Nice House by the Sea, tome 1 : bienvenue dans votre cauchemar de rêve

Temps de lecture estimée : 4 min.

Ah, la mer. Les vagues. Le sable. Les cocktails. Et douze survivants triés sur le volet pour être les meilleurs spécimens de l’humanité. Ça commence en mode Airbnb de luxe post-apocalyptique, ça finit comme un épisode de Black Mirror sous stéroïdes. Nice House by the Sea, suite directe de Nice House on the Lake, nous ressert la même recette, mais avec un ingrédient en plus : l’arrogance assumée. Et toujours les mêmes soucis : la lenteur et un casting bien trop étoffé.

Dans The Nice House by the Sea, plus question de sauver des amis un peu paumés. Non. Cette fois, les extraterrestres ont sélectionné le top du top pour les faire passer des vacances tranquilles pendant que le monde est anéanti. Prix Nobel, acteurs oscarisés, cerveaux hors norme, la crème de la crème. Spoiler : c’était peut-être pas une bonne idée. Si les persos de The Nice House on The Lake étaient agaçants parce que paumés, ici ce sont des personnes imbues d’elles-mêmes. Oliver, acteur primé et narrateur régulier de l’histoire, ouvre le bal : on découvrira qu’Oliver est un personnage très important (dont on n’avait jamais entendu parlé dans The Nice House on The Lake, mais passons). Et à partir de là, tout va lentement partir en cacahuète, dans une ambiance de plus en plus moite, de plus en plus malsaine. Et toujours dans un magnifique décor.

Nice House by the Sea et le syndrome du paradis frelaté

D’un point de vue graphique, ce Nice House by the Sea tape fort. Álvaro Martínez Bueno est en grande forme, Jordie Bellaire pose des couleurs entre le sublime et le dérangeant. James Tynion IV continue son petit jeu préféré : faire (beaucoup) parler ses personnages dans un monde où plus rien n’a de sens. Résultat : on contemple de magnifiques intérieurs pendant qu’un des personnages se fait étirer les bras façon chewing-gum humain. Ambiance.

Le comics joue avec un équilibre redoutable entre la science-fiction intimiste et l’horreur psychologique. Le lecteur, lui, oscille entre “mais pourquoi je ne comprends rien ?” au début, et “ah d’accord, c’est encore plus dégueulasse que ce que je pensais” à la fin. L’arrivée des anciens pensionnaires de la maison du lac ajoute une touche de tension en venant déranger ces personnages bien trop parfaits. Et ça marche : la tension grimpe, les alliances se défont, et on sent que la guerre approche.

Une horreur à visage humain

Premier bon point : Nice House by the Sea ne fait pas semblant. Dès l’épisode 1, James Tynion IV et Álvaro Martínez Bueno posent une ambiance poisseuse sous un vernis de perfection. Les personnages ne sont pas seulement beaux et intelligents : ils sont aussi terriblement humains, donc égoïstes, violents, voire carrément flippants. Mention spéciale à la possibilité de modifier son apparence à volonté. Une idée brillante. Et franchement flippante quand certains commencent à en abuser…

Visuellement, on est dans le haut du panier. Les scènes de torture sont dérangeantes sans être gratuites, les visages sont expressifs, les jeux de lumière soutiennent parfaitement le récit. Il y a de jolies trouvailles de mise en page, notamment quand le dessin devient quasi abstrait pour refléter le dérèglement mental de certains. Et, cerise sur le cadavre : le travail de rythme est maîtrisé. Les révélations arrivent au bon moment, les dialogues sonnent juste, et l’horreur gagne du terrain sans crier gare.

Il y a trop de monde dans cette baraque

Parlons franchement : qui se souvient du nom de plus de quatre personnages de The Nice House on the Lake ? Personne. Et pourtant, il y en a ici le double. Chaque épisode tente de nous rappeler qui est qui, parfois à l’aide de jolies infographies regroupées en fin d’album, parfois avec une phrase bien sentie comme “faut qu’on récapitule”. Merci, James, mais ça reste un beau foutoir, surtout si vous avez lu le précédent tome il y a quelques mois.

Autre bémol : le rythme. Oui, c’est lent. Très lent. Parfois contemplatif, parfois verbeux. Et même si ça fait partie du charme, certains passages donnent envie d’hurler “allez, on l’allume ce barbecue ou pas ?!”. La tension est bien là, mais elle s’étire. Heureusement, les derniers épisodes relancent vraiment l’intrigue et posent les enjeux : la confrontation est inévitable, les masques tombent, et les “meilleurs d’entre nous” se comportent comme des ordures.

Conclusion : une fausse utopie au goût amer, mais un vrai plaisir de lecture

Avec ce premier tome, Nice House by the Sea confirme que l’enfer est pavé de bonnes intentions… et de villas. Plus froid, plus clinique, plus sournois que la première série, cette suite fonctionne grâce à un casting vénéneux, une esthétique impeccable, et une narration qui aime nous perdre avant de nous piéger.

Alors oui, c’est parfois confus. Oui, certains épisodes traînent en longueur. Mais quand le vernis craque et que l’horreur surgit, c’est réussi. Un comics intelligent, cruel, pas parfait et visuellement irréprochable. Je suis curieux de lire la suite… si elle arrive avant la fin du monde, bien sûr.

The Nice House by the Sea, tome 1 est un comics publié en France par Urban Comics. Il contient : The Nice House by the Sea #1-6.




A propos Stéphane 735 Articles
Stéphane Le Troëdec est spécialiste des comics, traducteur et conférencier. En 2015, il s'occupe de la rubrique BD du Salon Littéraire. Ses autres hobbys sont le cinéma fantastique et les jeux. Enfin, et c'est le plus important : son chiffre porte-bonheur est le cinq, sa couleur préférée le bleu, et il n’aime pas les chats.