Jane : êtes-vous prêt à tomber amoureux d’une jeune fille de 150 ans ? [avis]

(image © Archaia)

Avec Jane, Aline Brosh McKenna et Ramon K. Pérez adaptent Jane Eyre, un classique de la littérature anglaise du 19e siècle. Une relecture moderne, libre et poétique.
■ par Fletcher Arrowsmith

 

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Je n’ai pas lu Jane Eyre, le 1er roman de Charlotte Brontë écrit en 1847, classique parmi les classiques, mainte fois adapté sur grand et petit écran. Pour tout vous dire, l’album Jane est un achat compulsif mais quand même orienté quand j’ai découvert le nom du dessinateur. En effet, j’ai récemment eu la chance de rencontrer Ramon K. Pérez à Gand. La couverture intrigante ainsi que la consistance de l’objet introduisent à coup sûr un roman graphique de qualité.

 

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Jane : une héroïne contemporaine et bien dans son temps

Jane, c’est l’histoire d’une orpheline, à l’enfance malheureuse chez ses cousins. Jane décide de vivre sa vie en s’installant à New York. Pour financer ses études de dessins, elle devient la nourrice d’Adèle, petite fille qui vient de perdre sa mère. Son père, monsieur Rochester, a du mal à se remettre de la perte de sa femme, et en plus de ses trop nombreuses absences semble cacher un lourd secret. Jane va être entrainée dans une aventure sentimentale au sein de la haute société. Aline Brosh McKenna décide de ne pas tout conserver du roman Jane Eyre en faisant des choix assumés. La scénariste prend l’option d’une narration libre, l’histoire de Jane à New York suivant grosso modo celle de son ancêtre du XIV siècle. C’est d’ailleurs surement là que se trouve une des forces de ce roman graphique pour le lecteur novice que je suis. Pas de comparaison, d’ailleurs le titre est bien Jane et pas Jane Eyre. Quand la qualité d’une histoire est avérée, quand le matériel originel est bon, il ne reste plus qu’à le modeler à nouveau. Jane est une jeune femme de son temps. Blonde aux yeux verts, Ramon Perez ne la dessine pas comme un canon de beauté. Jane, c’est la modernité saupoudrée d’un zeste de classicisme. Évidemment que l’on tombe amoureux de Jane. Et aucun mal pour les jeunes adolescentes à s’identifier à elle. Mais en allant piocher dans le roman de Charlotte Brontë, A. Brosh McKenna évite de donner un accent trop girly à son récit.

 

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Des personnages attachants

L’histoire de Jane prend son temps, les éléments se mettant en place au fil les saisons. Avec Jane pas question de lire un polar au multiples intrigués enchevêtrées. Le scénario, certes linéaire, laisse la place à la construction des personnages, aux caractères et sentiments bien définies. On peut acter qu’il y a peu de surprises à l’arrivée, mais est-ce le but ? Lit-on ce type de récit pour être forcément surpris. Pas de mon côté en tout cas. J’ai été emporté par les sentiments naissants de Jane envers ce rustre de Rochester ainsi que son attachement comme une mère de substitution, à la petite Adèle. L’entourage de Jane ne se limite pas à la maison somptueuse des Rochester. Tout en contraste, Aline Brosh McKenna conçoit des personnages secondaires complémentaires et attachants à l’instar d’Hector, colocataire fauché qui accueille Jane, dans son studio minuscule mais tellement chaleureux. En manque de confiance, traumatisée par son enfance difficile et terne, Jane trouve la confiance qui lui manque au contact de Nicole, étudiante bouillonnante et haute en couleur. Jane va d’ailleurs commencer à s’affirmer, le dessin étant une catharsis, comme un jeu de miroir à l’intérieur d’un comics très graphique. Un des fils rouges, consiste d’ailleurs à savoir si Jane va oser exposer ses œuvres, sa relation avec sa professeure étant évidemment compliquée. Nouvel écho à la relation Jane-Adèle, l’enseignante se dessine comme une mère pour son élève.

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