Stan Lee nous a quittés [En Vert Et Contre Tous n°14]

mort de Stan Lee

Forcément, il semblait impossible de ne pas faire mon billet d’humeur sur la disparition de Stan Lee. Même si le cœur n’y est pas vraiment.
■ par Doop

 

Que dire ? Avec le décès de Stan Lee, c’est une partie de mon enfance qui s’est envolée. Quand j’y pense, les mots « Stan Lee présente » qui ornaient les premières pages de chaque histoire de Strange ou de Special Strange sont peut-être les tout 1ers que j’ai lu dans une BD. En fait, j’ai certainement commencé ma vie de lecteur de comics avec Stan Lee. Les 1res histoires de superhéros qui m’ont fait découvrir cet univers n’étaient pas de lui. Il y avait toujours ce Stan Lee partout, et je pense que j’ai vraiment commencé à réaliser son importance lorsque j’avais une toute petite dizaine d’années. À cette époque, les Strange Special Origines ont commencé à sortir. Il y avait la tête du scénariste sur une feuille de machine à écrire sur toutes les couvertures. C’est certainement le 1er scénariste dont j’ai pu voir la tête, tout du moins dessinée. C’est peut-être là que j’ai compris qu’en réalité, il y avait du monde derrière ces héros de papier.

 

Le visage de Stan Lee a longtemps orné les couvertures de Spécial Strange Origines

 

À la redécouverte de Stan Lee

J’avoue : les épisodes de Stan Lee sur Spider-Man ou les 4 Fantastiques, dessinés par Jack Kirby ou John Romita, ne me plaisaient pas trop non plus. Ces épisodes étaient à l’époque réédités dans des albums géants. C’était un peu trop vieillot pour moi. J’étais à fond sur les X-Men de Crhis Claremont et John Byrne. Quelques histoires me passionnaient tout de même (Galactus ou le Caïd). J’ai redécouvert Stan Lee un peu plus tard, en devenant adulte. Les Essential en VO de Marvel m’ont bien aidé à faire le tour de la production de Stan Lee. « The Man » pouvait alterner des récits moyens (les 1ers Thor ou les 1ers Avengers) avec de véritables bijoux (notamment sur Spider-Man ou les Fantastic Four). Et puis dès que l’on commence à s’intéresser de près ou de loin à l’histoire des comics, forcément, le personnage devient un incontournable : il a tout crée, tout inventé. C’est lui qui s’est le 1er adressé à une nouvelle branche du lectorat (les adolescents, les étudiants et les jeunes adultes) alors qu’à la fin des années 50) les comics étaient avant tout destinés aux enfants.

 

Joe Robetson, un des 1ers personnages noirs à avoir un 2nd rôle d’importance dans la série Spider-Man.

 

Stan Lee, un auteur engagé

Je ne souhaite pas rentrer dans les polémiques sur son rôle quant à la création de tous les personnages Marvel. À mon avis, c’est Stan Lee qui, au minimum, a réussi à impulser une dynamique créative chez ses collaborateurs. Cet homme était un véritable moulin à idées. Je pense qu’il réussissait à tirer le meilleur de ses artistes tout en comprenant parfaitement les exigences d’un public avec lequel il était, tout du moins dans les années 60, en totale résonance. Ce n’est pas comme si Stan Lee avait été un simple scénariste surfant sur les modes. C’est (c’était) quelqu’un qui a toujours développé des opinions progressistes. Stan Lee n’hésitait pas à faire avancer des idées nouvelles dans les comics. Il a installé Joe Robertson comme l’un des 1ers personnages noirs à avoir un 2nd rôle d’importance dans la série Spider-Man. Toujours dans la même série, il a décidé de parler du fléau de la drogue et de se passer de l’approbation du Comics Code, ce qui était impensable à l’époque. C’est aussi lui qui a fait des X-Men une parabole sur la différence. Stan Lee a toujours été plus engagé que ce que l’on peut penser. Il a aussi inspiré de dizaines et des dizaines de scénaristes qui ont voulu suivre ses pas. Sans son bagout légendaire et ses histoires, ces artistes ne seraient pas aujourd’hui dans cette industrie.

 

 

S’il n’avait pas été là, il n’y aurait certainement jamais eu de comics Marvel !

 

Une tristesse sincère

J’ai appris la mort de Stan Lee il y a à peine 2 ou 3 heures (1). Même s’il fallait s’attendre à sa disparition, même si cela ne devrait être qu’une information de plus, c’est quand même un choc. Un sentiment bizarre, une sorte de mélancolie qui provient de nulle part. Finalement, c’était un vieux monsieur que je ne connaissais pas, que je n’ai jamais rencontré et qui n’est même pas l’un de mes scénaristes favoris. Pourquoi ? Après tout, ce n’est pas comme s’il faisait partie de ma vie. Parce que je me dis que si je lis des comics depuis plus de 40 ans, que si j’écris depuis des années maintenant sur cette passion, il en a été à l’origine. Que s’il n’avait pas été là, il n’y aurait certainement jamais eu de comics Marvel, et que ma vie, aurait certainement été différente : en tout cas, j’aurais été certainement beaucoup plus riche et ma maison moins encombrée ! Ou alors je serai peut-être devenu fan de licornes, je ne sais pas. Ce type-là, ce vieux monsieur qui vivait à des kilomètres de chez moi, a été, sans le vouloir, à l’origine d’une grande partie de ce qui fait mon quotidien actuel, même si, heureusement, j’ai d’autres choses qui me définissent. La mort de Stan Lee nous fait toucher du doigt, tout du moins en ce qui concerne l’art et le divertissement, la triste inexorabilité de la fin et du temps qui passe. C’est peut-être pour ça que j’ai de la peine ce soir. Et à voir toutes les réactions, parfois très touchantes, de centaines d’autres personnes sur internet ou sur les forums, je vois que je ne dois pas être le seul. On comprend en lisant certains posts qu’il était quand même beaucoup plus qu’un vieux monsieur qui faisait des apparitions dans les films Marvel. Tous les lecteurs de comics sont désormais un peu orphelins, et certains plus que d’autres. Au moins il n’aura pas laissé Joan toute seule très longtemps. ■

 

(1) Cet article a été rédigé le soir du 12 novembre 2018.




A propos Doop 374 Articles
Doop lit des comics depuis une quarantaine d'années. Modérateur sur Buzzcomics depuis plus de 15 ans, il a écrit pour ce forum (avec la participation de Poulet, sa minette tigrée et capricieuse) un bon millier de critiques et une centaine d'articles très très longs qui peuvent aller de « Promethea » à « Heroes Reborn ». Il a développé une affection particulière pour les auteurs Vertigo des années 90, notamment Peter Milligan et Neil Gaiman.