
En 2023, Marvel Comics a décidé de relancer sa Première Famille, et qui de mieux que Ryan North pour orchestrer ce renouveau ? Ajoutez à cela les talents d’Iban Coello aux dessins, et des couvertures bigarrées d’Alex Ross et vous obtenez un premier album qui fait très envie. Premier album qu’on aura attendu en France puisque Panini a pris son temps pour traduire ces onze premiers épisodes inédits : très logiquement l’éditeur français a préféré attendre que les 4 Fantastiques soient exposés médiatiquement avec la sortie du film en juillet 2025.
Surprise : ici, pas de grande menace cosmique, pas de Galactus, pas même un Dr Fatalis à l’horizon (enfin si, mais pas comme on l’entend d’ordinaire). On débute avec une ambiance beaucoup plus intimiste, un ton léger, presque contemplatif. Le scénariste Ryan North nous plonge dans des aventures en solo où chaque membre de l’équipe est mis à l’épreuve séparément avant la réunion tant attendue de toute la famille. On est plus proche d’une chronique familiale SF que d’un blockbuster de super-héros. Audacieux ? Oui.

Un Jour de la marmotte sauce Marvel ?
Le premier arc démarre directement avec Ben Grimm et Alicia Masters, en road trip pour fuir un mystérieux désastre à New York. Et paf, les voilà coincés dans une ville de Pennsylvanie où le temps refuse d’avancer : tous les jours, c’est le 12 juillet 1947. Un air de Un jour sans fin, et son fameux Jour de la marmotte, mais avec la Chose et Alicia à la place de Bill Murray.
L’idée est fun, et North s’éclate en mode Quatrième Dimension, privilégiant le mystère et l’émotion à l’action. Sauf que voilà, pas de super-vilain ici, pas de grand enjeu cosmique. Juste Ben et Alicia qui doivent faire preuve de jugeote et d’empathie pour comprendre ce qui cloche et remettre la temporalité sur de bons rails. Il y a de l’humour, du cœur, mais on est loin des bastons contre Annihilus ou des voyages dans la Zone Négative. Et si vous êtes du genre à aimer vos Fantastic Four avec une bonne dose de destruction massive, ça risque de vous laisser sur votre faim. Disons que Ryan North développe plus la partie humaniste que la partie action du récit.

Alicia Masters, enfin à sa juste place
S’il y a bien un point sur lequel Ryan North marque des points, c’est la place qu’il donne à Alicia Masters. Trop souvent reléguée au rôle de faire-valoir aveugle, elle est ici un moteur actif de l’histoire, et surtout écrite avec justesse. Son handicap n’est jamais un gimmick mais une réalité bien intégrée : elle décrit les gens par leurs voix, utilise un lecteur d’écran sur son téléphone… Autant de détails qui rendent son personnage plus crédible et attachant.
Cerise sur le gâteau, la dynamique entre Alicia et Ben est un régal. Leur relation respire l’authenticité, entre tendresse sincère et chamailleries savoureuses. Ce qui n’empêche pas une poignée de moments absurdes où Ben tente des solutions de plus en plus grotesques pour briser la boucle temporelle. Comme quoi, même sans Richards, les membres du groupe peuvent se débrouiller… à leur manière.

Visuellement, ça tient la route
Iban Coello assure grave, pas de doute là-dessus. Son Ben Grimm est particulièrement expressif, avec une gamme d’émotions rarement vue pour un type fait de pierres. La mise en page est dynamique, certaines pages frôlant les quinze cases sans jamais sombrer dans le chaos illisible. On sent une vraie envie de raconter visuellement, pas juste d’aligner les jolies cases.
Jesus Aburtov, lui, opte pour des couleurs éclatantes qui donnent à l’ensemble une légèreté bienvenue. Ça claque bien, ça poppe sur la page, et ça contribue à ce ton plus feel-good du récit. Quant à Joe Caramagna, il fait un super boulot sur le lettrage en jouant habilement avec les espacements et la disposition des dialogues pour renforcer la fluidité du récit.
Un démarrage trop sage ?
Dans ce premier tome, pas de grande saga cosmique, mais une succession de récits complets en 1 ou 2 épisodes, avec une ambiance Quatrième Dimension très marquée. Si Fantastic Four T1 fonctionne très bien en tant qu’histoire unitaire, son rôle en tant que premier tome d’une relance de série est plus étonnant. C’est joli, c’est très malin, mais on attend encore ce fameux frisson qui nous fait dire : « Ok, cette série va tout exploser ». Par contre, en refermant ce volume, on n’a l’impression d’avoir été intégré dans une famille, avec ses temps forts, ses coups de gueule, etc. Ce qui fait tout le charme des Quatre Fantastiques.
En clair, c’est un bon point d’entrée pour les nouveaux lecteurs, mais les fans de longue date pourraient bien se demander où est passé le côté épique de l’équipe. On a la tête, le cœur… mais il manque peut-être encore un peu de muscles.

Verdict : faut-il lire le Marvel Deluxe Fantastic Four tome 1 ?
Oui, si vous cherchez une lecture intelligente et rafraîchissante, loin des schémas classiques du genre. Non, si vous espérez un retour en fanfare et des menaces intergalactiques dès le premier numéro, mais vous auriez peut-être tort de passer à côté de cette mise en bouche.
Cette nouvelle ère des Quatre Fantastiques commence avec douceur, peut-être un peu trop. Mais si Ryan North et son équipe continuent à construire sur ces bases, on pourrait bien être face à un run qui, discrètement mais sûrement, pourrait entrer dans les annales. Rendez-vous dans le tome 2 !

Marvel Deluxe Fantastic Four tome 1 est un comics de 288 pages publié en France par Panini Comics. Il contient : Fantastic Four (2023) 1 à 11