Avec L’Homme à la tête de vis, Mike Mignola nous entraine une fois de plus dans de folles aventures à la sauce gothique, dans ce recueil de 6 histoires (dont 4 inédites !) édité par Delcourt.
■ par Émilie
Le problème avec le travail de Mike Mignola, c’est qu’il est excluant. Si vous n’aimez pas l’univers qu’il explore un peu différemment à chaque histoire, vous n’aimerez pas plus L’homme à la tête de vis et autres histoires déjantées que Hellboy et ses dérivés. L’Homme à la tête de vis est un hommage de plus à ce folklore que Mignola affectionne tant. Celui des goules, des vampires, des savants fous, des cabinets de curiosité, des pactes passés avec le diable, des malédictions égyptiennes et des statues qui vous suivent des yeux… Un monde dans lequel les héros sont des monstres plus humains que les humains.
La Ligue des gentlemen extraordinaires
Ici, le monstre est donc, entre autres, l’Homme à la tête de vis, superhéros patriote improbable auquel le Président Lincoln en personne fait appel régulièrement pour sauver le monde ! Et généralement, ça signifie affronter son ennemi juré, l’ignoble Empereur Zombie… Si le personnage donne son nom à ce recueil, on nous promet aussi d’ « autres histoires déjantées » qui, assurément, le sont ! Au total, 6 récits, dont le point commun est non seulement la référence perpétuelle à la littérature gothique, mais aussi un humour candide délicieusement rétro. Vous apprécierez ainsi sa variante toute personnelle du haricot magique, une histoire de SF qui sent bon le bourbon ou encore une récit d’amitié reptilo-alchimique. Dans les notes qui viennent clore L’Homme à la tête de vis, Mike Mignola l’avoue lui-même : il a écrit ces histoires pour se faire plaisir. Il laisse donc libre court à son imagination, élaborant des personnages excentriques, loufoques, kitsch, voire grotesques, avec toute la tendresse du monde. Il les aime ses monstres, Mike, et notamment son « Homme à la tête de vis » dont on aimerait bien lire d’autres aventures. Il connait si bien la littérature fantastique et de science-fiction de la fin du XIXème et du début du XXème qu’il peut se permettre, avec beaucoup de respect, de jouer avec leurs codes. Les amateurs de ces univers (comme le réalisateur Guillermo del Toro qui a adapté Hellboy pour le cinéma en 2004 et 2008) plongeront avec délectation dans cette petite anthologie des horreurs pour rire, d’autant plus que Delcourt propose une belle édition qui met en valeur l’autre point fort de Mike Mignola : son dessin.
Mike Mignola, un magicien du dessin, enfonce le clou
Y-a-t’il quelqu’un qui n’aime pas le dessin de Mike Mignola ? Dans L’Homme à la tête de vis et autres histoires déjantées, on retrouve son style affirmé dégageant une poésie qui, j’imagine (j’espère!), parle à tous. Sa maitrise des ombres est une histoire en soi et elle épouse si bien son écriture qu’on se surprend à penser que le plus important, c’est ce qui est caché. Sans ombre, pas de lumière, Mignola nous le rappelle sans cesse avec les mots aussi bien qu’avec les couleurs (en parlant couleurs, j’en profite pour saluer le travail de Dave Stewart). Son sens du détail se cache derrière l’apparente nonchalance de ses dessins. Ils méritent tous d’être regardés, et non vus. Il s’y cache souvent un petit quelque chose en plus, ou du moins, quelque chose à deviner… Oui, Mignola est un magicien qui parvient, en 2 ou 3 coups de crayon, à donner une âme non seulement à son Homme à tête de vis, mais aussi à une poêle à frire martienne et même au diable en personne ! Si ça, ce n’est pas une preuve… ■