Scénariste de comics : un vrai métier ! [En Vert Et Contre Tous n°17]

Depuis quelques années, de plus en plus d’auteurs issus de domaines autres que les comics se voient proposer les commandes d’une série ou d’un one-shot. Et rares sont les romanciers ou scénaristes de cinéma qui s’en tirent honorablement. Je ne parle même pas des chanteurs ou des acteurs ! Scénariste de comics, c’est un véritable métier, ma bonne dame !
■par Doop

 

Exemple de scénariste venu d’un autre domaine culturel : Gerard Way est le chanteur du groupe My Chemical Romance et le scénariste du comics Umbrella Academy, bientôt sur Netflix.

 

La confusion des genres

Utiliser une personne connaissant une certaine popularité dans une branche différente de celle qui l’a fait connaître n’est pas une nouveauté. Mais la tendance semble se confirmer, et pas que dans les comics. Les exemples sont nombreux. Certains sportifs se reconvertissent dans l’animation ou le doublage. D’anciens chanteurs sont désormais responsables d’une émission télé ou jurys dans des programmes de danse. Les lignes de démarcation sont de plus en plus floues. Mais quel est le but principal ? Utiliser une renommée ou produire de bonnes histoires ? Je reste persuadé que la plupart du temps, il s’agit de la 1re option. On va rapidement écarter de ce billet d’humeur les chanteurs et les acteurs, qui souvent prêtent leur nom à un comics et qui donnent simplement un concept de base qui sera écrit et réalisé par quelqu’un d’autre (dont le nom apparaitra en tout petit). Je pense à John Cleese assisté par John Byrne dans Superman True Brit, Samuel Jackson aidé d’un scénariste pour Cold Space chez Boom ! Studios ou encore Jennifer Lowe Hewitt, qui n’a absolument rien écrit de sa série Jennifer Love Hewitt’s Music Box. Même Alyssa Milano n’a pas écrit sa bande dessinée Hacktivist : elle a simplement donné une idée de départ. C’est pourtant son nom que l’on voit en grand dans la bande dessinée. À la rigueur, seul Gerard Way, chanteur du groupe My Chemical Romance s’en est un peu sorti avec son Umbrella Academy et sa ligne de titres DC Young Animals. Même si ces derniers n’ont pas connu un succès glorieux. On pourrait se dire que c’est normal. Écrire n’est pas la compétence première de ces artistes et que si l’on demandait à un romancier d’œuvrer sur un comics, ça marcherait nettement mieux. Pas sûr…

 

La suite du Fight Club de Chuck Palahniuk s’annonçait prometteuse. Hélas, le projet est loin d’être aussi réussi qu’espéré.

 

Et pourtant, eux aussi ils écrivent

Très rares sont les cas de romanciers qui réussissent à véritablement installer une carrière, une voix qui compte dans les comics. Et, même si une grande majorité d’entre eux sont fans de super-héros, cela ne suffit pas pour proposer de bonnes histoires. Les auteurs renommés qui ont livré des histoires médiocres dans les comics sont légion. Dernier exemple en date : la romancière Margaret Atwood qui, revigorée par le succès de Handmaiden’s Tales, nous propose Angel Catbird chez Glénat. Et ce n’est pas très fameux. Qui souhaite vraiment se rappeler de Jodi Picoult sur Wonder Woman ? La plupart du temps, les idées tournent court et le rythme est assez mal fichu. Écrire un roman ne fait pas du tout appel aux mêmes techniques d’écriture que celle qui doivent être utilisées pour un comics, notamment en ce qui concerne le découpage narratif ou les dialogues. Si Chuck Palahniuk pouvait nous enchanter avec son livre Fight Club, son Fight Club 2, publié directement en comics est définitivement raté. Même certains grands auteurs ont eu besoin de quelqu’un pour les assister (dessinateur ou dialoguiste), pour trouver la mesure d’une bande dessinée (je pense aux quelques numéros épars de Harlan Ellison chez Marvel dans les années 70). Cela peut même se retourner contre les compagnies lorsque l’auteur tient ensuite des propos assez limites, comme Orson Scott Card (la trilogie Ender) qui avait signé une série Ultimate Iron Man et du Superman avant de tenir des propos assez ambigus sur l’homosexualité. Ta Nehisi Coates semble toutefois se faire une réputation d’auteur confirmé chez Marvel avec son Black Panther et son Captain america.

 

Kevin Smith

 

Une solution : Hollywood ! Quoique….

Reste alors la solution des scénaristes de séries télés ou de films. Après tout, les formats se ressemblent un peu. Je pense à Bob Gale sur Batman No Man’s Land ou Joss Whedon sur X-Men.  Et c’est vrai que les réussites me semblent plus nombreuses de ce côté. Sauf que, écrire un scénario pour un film ou réaliser une série télévisée paye nettement plus que d’écrire 24 pages pour un comics. Et du coup, la grande majorité considère l’écriture de bande dessinée comme un travail de complément, n’hésitant pas à avoir énormément de retard ou carrément à ne pas finir ce qu’ils ont commencé. Vous rappelez vous du Iron Man Las Vegas de Jon Favreau, le réalisateur du film ? On attend toujours la fin ! Et sur le principe des comics en retard ou jamais terminés, on ne fera jamais aussi pire que J.M. Straczynski (Babylon 5) qui a accumulé retard sur retard sur Rising Stars ou que Kevin Smith (Bullseye The target, Spider-Man/Black Cat). Ils sont toutefois sur le point de se faire rejoindre par Roberto Aguirre-Sacasa, le scénariste vedette d’Archie Comics qui a tout bonnement laissé en plan toutes les séries qu’il écrivait depuis des années (Afterlife with archie, Sabrina) pour diriger la médiocre série Riverdale. Il me semble même que la mini-série Ultimate Wolverine vs Hulk écrite par Damon Lindelof, le co-créateur de Lost a mis 3 ou 4 ans à être publiée pour simplement 6 épisodes. Si certaines de ces séries sont de véritables réussites, elles ont toutefois été sévèrement handicapées par le manque d’implication et de régularité de leurs auteurs. Même Joss Whedon a connu des retards sur Astonishing X-Men (il faut dire que la présence de John Cassaday n’a pas dû arranger).

 

Couverture de Jerusalem, le très remarqué roman d’Alan Moore.

 

Le chemin inverse semble plus simple

Si passer du roman aux comics semble chose difficile, on remarque que le chemin inverse est en revanche agrémenté de plus de réussites. Neil Gaiman a commencé par Sandman et L’Orchidée Noire avant de devenir l’écrivain à succès que l’on connaît. Warren Ellis a réalisé quelques bons romans tandis qu’Alan Moore a livré Jerusalem, l’un des livres les plus remarqués de la rentrée littéraire de l’année dernière. Pour ma part, j’ai largement tendance à me méfier lorsqu’on me propose un nouveau titre écrit par le scénariste de « machin bidule » ou le créateur de « trucmuche ». Je préfère largement un bon faiseur, quelqu’un qui sait comment fonctionne le système. C’est parfois moins percutant, mais c’est souvent beaucoup plus juste sur la durée. ■




A propos Doop 374 Articles
Doop lit des comics depuis une quarantaine d'années. Modérateur sur Buzzcomics depuis plus de 15 ans, il a écrit pour ce forum (avec la participation de Poulet, sa minette tigrée et capricieuse) un bon millier de critiques et une centaine d'articles très très longs qui peuvent aller de « Promethea » à « Heroes Reborn ». Il a développé une affection particulière pour les auteurs Vertigo des années 90, notamment Peter Milligan et Neil Gaiman.