été admiratif, soufflé même, devant les différentes planches composant ces épisodes d’American Flagg ! Les compositions de pages passent pour très modernes, encore de nos jours. Elles sont à chaque fois très lisibles dans la lignée de ce qu’un Neal Adams (X-Men, Batman) ou un Gene Colan (Daredevil, Tom of Dracula) ont pu produire. Ces compositions s’inscrivent également dans ce parallèle évoqué avec le grand écran présentant un effet cinématographique évident. Howard Chaykin utilise par exemple des bandes verticales ou déstructurées pour construire le mouvement. Il varie également le nombre de cases : d’élevé si passage descriptif ou introspectif à faible lors de scène d’action, gros plan ou fin d’épisode. À signaler qu’Urban Comics propose l’édition remastérisée avec un travail de qualité sur la mise en couleurs, ne pouvant que satisfaire le lectorat actuel.

 

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(image © Urban Comics, Image Comics)

 

Des zip, shebam, pow, blop, wizz !

Enfin, avec cette édition d’American Flagg ! comment ne pas évoquer le travail du lettreur Ken Bruzenak. Le lettrage fait complètement partie de l’expérience de lecture. C’est une bande sonore graphique qui résonne dans chaque planche. Les diverses onomatopées épousent et accompagnent l’action : le son strident en E d’une moto, la chute de Reuben dans les airs, le son des balles en arrière-plan qui tapisse une case en guise de décors… Un véritable travail d’artiste pour une immersion encore plus complète. American Flagg ! est un comics exigeant et complexe mais surtout un récit blockbuster de science-fiction haut de gamme. À lire pour améliorer à sa connaissance de l’histoire du comics. ■

 

American Flagg ! est un comics publié en France par Urban Comics. Il comprend les numéros 1 à 14 de la série American Flagg ! ainsi que le récit « I Want my Empty V ».