Jules Verne et l’astrolabe d’Uranie : les « véritables » aventures extraordinaires d’un écrivain légendaire

Jules Verne et l'astrolabe d'Uranie
(image © Ankama Éditions)

Et si Jules Verne n’avait pas seulement imaginé ses livres fantastiques… mais vécu lui-même des aventures qui auraient influencé ses œuvres ? Esther Gil et Carlos Puerta font de Jules Verne un héros d’action, dans une œuvre inspirée par son univers. Une superbe ode à l’imaginaire de Jules Verne.
■ par Ben Wawe

 

Jules Verne et l'astrolabe d'Uranie
(image © Ankama Éditions)

 

Été 1839 : l’enfant Jules Verne fugue et monte sur un bateau, grisé par l’appel du large. Il est récupéré par son père, mais a entrevu un artéfact mystérieux, pêché dans des eaux dangereuses. Il s’agit d’un astrolabe, instrument astronomique aux fonctions surprenantes, qui excite son imagination. Vingt-huit ans après, Jules Verne est devenu écrivain, chargé d’une lourde mission éducative par son éditeur. Mais Jules fuit ses responsabilités et son quotidien, notamment une épouse à qui il cache son cœur brisé après le décès d’une jeune maitresse. L’auteur part avec son frère en Amérique, à bord d’un navire immense… qui les conduit directement à l’aventure !

 

Jules Verne et l'astrolabe d'Uranie
(image © Ankama Éditions)

 

Géopolitique et uchronie

Jules Verne et l’astrolabe d’Uranie verse dans la fiction, après un début consciencieusement réaliste. La scénariste Esther Gil utilise intelligemment le contexte de création du Canada, en pleines guerres indiennes dans le nord du continent du Nouveau Monde. Mais c’est bien la plongée de Jules Verne dans les grottes sous les Chutes du Niagara qui nous amène dans un nouveau monde. Fait d’acier, d’électricité magique, de créations impossibles. L’intrigue imagine une belle uchronie, ce récit fictif parti d’un évènement historique. Cette invention montre que Jules Verne a pu puiser dans sa propre histoire les modèles de ses livres. Jusqu’à un final puissant, où les énergies anciennes et mythiques d’Atlantis sont convoquées… et libérées.

 

 

Jules Verne et l'astrolabe d'Uranie
(image © Ankama Éditions)

 

Un beau récit complet et intense

La scénariste Esther Gil livre une intrigue dense et intelligente. Elle profite d’un certain flou dans l’histoire personnelle de Jules Verne pour construire un récit dynamique, avec une belle dose d’action et beaucoup de références. L’auteur de Vingt mille lieues sous les mers s’est bien rendu en Amérique à cette période, rongé par la perte d’une maitresse. L’aventure est totale, mais aussi l’analyse de la perte d’un être cher, difficile à gérer. Jules Verne et l’astrolabe d’Uranie est bien une aventure, avec Jules Verne en héros d’action qu’il n’aurait pas renié lui-même ; pas un superhéros, plutôt un homme actif de son temps. Mais c’est aussi un récit intime, sur un homme troublé autant par ses sentiments que par sa mission personnelle, via la pression de son éditeur qui veut « changer l’éducation » avec lui.

 

 

Jules Verne et l'astrolabe d'Uranie
(image © Ankama Éditions)

 

Une œuvre référencée et habile

Jules Verne et l’astrolabe d’Uranie est rempli de références à Jules Verne, son œuvre. Plusieurs passages techniques et mécaniques rappellent les nombreuses explications similaires qu’il aime tant. Esther Gil assume également sa volonté de montrer comment Jules Verne a pu être influencé par ses aventures pour ses futurs romans. Vulkan est bien évidemment un Nemo violent et agressif, mais la scénariste montre dans des bonus qu’elle s’inspire d’autres personnages du maitre. Jules Verne et l’astrolabe d’Uranie parait un hommage puissant à l’œuvre de Jules Verne, ce qui est parfait pour les fans. Même si Esther Gil n’oublie pas l’impact causé par l’attitude de Jules Verne sur ses proches, ce qui permet de rendre le portrait humain plus crédible ; habile.

 

 

Jules Verne et l'astrolabe d'Uranie
(image © Ankama Éditions)

 

Un graphisme puissant

Le trait de Carlos Puerta est l’élément marquant de Jules Verne et l’astrolabe d’Uranie. Qu’on adhère ou non à son style, assez chargé, parfois un peu figé, on ne peut que valoriser sa prestation, complètement hors-norme. Ses planches sont extraordinaires, avec foule de détails passionnants, qui rendent la relecture très agréable. Il apporte sa puissance à une intrigue aventureuse, et ses visages si réalises semblent sortis d’un écran. L’ambiance de Jules Verne et l’astrolabe d’Uranie est terrible, qui participe à la réussite d’une bande dessinée oscillant intelligemment entre l’historique et l’irréel.

 

 

Jules Verne et l'astrolabe d'Uranie
(image © Ankama Éditions)

 

Un problème dans le rythme mais une édition superbe

Jules Verne et l’astrolabe d’Uranie n’a hélas pas que des qualités. La transition entre la 2e et la 3e partie, la fameuse rencontre avec Vulkan, est trop rapide. Trop « collée » à la rencontre du capitaine Nemo dans Vingt mille lieues sous la mer, aussi. Toute la 3e partie est un peu trop directe, trop dynamique alors que le reste de la bande dessinée sait prendre son temps. On voit aussi trop peu du fameux astrolabe, même si Esther Gil dose bien les révélations, en assumant aussi son penchant humaniste vis-à-vis des amérindiens. Cependant ces défauts ne gênent en rien une lecture intense, superbe, via un bel écrin proposé par Ankama Éditions. L’intégrale est belle, impressionnante, avec des bonus pertinents et fort jolis. Une très belle édition pour une bande-dessinée efficace et envoutante !

Jules Verne et l'astrolabe d'Uranie
(image © Ankama Éditions)

Jules Verne et l’astrolabe d’Uranie est une bande dessinée publiée en France chez Ankama Éditions.