
Le premier tome de Superman Dark Prophecy, c’est un peu comme quand on ouvre un tiroir fourre-tout chez ses parents : il y a un peu de tout, ça déborde de souvenirs, et parfois on tombe sur un truc vraiment cool. Joshua Williamson balance son Superman dans une suite directe de l’événement Absolute Power, et plutôt que de se contenter de gérer les conséquences, il décide de tout relancer à fond les turbines. Résultat ? Un récit dense, bourré de concepts intéressants, de bastons XXL, de tensions conjugales (superpuissantes, littéralement) et de clins d’œil à la continuité DC.
Et pourtant, ça tient debout. Parce qu’il y a une idée directrice : comment continuer à être Superman quand tout ce qui faisait de vous un roc vacille ? Doomsday revient (encore), mais cette fois dans une version remaniée ; Lois devient Superwoman ; Lex joue les directeurs romantiques ; et Metropolis est menacée un jour sur deux. Ce n’est pas de la retenue, c’est du blockbuster décomplexé, avec ce petit truc en plus : une vraie tentative de creuser les relations humaines. Oui, même quand ça explose toutes les trois pages.

Un couple au centre du chaos (et c’est plutôt une bonne idée)
Dans Superman Dark Prophecy, la meilleure idée n’est ni Doomsday qui parle, ni les vaisseaux aliens suspendus au-dessus de Metropolis, ni même cette baston digne de Dragon Ball Z sur fond de pluie kryptonienne. Non, c’est Lois Lane. Une Lois qui a les pouvoirs de son mari, qui enfile un costume et qui décide de ne plus rester sur la touche. Ce changement de dynamique propulse leur relation dans une nouvelle dimension : fini le cliché du super-héros et de la journaliste en détresse, place à un couple de dieux volants qui essayent de se comprendre.
C’est d’ailleurs là que Joshua Williamson est le plus fin : dans les scènes où l’on pose la cape pour discuter. Clark qui avoue qu’il a peur pour Lois, Lois qui avoue qu’elle ne sait pas gérer ce pouvoir sans devenir arrogante… Ce n’est pas révolutionnaire, mais c’est sincère. Et franchement, dans un récit où un chevalier cosmique lumineux nommé Radiant menace la Terre de destruction totale, c’est ce genre de respiration qui permet au lecteur de ne pas s’asphyxier dans le spectacle. L’émotion, ici, n’est pas un effet secondaire.

Un récit qui en fait (parfois) un peu trop
Mais voilà : à force de vouloir tout caser, Superman Dark Prophecy déborde un peu de partout. En six épisodes, on a : le retour de Doomsday, le mystère du Piégeur temporel, une armée spatiale nommée le Contrecoup, une sous-intrigue romantique avec Lex et Mercy, le dilemme moral du meurtre préventif, une pause amoureuse à Gemworld, un retour de Supercorp, un futur alternatif inquiétant, une baston de la Justice League, un cliffhanger cosmique… C’est généreux, certes. Mais parfois, un peu trop.
On sent que Joshua Williamson veut poser les fondations de quelque chose d’énorme, sans prendre le temps de souffler. Résultat : certains fils narratifs sont à peine amorcés qu’ils sont déjà remplacés par un autre twist. L’épisode 23, notamment, frôle l’indigestion tant il aligne les pistes pour le futur. On ne dit pas non à la densité narrative, mais un petit tri dans les intrigues secondaires n’aurait pas fait de mal. Parfois, pour faire monter la tension, il faut accepter de ne pas jouer toutes ses cartes en même temps.

Superman Dark Prophecy : le show visuel qu’on attendait
Graphiquement, c’est un régal. Dan Mora (puis Eddy Barrows et Eber Ferreira en renfort sur la fin) livre des planches bourrées d’énergie, avec ce sens du cadrage qui transforme chaque splash page en affiche de film. Dan Mora a une capacité rare à combiner lisibilité, intensité et détails qui claquent – et c’est tant mieux, parce que Joshua Williamson lui en demande beaucoup : des batailles dans l’espace-temps, des vaisseaux géants, des visions d’apocalypse, et même un Superman qui entre en “rage mode” façon shonen. Du grand art.
Alejandro Sanchez complète le tableau avec une colorisation intelligente, qui souligne les émotions sans jamais surcharger. Le Superman aux yeux rouges, les flammes qui encerclent Metropolis, les éclats violets du Piégeur temporel… Chaque séquence a une ambiance propre, immédiatement reconnaissable. Et même quand Dan Mora passe la main, la cohérence visuelle reste solide.

Verdict : Superman Dark Prophecy vaut-il le détour ?
Oui, mille fois oui. Superman Dark Prophecy n’est pas parfait, mais il coche beaucoup de cases pour les amateurs de récits ambitieux et généreux. C’est un tome 1 qui a des tripes, qui n’a pas peur de bousculer les codes, de donner une vraie place à Lois, de faire parler Doomsday, et même de tester la moralité du Boy Scout de Krypton. Il y a des ratés, des moments où ça sature, mais c’est un projet qui a une vision, et ça, dans les comics mainstream, c’est loin d’être systématique en ce moment (surtout chez Marvel).
On referme ce premier tome avec une impression d’abondance, parfois de trop-plein, mais aussi avec une vraie curiosité pour la suite. Superman n’a jamais été aussi moderne, aussi complexe, aussi humain, paradoxalement. Et si cette Dark Prophecy tient ses promesses dans les prochains épisodes, on pourrait bien tenir là un très bon run de l’Homme d’Acier. À suivre de très près…

Superman : Dark Prophecy tome 1 est un comics publié en France par Urban Comics. Il contient : SUPERMAN #19 à 24, SUPERMAN : LEX LUTHOR SPECIAL #1 et SUPERWOMAN SPECIAL #1