DC Comics vient d’annoncer qu’après 25 ans, il ne renouvellerait pas son partenariat avec la compagnie de distribution Diamond. Cette déclaration a évidemment fait l’effet d’une bombe dans le monde des comics. Le marché se remet difficilement des évènements liés au Covid-19 et craint désormais leurs répercussions. C’est aussi un nouveau coup de poignard asséné à nos magasins de comics en France. Explications.
■ par Doop
Diamond, c’est quoi ?
Recontextualisons un peu le sujet : Diamond Distribution est le principal distributeur de comics aux États-Unis mais aussi dans le monde. C’est cette compagnie qui achemine les comics du producteur (Marvel Comics, DC Comics, Image Comics, etc.) directement aux magasins. Diamond a été créée en 1982 par Steve Geppi. Petite compagnie de distribution locale dans les années 80, elle prend de l’ampleur au moment même où le marché direct, l’abandon progressif des comics proposés dans les supermarchés au profit des comic shops, explose. Elle devient nationale à la fin des années 80 où elle revendique déjà près de 40 % des parts du marché direct. Au fil du temps, Diamond grandit, ouvre une branche au Royaume-Uni et réalise presque la moitié de la distribution dans les comic shops (il reste à cette époque 3 ou 4 grandes compagnies de distribution). C’est en 1997 que Diamond devient le distributeur quasi exclusif de comics aux Etats-Unis, déclenchant même une enquête du département de la justice pour situation de monopole. Cette enquête n’aboutira à aucune charge au début des années 2000. Diamond distribue des comics mais aussi bon nombre de produits dérivés comme des figurines ou des posters. Depuis 40 ans, la compagnie Diamond a subi quelques critiques, notamment sur certaines de ses positions assez conservatrices concernant des comics un peu violents ou explicites (notamment envers le Miracleman d’Alan Moore) et sur la pression qu’elle exerce sur les petits éditeurs indépendants. C’est Diamond qui édite tous les mois le catalogue Previews dans lequel sont présentés en mises en avant toutes les nouveautés du mois. C’est sur ce catalogue que les comic shops font leurs précommandes.
DC Comics quitte Diamond
Comme une grande majorité des entreprises, Diamond est frappée de plein fouet par les conséquences de l’épidémie de Covid-19. D’ailleurs, elle arrête de distribuer des comics pendant environ un mois, obligeant les éditeurs à stopper et à retarder leur production. Si certaines compagnies se sont orientées vers Amazon ou encore les comics numériques durant les périodes de confinement, DC Comics a elle décidé de continuer à proposer quelques nouveautés ! Réduisant le nombre de sorties, elle s’est associée à 2 petites compagnies de distribution pour proposer aux comic shops certains comics prévus. Cela avait d’ailleurs provoqué une certaine inquiétude. Diamond reprend sa distribution mi-mai. Mais DC Comics annonce le 5 juin 2020 qu’elle cesse sa collaboration avec le distributeur, ne renouvelant pas son contrat. Lorsqu’on lui demande les raisons de ce divorce, DC Comics dit que son association avec Diamond ne correspond plus à son désir d’étendre sa visibilité et sa stratégie marketing. À partir du 30 juin 2020, les comics livrés auparavant par Diamond le seront par Lunar Distributions ou UCS Comic Distributors pour tout ce qui concerne les nouveautés, ou encore par Penguin Random House, le distributeur de recueils dans les librairies. Ce sont les 2 premières compagnies qui avaient d’ailleurs distribué les comics DC durant le confinement. Dans une lettre adressée aux comic shops, DC Comics assure que la transition se fera en douceur et que cette décision, importante, aura des effets bénéfiques sur le marché des comics. Aussi importante qu’elle soit, cette décision n’est pourtant pas inédite. Marvel Comics avait en effet tenté de faire la même chose en 1995, avec des résultats bien plus que mitigés.
La guerre des distributeurs, partie 1 : l’émancipation
Flash-back. Nous sommes en 1995 et le marché des comics ne se porte plus aussi bien : après des ventes record au début des années 90, dont nous avions déjà parlé, la bulle spéculative éclate et cela se ressent bien évidemment sur les ventes. Marvel Comics, qui voit ses bénéfices se réduire comme peau de chagrin, accuse alors les magasins et les distributeurs de ne pas assez mettre en avant leurs comics dans un marché encore surchargé. Ces derniers répliquent que Marvel produit trop de comics, souvent sur les mêmes personnages, et que cela donne au lecteur une impression de baisse de la qualité. Mais Marvel refuse cet argument. Pensant que c’est surtout la faute des distributeurs (il y en a une petite demi-douzaine à l’époque), Marvel Comics décide dans un 1er temps de vendre ses comics via son propre catalogue. L’échec est cuisant et la compagnie décide alors d’acquérir la compagnie Heroes World Distribution à la fin de l’année 94. Elle déclare ensuite qu’à partir de juillet 1995, cette compagnie sera la seule à distribuer les comics Marvel ! Cela crée bien évidemment la panique : les comic shops prédisent la fin du marché direct ou en tout cas, une réduction drastique de leurs bénéfices. De fait, Marvel Comics devient son propre distributeur, obligeant les comic shops à s’associer et à ouvrir un compte chez Heroes World Distribution s’ils désirent encore pouvoir vendre des comics X-Men ou Spider-Man. Si Marvel justifie sa décision par la santé fragile du marché, beaucoup pensent que cela ne va faire qu’aggraver les choses. A juste titre… En effet, les magasins de comics se fournissent généralement auprès d’un seul distributeur, le plus proche ou celui qui propose les meilleures ristournes. De plus, cela complexifie le système de précommande et de retour d’invendus. Les comic shops doivent travailler avec 2 distributeurs au minimum, ce qui de fait diminue les volumes de commande chez chaque distributeur et donc l’importance de leurs avantages. Mais il est impossible de travailler sans Marvel : à la longue ce changement ne fait qu’amplifier le phénomène de fermeture des magasins de comics. Le pire, c’est que Heroes World Distribution ne tient pas la distance : les retards et les erreurs s’accumulent, leurs ordinateurs ne pouvant pas gérer l’immense afflux de commandes ! (suite de l’article page suivante)
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