Swamp Thing : la Créature du marais par Len Wein et Berni Wrightson [avis]

swamp thing
(image © DC Comics)

Le Swamp Thing d’Alan Moore, c’est souvent « l’arbre qui cache la forêt »… Plus précisément, celui qui occulte les 1res pousses plantées par les créateurs de la Créature du marais. Et, pourtant, à la fois touchants et gothiques, les épisodes de Len Wein et Berni Wrightson ne manquent pas de qualités !
■ par Stéphane Le Troëdec

 

swamp thing
(image © DC Comics)

 

Nous sommes au début des années 70 et la censure américaine relâche son emprise sur l’industrie des comics. DC Comics publie alors House of Secrets, une anthologie de récits d’épouvante. C’est dans le n°92 que Len Wein et Berni Wrightson imagine une histoire poignante. « La Créature du Marais » est un récit assez classique d’horreur gothique. Au XIXe siècle, Alex Olsen est un savant que son meilleur ami tente d’assassiner pour lui piquer son épouse. Il cache le cadavre d’Olsen dans le marais voisin, ignorant que le corps va se transformer en créature monstrueuse : un humanoïde mélange de mousse, de racines, de fonge et de boue. Bien entendu, la créature va revenir pour se venger… Et là, il se passe quelque chose d’inattendu : « La Créature du Marais » devient un grand succès populaire. DC Comics décide alors de surfer sur ce succès et commande une suite aux auteurs. Sauf que Len Wein et Berni Wrightson ne l’entendent pas ainsi. Pour eux, il n’y a pas matière à faire une suite. Un compromis est trouvé avec DC Comics : ils ne vont pas écrire la suite, mais un remake actualisé de leur histoire pour en faire une série régulière…

 

swamp thing
(image © DC Comics)

 

Une relecture pleine d’émotions

Adieu Alex Olsen, bonjour Alec Holland. Pour le gouvernement, ce dernier travaille avec son épouse Linda à une formule bio- restauratrice. Cette nouvelle version reprend grosso modo le principe d’House of Mistery : Alec Holland se transforme en Créature du marais. Un peu à la manière de la série Le Fugitif, Alec/la Créature se retrouve rapidement poursuivi par son ancien meilleur ami, Matt Cable, et une organisation secrète qui lorgne sur la formule bio- restauratrice. Len Wein orchestre avec brio les 13 premiers épisodes réunis dans cet album. Swamp Thing rappelle par moment le personnage de Hulk. Un grand monstre puissant, traqué, incapable de communiquer avec ses amis et ennemis et qui cherche à revenir à son état normal. Une comparaison renforcée par l’appellation « Colosse d’écorces » qui évoque le « Titan de Jade ». Pour garnir sa série, Len Wein oppose à la Créature du marais le bestiaire des grands monstres classiques : sorciers, loup-garou, monstre de Frankenstein. Sans oublier la touche d’émotion qui finit d’achever le lecteur : dans House of Mystery 92, le moment le plus poignant était le dernier regard de la Créature sur sa dulcinée, empli à la fois d’humanité et de détresse. À la fin du dernier épisode de Len Wein, la Créature s’enfonce dans les marais, avec le même regard. La boucle est bouclée, d’une certaine façon.

 

swamp thing
(image © DC Comics)

 

 

Pour Berni Wrightson, évidemment, mais aussi Nestor Redondo

Et puis évidemment, la grande force de Swamp Thing, c’est le trait de Berni Wrightson. Notons d’emblée l’excellente idée d’Urban Comics d’avoir publié ces épisodes en noir et blanc. Car il faut bien le dire : les couleurs originelles diminuaient franchement l’impact des dessins de Berni Wrightson. Maintenant qu’elles sont supprimées, nous pouvons profiter pleinement du style de l’artiste. Cette version noir et blanc existait déjà dans l’édition précédente de Delcourt. L’autre bonne idée d’Urban Comics, c’est de publier Swamp Thing dans un format plus grand. Le trait de Berni Wrightson prend alors une autre ampleur. C’est bourré de détails, de petits traits d’ombrage, d’aplats noirs inquiétants. Le tout dans un style gothique classique qui convient à merveille à l’intrigue de Len Wein. L’osmose entre les 2 artistes fonctionne à plein. Berni Wrightson quitte la série au bout de 10 épisodes. La popularité de l’artiste est à ce point importante que les lecteurs oublient souvent que son successeur, Nestor Redondo, reprend le flambeau avec un certain brio. Le dessinateur philippin trop méconnu donc fait preuve d’un joli talent pour poser des ambiances lugubres et forestières. Les arbres et les jolies plantes, ça a l’air d’être son truc à Nestor Redondo, puisqu’en parallèle, on le retrouve sur Rima, The Jungle Girl, toujours chez DC Comics. Au point qu’en toute honnêteté, les lecteurs de Swamp Thing profitent d’une transition en douceur d’un dessinateur à l’autre. Voici donc un très bel album pour découvrir en douceur l’univers de la Créature du Marais ! ■

swamp thing
(image © DC Comics, Urban Comics)

Swamp Thing : la Créature du Marais est un comics publié en France chez Urban Comics.




A propos Stéphane Le Troëdec 628 Articles
Stéphane Le Troëdec est spécialiste des comics, traducteur et conférencier. En 2015, il s'occupe de la rubrique BD du Salon Littéraire. Ses autres hobbys sont le cinéma fantastique et les jeux. Enfin, et c'est le plus important : son chiffre porte-bonheur est le cinq, sa couleur préférée le bleu, et il n’aime pas les chats.