Generation Gone : que feriez-vous de vos superpouvoirs ? [avis]

(image © Image Comics)

Les formules de pitch ne manquent pas pour décrire Generation Gone :« Skins rencontre Incassable » ou « Misfits meets Chronicle » ! Mais, au-delà des ressemblances avec les films ou les séries, que vaut Generation Gone ? Publié en France chez Hi Comics, Generation Gone est un OVNI dans les travaux d’Aleš Kot.
■ par JB

 

Elena, Baldwin et Nick sont 3 adolescents meurtris par la vie. Ils s’apprêtent à hacker la « Bank of America ». Pour s’entrainer, ils infiltrent le site de la DARPA, l’Agence de Recherche du Ministère de la Défense des États Unis. Lors d’une attaque sur le réseau de cette agence, ils attirent à leur insu l’attention d’Aiko, génie qui a le projet fou de transformer des cobayes humains en surhommes. Lors d’une manifestation brutalement réprimée par les forces de l’ordre, les 3 amis utilisent leurs nouveaux pouvoirs. Du coup, ils sont bientôt recherchés par l’armée américaine.

 

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Un parti-pris intimiste

J’ai découvert Aleš Kot chez Marvel, dans des Secret Avengers très déjantés et une série Bucky Barnes elle aussi très perchée, faisant la part belle aux trouvailles graphiques. Generation Gone est aux antipodes de ces 2 tendances. L’écriture est intimiste et le trait d’André Lima Araujo minimaliste. En effet la narration reste centrée sur 6 personnages : les 3 jeunes héros, la mère d’Elena, Aiko et son supérieur, le général West. De même, Aleš Kot privilégie les mises en scène épurées. Cela rend d’ailleurs les explosions de violence ou d’action beaucoup plus marquantes dans le récit. Le lecteur qui souhaitera retrouver les délires de Kot en sera donc pour ses frais. Pour autant, cette approche effacée colle avec l’histoire d’une part, mais aussi avec la protagoniste principale, Elena.

 

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Des personnages plus subtils qu’ils ne le semblent

Les 1res pages de Generation Gone semblent brosser un portrait des personnages : Elena, prise dans une relation abusive avec Nick, est timide et cède souvent aux caprices de son compagnon. Celui-ci est arrogant, sûr de son destin. Baldwin a une assurance plus posée et est le cerveau de l’équipe. Cependant, au fil du récit, ces personnalités s’avèrent plus fluctuante : Elena a dû gagner rapidement en maturité pour veiller aux soin de sa mère atteinte d’un cancer. Baldwin cache d’autres sentiments pour Elena et perd très rapidement le contrôle du trio. Nick commet des erreurs et perd de sa superbe. Toujours dans une économie de moyens, Aleš Kot et André Lima Araujo retracent le vécu de ces adolescents par des cases sans paroles, où l’on suit leur quotidien : un job médiocre pour Elena, la chambre et les photos d’un frère disparu pour Nick et des affiches de Mohamed Ali et Malcolm X pour Baldwin. Ils feront de même pour la tragédie personnelle du General West et ne s’autoriseront un flashback que pour un cauchemar d’Aiko, justifié car il est l’élément déclencheur de l’intrigue de Generation Gone.

 

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Un retournement des clichés du genre

Ce que je trouve intéressant dans Generation Gone, c’est le jeu avec les clichés. Les comics ont déjà présenté des histoires similaires, telles que les séries comics et TV Runaways par exemple. À mon sens, Aleš Kot ne cède pas à la caricature : le General West est plus subtil qu’un « Thunderbolt Ross » s’acharnant contre Hulk et se montre compréhensif envers les ados qu’il traque et fataliste envers l’état du monde. Aïko se voit comme un libérateur d’une jeunesse opprimée mais la rencontre du scientifique avec ses créatures donne un angle plus sombre à ses agissements. Dans Generation Gone, le triangle amoureux en prend également un coup lors d’une scène qui marque la cassure du groupe : le cliché de l’ami amoureux en secret aura rarement paru aussi sexiste.

 

(image © Image Comics)

 

Des visions du monde qui s’affrontent

Dans Generation Gone, c’est finalement la confrontation de plusieurs visions du monde qui est au centre du récit. Peu avant d’obtenir leurs pouvoirs, ils parlent des rêves qu’ils réaliseront avec le butin du vol. L’un souhaite la justice sociale, un autre améliorer son quotidien, le dernier poursuivre sa satisfaction personnelle. En devenant des surhommes plutôt que des millionnaires, ils ne font finalement qu’obtenir un autre moyen de réaliser leurs objectifs qui s’avèrent très rapidement contradictoires. Détruire, intégrer ou changer le système, c’est finalement l’enjeu qui va porter les personnages. La fin de ce 1er arc de Generation Gone promet en revanche des conséquences plus globales et une suite d’une ampleur épique. ■

(image © Image Comics, Hi Comics)




A propos JB 198 Articles
Lecteur de comics depuis 30 ans, pinailleur Marvel, râleur DC et nostalgique des séries Valiant des années 90.