Un pacte avec le dieu des comics : Will Eisner ! [critique]

Un pacte avec le dieu des comics : Will Eisner ! [critique]

Il est des hommes qui marquent leur temps et leur art et Will Eisner est l’un de ces hommes. Plongeons dans une des œuvres les plus intimes, les plus poignantes de ce génie.
■ par Dragnir

Un pacte avec le dieu des comics : Will Eisner ! [critique]
(image © W.W. Norton & Company)

Dans un immeuble de New York

Au travers des 4 récits d’Un Pacte avec Dieu, l’auteur nous replonge dans le quartier du Bronx des années 30 et plus particulièrement sur un immeuble où règne la pauvreté. On se penche tout d’abord sur le destin de Frimme Hersh, un saint homme qui est enfant envoyé par les gens de son village en Amérique pour le sauver des purges en Russie. Au cours de son exode, l’enfant grave sur une pierre son vœu de servir Dieu tant que celui-ci continuera à le protéger. L’enfant devient un homme reconnu par sa communauté et un membre éminent d’une synagogue new-yorkaise. Un soir, il découvre un couffin sur le pas de sa porte et se fait un devoir d’adopter la petite fille qu’il nomme Rachèle en hommage à sa propre mère. S’ensuivent des années de bonheur et Frimme remercie Dieu chaque jour d’avoir fait de lui un père heureux et comblé. Mais la mort vient à emporter son enfant chéri !

 

Un pacte avec le dieu des comics : Will Eisner ! [critique]
(image © W.W. Norton & Company)

De la pure émotion

Avec Un Pacte avec Dieu, j’ai pleuré, j’ai ri, j’ai frissonné, j’ai serré les dents, je me suis senti serein, j’ai été en colère et tant d’autres émotions à la lecture de ce qu’il faut bien appeler un chef-d’œuvre. Voyez-vous, il y a des œuvres qui vous divertissent et celles qui vous font vivre une expérience hors du commun et Un pacte avec Dieu est l’une de ces dernières. Le grand Will Eisner nous parle de la vie, de l’humain avec ses zones d’ombre ou de son infinie bonté. Par ces tranches de vie, l’auteur explore les mystères de sa propre enfance durant la Grande Dépression et brosse des portraits sans concessions de personnages tellement humains, tellement attachants. Cela pourrait être dans n’importe quelle grande ville du monde, à n’importe quelle époque et chaque lecteur s’y retrouvera ou reconnaîtra un des siens. C’est le propre de l’art de M. Eisner d’être intemporel et de dépeindre le quotidien comme une aventure bouleversante, aujourd’hui comme hier.

 

Un pacte avec le dieu des comics : Will Eisner ! [critique]
(image © W.W. Norton & Company)

Un « Eisner » ça n’a pas de prix

Dans Un Pacte avec Dieu, l’artiste nous parle de nous, nous parle de lui. Chaque histoire est un reflet, dans le récit éponyme brièvement résumé au-dessus, c’est la tristesse d’un père qui lui fait perdre ces repères à l’instar de ce que Will Eisner a vécu lui-même en perdant sa propre fille emportée par la maladie. Un Pacte avec Dieu a été pour lui un exorcisme, une façon de faire son deuil en même temps qu’un hommage. Voilà pourquoi c’est bien une œuvre d’art : l’artiste y a mis son cœur et son âme ! Ce n’est pas une petite histoire pour vous divertir mais un homme qui met à nu son passé, ses douleurs mais aussi ses espoirs. Que ce soit au travers de la vie misérable d’un concierge esseulé et pervers, de l’existence hasardeuse d’un chanteur de rue ou même des émois de la découverte de l’amour, on est submergé par des émotions incontrôlables qui nous sont racontées par l’image autant que par le texte. Car oui, n’en doutons pas, le maître excelle dans la dimension graphique de son œuvre et chaque dessin est calculé au millimètre, chaque expression faciale fait mouche, chaque décor est un personnage à part entière.
Pas étonnant donc que la récompense la plus prestigieuse du métier soit le « Prix Eisner » car c’est bien à un Mozart du comics auquel nous avons affaire. « Un Pacte avec Dieu » devrait être déclaré d’utilité publique tant sa lecture vous rend plus humain. ■

 

Un Pacte avec Dieu est un comics de 128 pages écrit et dessiné par Will Eisner. Cet album est publié en France par Delcourt au prix de 16,50 €. Les épisodes originaux sont parus aux USA chez Dark Horse.

 




A propos Dragnir 45 Articles
Dragnir , c'est 120 kilos d'amour des comics ! Lecteur depuis plus de 40 ans, il est désormais muni d'un cal au pouce de plus de 9 cm a force de tourner les pages des comics indépendants voire underground US ou UK dont il s'est fait une spécialité.