Blood Hunt, c’est un peu l’équivalent de ce paquet de bonbons qu’on achète machinalement à la caisse du supermarché. On sait qu’on n’en a pas besoin, on sait que ça n’aura pas de conséquences (si ce n’est un pic de sucre temporaire), mais on finit quand même par craquer. Et avec Jed MacKay au scénario et Pepe Larraz aux pinceaux, le marketing de Marvel parvient à faire passer cette mini-série de cinq épisodes pour un événement. Pourtant, sous le vernis brillant, difficile de ne pas voir la supercherie. On fait le point sur le premier tome, qui contient les deux premiers épisodes et une poignée de tie-in.
Des super-vampires dans un scénario resucé
L’histoire ? Un énième cataclysme mondial : des vampires surgissent après qu’une nuit éternelle s’est abattue sur le monde. Les Avengers sont dépassés tandis que Blade, en VRP de l’horreur, rend visite à Dr Strange et Clea pour filer des infos cruciales. Le tout s’emballe avec une série de bastons où tout explose, mais où l’intrigue stagne comme une flaque de sang.
Le problème ? Blood Hunt ne prétend même pas réinventer la roue. Le cliffhanger du premier épisode est prévisible à des kilomètres, et l’intrigue avance si lentement que même un zombie pourrait la rattraper en marchant. Pire, tout cela semble… creux. Pas de retombées attendues, aucune répercussion dans l’univers Marvel. Bref, c’est de l’event sans ambition, sans perspective.
La formule “Red Band” : du sang vermillon en version collector
Ah, mais Marvel a trouvé l’idée du siècle pour vendre cette soupe : chaque épisode existe en deux versions. La version classique, et la version « Red Band », soi-disant non censurée, où les pages s’habillent de tripes et d’hémoglobine. En pratique ? Une violence racoleuse à la limite du ridicule. Dr Strange, dans la version standard, est blessé. Dans la version « Red Band » ? Ses entrailles sont littéralement en mode spaghetti bolognaise. Est-ce que ça rend l’histoire meilleure ? Absolument pas.
Le tout est une vitrine d’une hypocrisie bien américaine : éclatez les méchants, mais surtout ne montrez pas un décolleté. Disney oblige, il faut bien maintenir les apparences tout en racolant les lecteurs avec un “ça va saigner !”. En France, Panini propose la version « Red Band » uniquement avec le collector de Blood Hunt. Et vu l’intérêt, on va dire que c’est tant mieux.
Pepe Larraz a les crocs
Le vrai drame de Blood Hunt, c’est de voir le dessinateur Pepe Larraz cantonné à ce genre de projets. Ses planches sont sublimes, dynamiques, iconiques. Que ce soit dans des scènes d’action ou des moments plus posés, Pepe Larraz réussit à insuffler de la grandeur à une intrigue qui n’en a aucune. Pourtant, l’artiste semble désormais condamné à illustrer des mini-séries événementielles, sans jamais pouvoir briller sur des projets de fond.
Quand on voit ce talent gaspillé sur des pages où il doit dessiner deux fois la même scène – version “normal” et version “Red Band” – on ne peut qu’avoir de la peine. Marvel exploite son travail, le double, et encaisse les chèques. Lui mérite bien mieux que cette soupe de super-vampires.
Marvel, où sont tes architectes ?
Ce qui manque cruellement à Blood Hunt, c’est une vision. Jadis, les grands events Marvel comme Secret Invasion ou Civil War naissaient d’un travail éditorial rigoureux, préparé sur plusieurs séries par des scénaristes stars comme Bendis, Millar ou Hickman. Aujourd’hui ? Les events sortent de nulle part, sans lien avec les intrigues en cours dans les séries principales. Les menaces s’empilent sans fil rouge. L’absence de continuité est flagrante, tout comme celle d’une figure forte pour orchestrer l’ensemble.
DC, au moins, a une stratégie. Amanda Waller, par exemple, est devenue le fil conducteur de plusieurs événements, culminant dans Absolute Power. Chez Marvel ? C’est chacun pour soi, et tant pis si les héros affrontent des menaces contradictoires dans leurs séries respectives.
Les tie-in de ce premier numéro
X-Men : Blood Hunt est comme une boîte de chocolats trop variés : y’en a qui séduisent, mais l’ensemble manque de cohérence. Ce recueil de mini-séries et one-shots vampiriques donne à Jubilee, Magik et Wolverine des instants intéressants, mais tout semble dispersé, sans fil rouge clair. Le carnage visuel, bien que parfois impressionnant, est aussi inégal que les récits eux-mêmes. Fans acharnés de Blood Hunt, pourquoi pas. Mais pour les autres ?
Dans Dracula : Blood Hunt 1, Dracula débarque à Atlanta, prêt à affronter Brielle Brooks, la fille de Blade. Cet épisode plonge immédiatement dans des combats spectaculaires, avec une alliance surprenante entre Brielle et Dracula. Peu de développement narratif, mais un plaisir coupable pour les amateurs de bastons vampiriques élégamment mises en scène.
Strange Academy : Blood Hunt 1 plonge les étudiants dans la guerre vampirique. L’ajout de Pia, une jeune vampire héroïque, enrichit l’intrigue. Avec une écriture percutante et un dessin sympathique, cet épisode s’avère sympathique.
Avec trois récits captivants, Blood Hunters 3 brille par son mélange de tension, d’horreur et de surprises. De Doctor Doom prouvant sa loyauté à Latveria à une rencontre étrange avec Hellcow, en passant par une équipe explosive avec Elsa Bloodstone, Dagger et Yelena Belova, chaque histoire enrichit l’univers Blood Hunt. Une réussite visuelle et narrative.
Faut-il lire Blood Hunt ?
Soyons honnêtes : si vous aimez les beaux dessins et que vous ne cherchez rien de plus qu’un divertissement basique et explosif sur une thématique vampirique, Blood Hunt fera le job. Mais si vous espérez un événement marquant, qui chamboule l’univers Marvel ou propose une intrigue finement ficelée, passez votre chemin. C’est joli, certes, mais ça n’a aucune substance.
En bref : gardez vos sous. Même en version « Red Band », ça ne vaut pas le détour. Prenez un bon comics classique, ou économisez pour un titre qui respecte vraiment son lecteur.