Roller Girl, de Victoria Jamieson : amitié, coups de patins et bleus à l’âme (critique)

Temps de lecture estimée : 4 min.

Si on m’avait dit qu’un jour je lirais une BD sur du roller derby, j’aurais sûrement haussé un sourcil. Parce que, soyons honnêtes, le roller derby en France, ça reste un peu un sport d’initiés. Sauf que Roller Girl de Victoria Jamieson est bien plus que ça. Ce comics nous plonge dans l’adolescence, ce moment étrange où tes amitiés sont testées, où tu te prends des murs (parfois au sens propre), et où tu dois apprendre à te relever. Un comics qui, derrière son côté fun et coloré, sait cogner là où ça fait mal.

Astrid, 12 ans, larguée et paumée

Astrid a toujours tout fait avec sa meilleure pote, Nicole. C’était le deal. Sauf que l’été arrive, Astrid découvre le roller derby et s’inscrit direct à un club, persuadée que Nicole suivra. Mauvaise pioche : Nicole préfère aller faire des entrechats avec une nouvelle copine au club de danse. Trahison. Abandon. Début d’un été infernal où Astrid va devoir apprendre à tomber et se relever… sur la piste comme dans la vie.

Parce que le roller derby, ça ne pardonne pas. Quand tu ne sais pas tenir sur tes patins, tes coéquipières te roulent dessus. Quand t’as pas l’habitude de te battre, tu manges la piste. Quand t’es nulle et que t’arrives en retard, ton coach ne te fait pas de câlins. Bref, rien ne va. Nicole lui manque. Sa mère ne pige rien. Ses genoux ressemblent à à une œuvre d’art abstraite, version bleu et violet. Mais Astrid s’accroche.

Les amitiés qui s’effilochent, c’est pas du cinéma

Ce qui fonctionne à 100% dans Roller Girl, c’est la justesse avec laquelle Victoria Jamieson parle de l’amitié à cet âge-là. Parce que soyons clairs : les BFF qui restent soudées à la vie à la mort, c’est du pipeau. Quand t’as 12 ans, tes goûts changent, tu commences à fréquenter des gens différents et, bam, un jour tu réalises que ton pote d’enfance a changé d’orbite sans même t’envoyer un texto d’adieu. Astrid vit ça en plein cœur.

Ce qui est cool, c’est que le récit ne tombe pas dans la facilité. Nicole n’est pas une garce sans cœur. Astrid, de son côté, est jalouse et colérique, et clairement pas toujours juste dans ses réactions. Et c’est justement ça qui rend cette histoire aussi crédible.

Roller derby : sport badass et exutoire émotionnel

Le roller derby, c’est LA surprise de ce comics. Parce que ce sport, en dehors de quelques films et documentaires, reste assez obscur. Pourtant, Victoria Jamieson réussit à en faire un décor hyper immersif. On sent la sueur, la tension, le bruit des patins qui crissent sur le parquet. Et surtout, le roller derby devient ici un vrai symbole du passage à l’âge adulte : tomber, encaisser, remonter en selle (ou plutôt sur ses patins).

C’est aussi un sport qui met en avant des filles fortes, indépendantes, qui ne jouent pas les princesses et qui n’ont rien à prouver à personne. Astrid se découvre des modèles féminins inspirants, et pour une fois, on a une héroïne qui ne cherche pas à plaire, mais juste à être elle-même. Et ça fait du bien.

Et visuellement, ça donne quoi ?

La patte graphique est pile dans la lignée des BD jeunesse actuelles, avec un style accessible, dynamique, et des couleurs vives qui claquent. Mais surtout, V. Jamieson sait raconter en images : les expressions des personnages sont ultra parlantes, les séquences de roller sont hyper fluides, et on sent presque le vent passer quand Astrid se lance à fond sur la piste. Ça va vite, c’est vivant, et ça colle parfaitement à l’énergie du récit.

Verdict : à lire ou à zapper ?

Sans hésiter, Roller Girl est un petit bijou. C’est fun, touchant, sincère et bourré d’énergie. Ça parle d’amitié, de passion, de confiance en soi, et ça le fait avec une vraie intelligence. Pas de leçon de morale à la Disney, pas de poncifs à deux balles, juste une histoire qui sonne juste et qui envoie du lourd. Que vous soyez fan de roller ou que vous n’ayez jamais mis les pieds sur une piste, foncez. Et qui sait ? Peut-être que vous aurez envie d’essayer vous aussi.

Roller Girl est un comics de 240 pages publié en France par 404 Graphics.




A propos Stéphane 722 Articles
Stéphane Le Troëdec est spécialiste des comics, traducteur et conférencier. En 2015, il s'occupe de la rubrique BD du Salon Littéraire. Ses autres hobbys sont le cinéma fantastique et les jeux. Enfin, et c'est le plus important : son chiffre porte-bonheur est le cinq, sa couleur préférée le bleu, et il n’aime pas les chats.