The One Hand & The Six Fingers, tome 2 : une enquête à tiroirs qui rend fou (dans le bon sens du terme) [critique]

Temps de lecture estimée : 4 min.

On avait déjà repéré The One Hand et The Six Fingers comme une expérience narrative ambitieuse, une sorte de puzzle géant où chaque pièce s’imbrique avec l’autre sans qu’on comprenne tout de suite le motif final. Avec ce second volume, qui regroupe les numéros 2 des deux séries, on plonge encore plus profond dans l’abîme. Ram V et Dan Watters continuent de tricoter leur polar labyrinthique, en jouant avec les nerfs du lecteur et en brouillant encore un peu plus la frontière entre le réel et la paranoïa.

Un concept narratif qui met à l’épreuve ton cerveau (et tes nerfs)

Le principe est toujours aussi malin : The One Hand suit le point de vue du détective Ari Nasser, un flic qui aurait mérité la retraite mais qui s’accroche à une enquête comme un chien à son os. De l’autre, The Six Fingers nous met dans la tête de Johannes, un homme traqué, perçu comme un meurtrier, mais dont l’histoire nous laisse à penser qu’il pourrait être la véritable victime.

Et là où ça devient franchement tordu, c’est que chaque issue répond à l’autre. Une scène qu’on voit dans The One Hand prend une autre tournure quand on la découvre sous un nouvel angle dans The Six Fingers. Autant dire que si tu veux juste lire un seul des deux titres, oublie, ce serait comme regarder Memento en accéléré et sans le son.

Un polar désabusé qui flirte avec le cauchemar

Dans The One Hand #2, on retrouve ce cher Nasser, toujours plus fatigué, toujours plus enfermé dans cette ville qui ne lui offre aucune échappatoire. Ça s’ouvre sur un type qui brûle vif, sans que personne ne lève le petit doigt. Ambiance. L’enquête avance, mais en mode détective, c’est-à-dire qu’on passe autant de temps à errer dans la paperasse qu’à interroger des suspects douteux. Et pourtant, la tension est là, palpable, poisseuse. Nasser a cette sensation d’avoir enfermé le mauvais type, et l’histoire commence à l’engloutir tout entier.

Graphiquement, Laurence Campbell et Lee Loughridge livrent un travail d’orfèvre : le noir domine, les contrastes sont saisissants, et la lumière éclaire les visages comme une lame de scalpel. C’est froid, c’est clinique, et ça marche du tonnerre. Mention spéciale au lettrage d’Aditya Bidikar, qui ajoute une texture presque hantée au récit.

Un tueur, ou un simple pion ?

Pendant ce temps, The Six Fingers #2 nous emmène du côté de Johannes, et ça ne s’arrange pas. Si le premier numéro nous faisait douter de sa culpabilité, celui-ci nous embrouille encore plus. Il a des trous de mémoire, il se retrouve dans des lieux sans savoir comment il y est arrivé, et on commence à se demander s’il est le maître de son destin ou juste un pauvre type manipulé par des forces qui le dépassent.

Là où The One Hand joue la carte du polar sombre à la Seven, The Six Fingers flirte avec le thriller paranoïaque à la Memento, avec une petite couche de science-fiction en prime. L’univers se précise : on nous tease des mutations, une technologie omniprésente, et un monde où la frontière entre l’homme et la machine semble de plus en plus floue. C’est subtil, mais suffisant pour donner une saveur unique à l’ensemble.

Visuellement, Sumit Kumar et Lee Loughridge apportent un style plus tranché, avec des compositions plus dynamiques et un travail impressionnant sur les doubles pages. Et là encore, les références entre les deux séries fusent : un décor qu’on voit du point de vue de Nasser se retrouve sous un autre angle chez Johannes, et soudain, on percute que tout ça fait partie d’un engrenage plus grand.

Un thriller captivant qui joue avec nos nerfs

Ce tome 2 ne donne pas encore toutes les réponses, mais il maintient l’effet d’hypnose. On est coincé entre ces deux récits, essayant de raccorder les fils, sans jamais être sûr de qui manipule qui. Et c’est justement là la force du projet : il nous plonge dans la même confusion que ses protagonistes.

Alors oui, ça demande de l’attention, et parfois on a envie de secouer les auteurs pour qu’ils nous lâchent enfin une révélation claire. Mais en attendant, on est ferré, pris au piège de cette enquête tentaculaire. Une lecture exigeante, immersive et visuellement bluffante.

The One Hand & The 6 Six Fingers, tome 1 est un comics de 72 pages publiés en France par Urban Comics. Il contient : The One Hand # 1 et The Six Fingers #1




A propos Stéphane 722 Articles
Stéphane Le Troëdec est spécialiste des comics, traducteur et conférencier. En 2015, il s'occupe de la rubrique BD du Salon Littéraire. Ses autres hobbys sont le cinéma fantastique et les jeux. Enfin, et c'est le plus important : son chiffre porte-bonheur est le cinq, sa couleur préférée le bleu, et il n’aime pas les chats.